FRANCE. Rachida Dati avait annoncé en janvier dernier lors de ses vœux à la presse son intention de créer « une grande fondation pour l’art contemporain français, basée sur un modèle juridique public-privé comparable à la Fondation du patrimoine ». Sans doute prise d’un doute sur l’intérêt de cette nouvelle structure, elle a commandé, en mars, un rapport à Martin Bethenod sous le prétexte d’une étude sur le renforcement de la scène artistique française. Celui-ci connaît bien le sujet pour avoir été l’ancien directeur de la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) puis de la Bourse de Commerce – Pinault, mais également co-auteur en 2008 d’un rapport sur le développement du marché de l’art en France. La brièveté de la mission ne l’a pas empêché de conclure nettement, dans son rapport rendu public en juillet, à l’inutilité d’une telle fondation, au financement incertain et aux effets déstabilisateurs sur les structures existantes.
C’est d’ailleurs à l’une de ces structures qu’il propose de confier davantage de responsabilités dans le soutien à la scène française : le Centre national des arts plastiques (CNAP). Ce n’est pas nouveau, en 2011, Frédéric Mitterrand, alors ministre de la Culture, avait annoncé « 15 mesures pour les arts plastiques » et parmi elles, le « rôle fédérateur du CNAP ». Cette fois-ci, les mesures sont plus concrètes puisque l’une d’elles demande au CNAP de consacrer l’intégralité de son budget d’acquisition aux artistes de la scène française, alors qu’aujourd’hui il ne leur en alloue que la moitié. Cette recommandation serait menée à titre expérimental pendant trois ans, sans qu’il soit précisé les facteurs qui feraient que cette expérimentation serait prolongée ou pas. Le CNAP, dirigé par Béatrice Salmon dont le mandat se termine le 31 octobre 2025, est par ailleurs invité à muscler son site d’information et ses services auprès des acteurs du monde de l’art contemporain et à simplifier ses dispositifs de soutien, en particulier auprès des galeries.
Une définition de la scène française
Le Centre Pompidou et le Palais de Tokyo sont également sollicités pour soutenir la scène française (au sens large, incluant les artistes étrangers vivant et travaillant en France). Le Centre Pompidou peut continuer à acquérir des artistes internationaux, mais il lui est demandé d’exposer au moins 40 % d’artistes de la scène française, sur le modèle du Palais de Tokyo érigé en exemple. De son côté, le même Palais de Tokyo est invité à organiser une exposition de soutien à la scène française. Le rapport n’en définit pas les modalités, mais rappelle le « bon » exemple de la Triennale de 2012 et le « mauvais exemple » des deux éditions précédentes de 2006 et 2009 intitulées « La Force de l’art ». Dirigée par Okwui Enwezor, la Triennale de 2012 s’était distinguée par sa dimension postcoloniale et la très grande majorité d’artistes de scènes étrangères.
Les recommandations pour le soutien de la scène française en dehors des frontières sont moins ambitieuses alors que le rapport souligne à juste titre que « la part des artistes de la scène française reste marginale sur l’aire prescriptrice et le marché directeur que sont les États-Unis ». Il est proposé que les écoles d’art invitent davantage de professeurs étrangers et que les FRAC et centres d’art accueillent plus de commissaires internationaux associés en escomptant qu’une fois rentrés dans leur pays, ces professeurs et commissaires fassent la promotion de la scène française alors mieux connue d’eux. Le raisonnement est juste mais un tel dispositif ne peut avoir d’effets concrets que dans plusieurs années.
Dans l’immédiat, le rapport mentionne les peu connus Pôles européens de production (PEP), renommés en mai dernier « Pôles internationaux de production et de diffusion (PIPD) ». Ces pôles fonctionnent un peu sur le modèle de la Fondation Gulbenkian (évoquée sans être nommée dans le rapport) qui finance des expositions et catalogues d’artistes portugais dans les lieux de diffusion de l’art contemporain de nombreux pays… mais avec la complexité bureaucratique bien française en moins. Ces pôles regroupent plusieurs structures qui mettent en commun leurs moyens afin de produire des spectacles à l’étranger. Jusqu’à présent, les anciens PEP ne concernaient que le spectacle vivant. Les 11 nouveaux PIPD comprennent maintenant un pôle art visuel dénommé « Ecotone », constitué du Fonds régional d’art contemporain (FRAC) et du Centre d’arts plastiques contemporains (CAPC) de Bordeaux et du Centre d’art contemporain d’Ivry-sur-Seine (Crédac). On ne connaît pas la subvention additionnelle versée à Ecotone pour produire des expositions à l’étranger. Le rapport propose de s’inspirer de ce dispositif pour d’autres FRAC et centres d’art et évoque un budget annuel de 200 000 € à 400 000 € soit 20 000 € par lieu labellisé.
Martin Bethenod (avec la contribution d’Anne-Marie Le Guével, inspectrice générale des affaires culturelles) a fait l’effort de calculer le coût de certaines mesures. Ce n’est pas énorme, moins de 5 millions d’euros dont plus des deux tiers pour une nouvelle Triennale. Le recentrement des acquisitions du CNAP permettrait d’injecter environ 800 000 € dans le circuit. On est très loin des 30 millions d’euros de l’oubliable (et d’ailleurs pas renouvelée) « grande commande publique » du plan de relance, renommée « Mondes nouveaux ». Le rapport se concentre uniquement sur l’offre et pas du tout la demande (les collectionneurs). On attend maintenant les décisions qui seront prises par la ministre ou son successeur.
Journées nationales des artistes
La Maison des artistes (MDA) organise, les 13 et 14 septembre, une nouvelle manifestation qu’elle espère pérenniser dans le temps. Partout en France, les artistes mais aussi les lieux de diffusion de l’art contemporain sont invités à ouvrir grand leurs portes au public. Un site Internet recense les lieux participants. La veille, la MDA organise au cours de l’après-midi un colloque à l’Hôtel Salomon de Rothschild à Paris, constitué de trois tables rondes sur la place et le statut des artistes dans nos sociétés confrontées à de nouveaux enjeux.