Par
Jean-Marc Aubert
Publié le
5 sept. 2025 à 13h42
Au tour des offres ferroviaires à être dans le viseur du « gendarme économique » : la Chambre régionale des comptes -CRC- Occitanie basée à Montpellier a procédé à un audit-flash de la politique tarifaire des billets à 1€ mise en œuvre par la Région Occitanie sur le réseau de transports express régional -TER- pour la période 2019 à 2024. Cette évaluation constitue le premier examen approfondi de cette politique qui s’inscrit dans le cadre de la compétence régionale en matière de transport ferroviaire. Depuis 2017, les régions ont la liberté de déterminer les tarifs des TER.
C’est quoi un audit flash ? C’est une procédure de contrôle des comptes et de la gestion menée dans un délai inférieur à 4 mois et ciblé sur un sujet d’actualité. Le présent audit flash porte sur la politique du TER à 1€ portée par la région Occitanie. Ce document comprend une quarantaine de pages.
Un dispositif tarifaire diversifié et progressivement étendu
Initiée dans l’ancienne région Languedoc-Roussillon en 2011-2012, la politique tarifaire dite du « TER à 1€ » a été reprise et développée par la région Occitanie. Elle se décline désormais en cinq variétés distinctes : les billets week-end, les billets jeunes, les billets contingentés, les billets des cinq lignes historiques, et les billets dits pics de pollution.
Des résultats quantitatifs significatifs
Malgré une augmentation de 68% de la fréquentation globale du réseau entre 2019 et 2024, plaçant la région en tête des progressions nationales, la population d’Occitanie reste une de celles qui utilise le moins le train proportionnellement à sa population. Les projections pour 2032 visent à atteindre 100 000 voyageurs par jour, et les offres tarifaires à 1€ sont un levier d’action pour améliorer la fréquentation du réseau ferroviaire.
En 2023, plus de 2,7 millions de billets à 1€ ont été vendus, représentant 12,9% du volume total de voyageurs-kilomètres. Les offres ciblant les jeunes et les premiers week-ends constituent 55,3% des ventes totales de billets à 1€. Les week-ends à 1€ ont notamment généré 47% de voyages supplémentaires comparativement aux week-ends ordinaires sur le premier semestre 2024.
Vidéos : en ce moment sur ActuUn financement majoritairement assumé par le contribuable
En 2023, les dépenses de fonctionnement consacrées à la compétence ferroviaire ont représenté 466 millions d’euros, soit près d’un quart du budget principal de la région Occitanie. Les recettes commerciales ne financent que 23,4% des coûts d’exploitation, constituant le ratio le plus faible parmi les régions françaises, la moyenne nationale s’établissant à 32,8%. Le reste est financé par les contribuables. Les offres tarifaires à 1€ ont engendré un coût global évalué à 9,1 millions d’euros par an. A elles seules, les offres à 1€ ne suffisent pas à inciter au report modal.
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Bien qu’animée par la volonté de développer le report modal, la région n’est pas en capacité d’évaluer précisément l’impact de ces offres à 1€. Une enquête IPSOS de juin 2023 indique que le coût de l’abonnement ou des billets n’arrive qu’en septième position comme motif de non- utilisation des transports en commun, après la fréquence des trajets, les horaires et la durée de trajets. Or la qualité de service des TER en Occitanie, évaluée par les taux de fiabilité (86,8%) et de ponctualité (86,5%) en 2023, demeure inférieure à la moyenne nationale, plaçant la région parmi les plus en difficulté sur ces aspects.
Un impact environnemental complexe à évaluer
La région porte l’ambition de réduire de 40% les émissions exprimées en grammes de CO2 par voyageur-kilomètre. Toutefois, les lignes historiques à 1€ présentent des résultats contrastés sur le plan écologique. Les lignes à traction thermique ont, en effet, des taux d’émission de CO2 par voyageur-kilomètre similaires à ceux de la voiture en raison de leur faible taux d’occupation, ce qui compromet l’objectif environnemental recherché.
Le contrôle de la CRC
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité des juridictions financières, donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration des rapports publics qui en résultent : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’indépendance institutionnelle des juridictions financières et l’indépendance statutaire de leurs membres garantissent que les contrôles effectués et les conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La contradiction implique que toutes les observations et recommandations formulées à l’issue d’un contrôle sont systématiquement soumises aux responsables des administrations ou organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives qu’après prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des responsables concernés.
La collégialité intervient pour conclure les principales étapes des procédures de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est confié à un ou plusieurs rapporteurs. Le rapport d’instruction, comme les projets ultérieurs d’observations et de recommandations, provisoires et définitives, sont examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation comprenant au moins trois magistrats. L’un des magistrats peut assurer le rôle de contre-rapporteur et veille à la qualité des contrôles.
Carole Delga : « Un bilan très positif »
« Cette politique du 1€ porte ses fruits avec plus 68% de billets vendus entre 2021 et 2024, plaçant notre Région en tête des progressions nationales », se félicite Carole Delga, présidente des Régions de France et de la Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée, dans sa réponse à cet Audi flash de la CRC. Elle ne cache pas que, « cette décision est bien un choix politique assumé de soutien au pouvoir d’achat des ménages soutenue par l’exécutif régional. Je considère donc que le bilan est très positif ».
Carole Delga observe que, « Ces investissements, ni l’État, propriétaire du réseau, ni son opérateur, la SNCF-Réseau dont l’État est actionnaire à 100% n’ont plus la volonté et/ou les moyens de les réaliser et sollicitent les Régions ». Elle rappelle que, « Depuis 17 ans, les Régions LR, puis Occitanie ont investi près de 900M€ pour entretenir et développer les chemins de fer sur notre territoire ».
Carole Delga confirme que, « c’est pourquoi, j’ai pris l’initiative en tant que présidente des Régions de France et de présidente d’Occitanie de lancer une mobilisation pour sauver les chemins de fer français, notamment pour trouver des points des fonds pérennes, via l’Agence de financement des infrastructures de Transport de France, l’AFITF ». Objectif : que le concept du train à 1€ ne déraille pas !
> Les rapports publics de la chambre régionale des comptes Occitanie sont accessibles en ligne sur le site internet de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes : www.ccomptes.fr
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