j’ai infiltré le nanar

C’est l’histoire d’un magnat de la musique, réputé pour avoir « les meilleures oreilles de la profession » qui devient la cible d’une demande de rançon pour libérer son fils kidnappé. Sauf que ce n’est pas son fils qui se fait enlever, mais celui de son chauffeur, le plongeant dans un grand dilemme entre son empire musical, la vie et la mort.

On ne va pas mentir en disant que ce pitch donnait très envie et était plus que prometteur. D’autant plus avec Denzel Washington qui reprend le rôle culte de Toshiro Mifune dans Entre le ciel et l’enfer pour en incarner une version contemporaine plongée dans un New York grouillant, le tout sur fond de kidnapping, rançon, courses-poursuites, filatures et jeu de dupes. Et c’est sans compter sur Spike Lee, cinéaste ayant suffisamment filmé la grosse pomme dans sa carrière pour la rendre aussi luxurieuse qu’inquiétante.

Denzel Washington dans Highest 2 Lowest

Denzel Washington en roue libre

Le teaser de Highest 2 Lowest annonçait d’ailleurs la tension à venir, notamment avec le long monologue de Denzel Washington. Avec ses mots sur l’éthique, l’argent, le succès, l’échec et l’amour, on pouvait s’attendre à une histoire mouvementée, où justice et criminalité, intégrité et corruption, ordre et chaos, se percuteraient à travers des personnages ambigus. Et alors des questions : jusqu’où ira-t-il pour sauver son propre enfant ? Et serait-il prêt à aller aussi loin pour l’enfant d’un autre, celui d’une personne qu’il aime ?

Ce programme alléchant est bien présent dans Highest 2 Lowest mais en arrière-plan de l’arrière-plan, caché sous les intentions dissimulées de Spike Lee : réaliser un remake à sa sauce, loin du chef d’œuvre de Kurosawa. Dans l’idée, pourquoi pas ? À quoi bon refaire un chef d’oeuvre quand on peut se contenter de le revoir encore et encore ? C’est sans doute ce qui a animé Spike Lee à concrétiser sa variante complètement décomplexée, pour le meilleur et pour le pire.

ASAP Rocky dans Highest 2 Lowest

La musique, vu par Spike Lee, c’est quelque choseentre le sel et l’enfer

Dès son générique d’ouverture planant au-dessus de New York sur le Oh, What a Beautiful Mornin’ de Gordon MacRae, Spike Lee annonce presque la couleur. Le thriller tendu espéré va s’effacer au profit d’une ironie faussement « mordante », laissant carrément place à un style camp, volontairement grotesque. Le début d’un grand-guignol interminable, où le duo d’amis Spike Lee et Denzel Washington se jette sans sourciller dans un festival de roue libre.

Entre des dialogues catastrophiques, des répliques risibles (« meilleures oreilles du monde, mais cœur de pierre ») et des situations absolument lunaires, dont une où le personnage de Denzel Washington demande de l’aide à des portraits de James Baldwin, Stevie Wonder ou encore Jimi Hendrix, c’est un enchainement presque légendaire de ridicule. Et quand, en plus, l’ensemble est accompagné par une bande-originale insupportable signée Howard Drossin, c’est un calvaire interminable qui se joue sous nos yeux ébahis.

Denzel Washington dans Highest 2 Lowest

Une scène franchement décevante vu son potentiel

La scène du métro (reprenant celle du train chez Kurosawa donc) en est le plus gros symbole, toute tension étant sabotée par cette musique envahissante, couplée à une course-poursuite sans queue ni tête, largement entachée par une mise en scène d’une platitude affligeante. Bien sûr, voir la gravité des dilemmes se percuter à cette bouffonnerie tient au cœur même du genre camp (l’appart A24 amusant). Sauf que Spike Lee se plante lamentablement puisqu’on rit avant tout de son film plutôt que de ses personnages (hormis peut-être le flic blanc de la troupe).

Et malheureusement, ce n’est pas le simili propos sur la musique dans les derniers instants (et présent en filigrane à travers l’empire musical du personnage de Washington puis de celui d’A$AP Rocky) qui permet de redresser la barre. Parce qu’au milieu d’une intrigue faussement rythmée et très aléatoire, cette ode à l’artisanat, à l’art pour l’art, loin des mannes financières, est bien trop maigre pour raviver un film plus proche de l’enfer que du septième ciel.

Highest 2 Lowest est disponible depuis le 5 septembre sur Apple TV+ en France

Affiche US de Highest 2 Lowest