PORTRAIT – Restauratrice d’objets patrimoniaux, cette mère de deux enfants était en voyage avec son mari, André Bergeron, lui aussi décédé mercredi. Elle vivait au Québec depuis plus de deux décennies.
Au surlendemain de la catastrophe, 11 étrangers figurent parmi les 16 morts recensés après l’impressionnant déraillement d’un funiculaire à Lisbonne, selon le dernier bilan présenté vendredi par les autorités portugaises, qui ont reporté à samedi la publication de premiers éléments de l’enquête sur les causes de l’accident. La catastrophe, survenue mercredi en fin d’après-midi dans un quartier très touristique du centre de la capitale portugaise, a coûté la vie à cinq Portugais, trois Britanniques, deux Sud-Coréens, deux Canadiens, une Française, un Suisse, un Américain et un Ukrainien, a détaillé la police judiciaire dans un communiqué.
L’une de ces victimes s’appelait Blandine Daux. Cette Française était en voyage dans la capitale portugaise en compagnie de son conjoint, André Bergeron, au cours du cadeau de la récente retraite de ce dernier. L’identité du couple a été confirmée par un membre de la famille à CBC News. «Je suis abattu. C’est impossible à croire et un choc total», a confié Éric Bergeron, frère de la victime, à nos confrères canadiens. «Mon frère était ici en vacances avec sa femme. Ils filaient le parfait bonheur puis le dernier jour de leurs vacances au Portugal, ils sont morts dans un accident de funiculaire.»
«C’est un drame épouvantable»
Mariés depuis plus de 20 ans et parents de deux enfants, André Bergeron et Blandine Daux vivaient au Québec où ils étaient spécialistes en archéologie. Tous deux étaient restaurateurs spécialisés d’objets patrimoniaux au Centre de conservation du Québec. Ils avaient également cosigné une publication en 2021 sur la conservation archéologique au bénéfice des institutions muséales. «C’était un homme fantastique que j’admirais et que j’aimais profondément. Ma belle-sœur aussi. C’est un drame épouvantable», a soufflé Éric Bergeron auprès de nos confrères depuis Lisbonne, où il est arrivé accompagné par les deux filles du couple.
Avant de construire sa vie au Québec, Blandine Daux a grandi en France, où elle a obtenu un Bac dans le lycée Jules-Ferry de Saint-Dié-des-Vosges (Vosges), avant de poursuivre une formation tournée vers sa passion, l’archéologie, à la faculté universitaire de Sciences humaines de Strasbourg puis à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, avec l’obtention d’un master Conservation-restauration. Elle s’est installée à Metz, à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) où elle a travaillé pendant 13 ans en tant que dessinatrice d’archéologie. Avant de changer de vie en 2003, et de traverser l’Atlantique pour découvrir le Québec. Blandine Daux a rejoint le Centre de conservation du Québec en janvier 2004 où elle travaillait depuis près de 22 ans.
Contribution «remarquable»
L’une des deux filles du couple, Violette Daux-Bergeron, a lancé une cagnotte sur GoFundMe pour «toutes les personnes prêtes à faire un don pour aider (s)a famille en cette période tragique». «Nous adressons tous nos remerciements aux âmes bienveillantes qui nous ont aidés et envoyé leur amour», ajoute-t-elle, en joignant une photo en compagnie de ses deux parents, où l’on peut les voir tout sourire. Deux affiches, l’une pour une fromagerie «Les Courtenay», l’autre pour les pommes de terre de l’île de Noirmoutier, sont affichées sur le mur derrière la famille.
Dans une post publié sur les réseaux sociaux, le ministère de la Culture et des Communications canadiens a salué la contribution «remarquable à l’atelier archéologie-ethnologie du Centre de conservation du Québec» du couple. «André Bergeron, un des pionniers du CCQ, a consacré plus de 40 ans à la restauration avant de prendre sa retraite en 2022. Blandine Daux s’était jointe à l’équipe en 2001», rappelle le ministère. «Leur départ laisse un vide immense au sein du CCQ et du ministère de la Culture et des Communications», est-il également écrit.
Journée de deuil national
D’après des témoins, un des deux wagons jaunes de l’ascenseur de la Gloria – reliés par un câble en système de contrepoids – a dévalé la colline à toute allure, avant de dérailler au niveau d’un virage et de se fracasser contre un immeuble alors qu’il était quasiment plein. Les débris du funiculaire centenaire ont été déblayés dans la nuit de jeudi à vendredi, rendant un semblant de normalité à la rue où la catastrophe a eu lieu, mais la capitale portugaise restait sous le choc. Le premier ministre portugais Luis Montenegro a parlé de cet accident, qui a fait également cinq blessés graves, comme «une des plus grandes tragédies humaines» de l’histoire récente du Portugal, après avoir décrété une journée de deuil national. Un ressortissant français figure d’ailleurs parmi les blessés, selon le quai d’Orsay.
Les causes précises de l’accident restent inconnues, et l’agence portugaise chargée d’enquêter sur les accidents aériens et ferroviaires a reporté de vendredi à samedi après-midi la publication d’une «note informative faisant état des premières constatations confirmées», avant un rapport préliminaire d’ici un mois et demi. D’après des chiffres fournis par Carris à l’hebdomadaire Expresso, l’ascenseur de la Gloria a transporté 769.000 passagers en 2024, soit une baisse annuelle de 23%.