Ce devait être l’un des temps forts de la programmation de l’Opéra national de Bordeaux (ONB), mais cela pourrait bel et bien devenir une polémique : la Société universelle de l’hindouisme (USH), une institution américaine qui veut améliorer la compréhension de l’hindouisme au niveau mondial, réclame le retrait de « Lakmé Revisited », une « adaptation libre, moderne et engagée », ainsi que la présente l’ONB, de l’opéra de Léo Delibes, programmée au Grand-Théâtre du 24 au 26 février 2026.
L’œuvre du compositeur français est un opéra en trois actes créé en 1883, basé sur le roman de Pierre Loti « Rarahu ou le Mariage de Loti ». L’histoire se déroule en Inde au XIXe siècle, pendant la période coloniale britannique, et raconte l’histoire d’amour impossible entre un officier anglais et la fille d’un brahmane qui appelle à la révolte contre les colons.
« Caricature occidentale »
Mais pour l’USH, la programmation de cet opéra orientaliste ne passe pas. « Une institution renommée comme l’ONB ne devrait pas s’adonner à promouvoir sans scrupule l’appropriation des traditions, des éléments et des concepts ‘‘d’autrui’’ ni à tourner en ridicule des communautés entières », estime l’organisation présidée par Rajan Zed, un prêtre hindou connu pour avoir été le premier à avoir prononcé une prière hindoue devant le Parlement de l’État du Nevada.
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Selon l’USH, « Lakmé » offre une « caricature occidentale du patrimoine oriental » et « favorise les stéréotypes ethniques ». L’organisation, qui avait également attaqué dans les mêmes termes la représentation de l’opéra de Delibes au Washington Concert Opera en 2022 selon le site spécialisé OperaWire, « exhorte » l’ONB à « présenter des excuses » et à « réévaluer ses procédures », en « envoyant ses dirigeants suivre une formation sur la sensibilité culturelle afin que de telles dérives ne se reproduisent pas ».
« Le projet de mise en scène de Sérine Mahfoud n’est ni partisan, ni simpliste, ni dogmatique »
« Éveiller les consciences »
Contacté ce vendredi 5 septembre, le directeur général de l’ONB Emmanuel Hondré regrette de ne pas avoir été contacté par Rajan Zed plus tôt pour « débattre de ces questions importantes ». « Ce communiqué [de l’USH, NDLR] vise à déprogrammer l’œuvre, non à remettre en cause la vision contemporaine que nous aurions de cette œuvre. […] Nous avons en effet confié cette mise en scène à Sérine Mahfoud, précisément parce que son projet de mise en scène n’était ni partisan, ni simpliste, ni dogmatique. »
Emmanuel Hondré, directeur général de l’opéra national de Bordeaux.
Claude Petit/SO
Selon Emmanuel Hondré, loin de la « caricature orientale » dénoncée par l’USH, la mise en scène de Sérine Mahfoud fait « disparaître […] l’exotisme » et « évite les pièges des prises de position simplistes ». Pour une meilleure appréhension de cette adaptation d’une œuvre qui « pose des questions de société dont les enjeux sont sensibles et complexes », « les représentations de cet opéra seront précédées d’une rencontre en amont pour donner au public les informations nécessaires et décrire les choix artistiques de ce projet », indique le directeur général de l’ONB.
Qui conclut : « Le service public n’est pas là pour délivrer une vérité ou prendre parti ; il est là pour éveiller les consciences et permettre à chacun de se faire une opinion. »