Appel pour la liberté de savoir

En cette rentrée 2025, Radio France et sa présidente Sibyle Veil lancent un appel pour la liberté de savoir. Alors que le savoir traverse une période de vive remise en cause, menacé par un « populisme scientifique » qui se décline sous toutes les latitudes, cet appel invite à préserver et à revendiquer la liberté de savoir. En effet, la capacité d’exercer pleinement toutes nos libertés dépend de la vigueur de la liberté de savoir. Cet appel est d’ores et déjà rejoint par les dirigeants de nombreuses institutions culturelles, scientifiques, d’enseignement et de recherche, des scientifiques de renom et de nombreuses personnalités des antennes de Radio France qui défendent au quotidien le savoir et en assurent la diffusion à destination de tous.

Prenez en connaissance et rejoignez cet appel en le signant dès aujourd’hui

Découvrez l’appel de Radio France pour la liberté de savoir

« Les universités sont nos ennemis ». En 2021, JD Vance, alors sénateur de l’Ohio, prononçait cette phrase qui faisait écho à un mot célèbre de Nixon – « les professeurs sont les ennemis » – et annonçait ce qui allait suivre. Quatre ans plus tard, cette sentence prophétique s’incarne dans une série de mesures ciblées : remise en cause des financements d’universités comme Harvard, suppressions massives de crédits au bénéfice de centres de recherche comme le Center for Diseases Control destiné à la prévention des épidémies, retrait des Etats-Unis de l’Unesco pourtant vigie des savoirs de l’humanité. Pour qualifier une classe dirigeante qui discrédite sciemment le savoir lorsqu’il contredit ses intérêts, le regretté Bruno Latour parlait d’« élites obscurcissantes ». C’est vieux comme le monde : le savoir est un pouvoir démocratique que certains préfèreraient voir supplanté par le pouvoir des croyances.

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Le populisme scientifique n’est pas un phénomène américain. C’est une doctrine franchisée. Elle s’exporte, s’adapte, se décline. Partout, elle repose sur les mêmes ressorts : disqualification et rejet de la complexité, substitution de l’opinion aux faits, diktat de l’émotion au détriment de la vérité. Le populisme scientifique est un mal moderne. Il se nourrit du fossé grandissant entre un savoir qui prend son temps, et un monde qui ne le lui laisse plus. Le savoir suppose lenteur, méthode, modestie. Il oblige à relire, à douter, à recommencer. Il est laborieux, parfois déceptif. Il n’est pas calibré par des algorithmes pour séduire des croyances personnalisées, il est universel. Une étude de trois chercheurs du MIT démontrait en 2018 combien le faux se répandait plus vite que le vrai sur les réseaux sociaux. En moyenne, concluaient-ils, il faut six fois plus de temps au vrai qu’au faux pour toucher le même nombre de personnes. La probabilité qu’une fausse information soit retweetée est 70% plus forte. Qu’en est-il 7 ans plus tard sous l’effet d’accélération de l’intelligence artificielle ?

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Dans un monde obsédé par l’instantanéité et la rentabilité, l’utilité des savoirs est en procès. Les coupables idéaux sont ceux qui produisent la connaissance et ceux qui la transmettent : chercheurs traités de militants, professeurs accusés d’endoctrinement, médias soupçonnés d’alignements partisans. Mais les vraies victimes, ce sont les citoyens. Quand les premiers sont disqualifiés, c’est souvent pour ôter du pouvoir aux seconds. Car, si la liberté de savoir ne figure pas dans nos constitutions, difficile – sans elle – d’exercer pleinement les libertés qui y sont inscrites. Sans liberté de savoir, le citoyen perd sa liberté de comprendre, sa capacité à exercer son libre-arbitre et donc à juger souverainement. Sans liberté de savoir, la liberté d’expression est une coquille vide. Dans un monde où la parole se détache du réel, où le citoyen est privé de ce qui lui permet de distinguer ce qui est prouvé de ce qui est cru, la démocratie devient vulnérable aux manipulations, à la défiance et aux passions tristes.

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Alors que faire ? D’abord, nommer l’attaque. Ceux qui discréditent les savoirs et leurs « passeurs » sont ceux qui en réalité ne veulent pas les voir partagés ou bien veulent s’arroger le pouvoir d’y faire le tri : garder ce qui les sert et disqualifier ce qui les contredit. Ensuite, résister à une fausse idée. Le savoir n’est pas une doxa. Il ne supprime pas les désaccords, il n’empêche pas la contradiction : il leur donne un cadre serein. Il transforme le conflit en débat. Il rend possible un monde commun. Enfin, rappeler que le savoir n’est pas un privilège. Il ne peut être confisqué. Il doit être revendiqué comme une liberté populaire. Cela suppose une alliance active de tous ceux qui en partagent l’éthique et ont un rôle à jouer pour le rendre accessible. Prenons la mesure de la menace : ne devenons pas une majorité silencieuse paralysée face à l’audace et l’obscurantisme des marchands d’opinion qui sont, eux, méthodiques et déterminés. Il y a pire que les combats perdus : il y a ceux qu’on ne voit pas se dérouler, et que l’on subit. La guerre contre le savoir est désormais déclarée. De la même manière que la République s’est fondée sur la garantie de la liberté des opinions et des croyances, il faut d’urgence défendre la liberté de chercher, de savoir et de transmettre.

Signez l’appel pour la liberté de savoir

Les premiers signataires de la tribune
Dirigeants d’institutions culturelles, scientifiques, de recherche et d’enseignement

  • Yasmine Belkaid, Directrice générale, Institut Pasteur
  • Gilles Bloch, Président, Muséum national d’histoire naturelle
  • Xavier Darcos, Chancelier de l’Institut de France
  • Claire Giry, Présidente directrice générale, Agence nationale de la recherche
  • Aline Houdy, Présidente, PariScience
  • Romain Huret, Président, EHESS
  • Édouard Kaminski, Président de l’Université Paris Cité, Président du Conseil de la Recherche et de l’Innovation de France Universités
  • Jack Lang, Président, Institut du monde arabe
  • Jean-Hervé Lorenzi, Président, Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence
  • Frank Madlener, Directeur, IRCAM
  • Philippe Mauguin, Président-directeur général, INRAE
  • El-Mouhoub Mouhoud, Président, Université Paris Sciences et Lettres
  • Antoine Petit, Président-directeur général, CNRS
  • Alain Puisieux, Président du directoire, Institut Curie
  • Thomas Römer, Administrateur, Collège de France
  • Didier Samuel, Président-directeur général, INSERM
  • Emmanuel Trizac, Président, ENS Lyon

Scientifiques et chercheurs

  • Grégoire Borst, Professeur de l’Université Paris Cité, Directeur de laboratoire
  • Gérald Bronner, Professeur de sociologie à la Sorbonne, Membre de l’Académie nationale de médecine Membre de l’Académie des technologies
  • Françoise Combes, Professeur au Collège de France
  • Stanislas Dehaene, Professeur au Collège de France
  • Arnaud Fontanet, Professeur au Collège de France et à l’Institut Pasteur
  • Marc Fontecave, Professeur au Collège de France, Directeur de laboratoire
  • Sonia Garel, Professeur au Collège de France, Directrice de laboratoire
  • Jules Hoffmann, Prix Nobel de médecine 2011
  • Lionel Naccache, Neurologue, Professeur Sorbonne Université
  • Asma Mhalla, politologue et essayiste
  • Albert Moukheiber, psychologue clinicien et docteur en neurosciences cognitives
  • Gérard Noiriel, Directeur d’études à l’EHESS
  • Lluis Quintana-Murci, Professeur au Collège de France et à l’Institut Pasteur
  • Philippe Sansonetti, Professeur émérite au Collège de France et à l’Institut Pasteur
  • Olivier Schwartz, chercheur, responsable d’unité à l’Institut Pasteur

Média

  • Fabrice Bakhouche, Directeur général, groupe SIPA Ouest-France

Créateurs de contenus

  • Benjamin Brillaud de « Nota Bene« , vulgarisateur en histoire et mythologies
  • Clément alias @Zebroloss, vulgarisateur scientifique
  • Théo Drieu alias @BaladeMentale, médiateur scientifique
  • Jean-Guillaume Olette-Pelletier alias @fregyptologist, égyptologue, président du Cercle Pétrarque
  • Romain Renne alias @Physigeeks, professeur de physique-chimie dans le secondaire
  • Julien Scanzi, médecin, hépato-gastro-entérologue
  • Océane Sorel alias @TheFrenchVirologist, docteur en médecine vétérinaire, virologue
  • Sophie Yvon alias @docteurpopy , chercheuse à l’INRAE et vulgarisatrice scientifique
  • Sophie-Hélène Zaimi alias @the_french_radiologist, médecin radiologue

Radio France

  • Vincent Meslet, Radio France
  • Céline Pigalle, Radio France/ICI
  • Adèle Van Reeth, France Inter
  • Agnès Vahramian, franceinfo
  • Emelie De Jong, France Culture
  • Marc Voinchet, France Musique
  • Ruddy Aboab, Fip
  • Michel Orier, Radio France
  • Charles-Emmanuel Bon, Radio France
  • Marie Message, Radio France
  • Laurent Frisch, Radio France
  • Cécilia Ragueneau, Radio France
  • Alexandra Bensaïd, France Inter
  • Stéphane Bern, ICI
  • Sophie Bécherel, France Inter
  • Vincent Charpentier, France Culture
  • Philippe Collin, France Inter
  • Philippe Corbé, France Inter
  • Clotilde Dumetz, France Culture/France Musique
  • Nassim El Kabli, France Culture
  • Olivier Emond, franceinfo
  • Pierre Fabing, ICI
  • Bill François, franceinfo
  • Etienne Klein, France Culture
  • Aurélie Luneau, France Culture
  • Matthieu Mondoloni, ICI
  • Richard Place, franceinfo
  • Dominique Seux, France Inter
  • Thomas Snegaroff, France Inter
  • Rémi Sulmont, France Inter
  • Natacha Triou, France Culture