Une étude révolutionnaire a dévoilé un pan méconnu de l’histoire des mammouths en analysant leurs microbiomes à partir de centaines de restes fossiles.

Gros plan sur une dent fossilisée de mammouth partiellement enfouie dans le sol gelé.Cette dent de mammouth, datée d’un million d’années, constitue une archive naturelle exceptionnelle pour la paléogénétique – DailyGeekShow.com

Parmi eux, un mammouth des steppes retrouvé près de la rivière Adytcha, dans le nord-est de la Russie, vieux de 1,1 million d’années, a livré les secrets de son ADN bactérien. Cette découverte ouvre une nouvelle fenêtre sur l’évolution des géants de l’ère glaciaire et sur les menaces sanitaires qu’ils ont partagées avec leurs lointains cousins modernes.

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Une plongée inédite dans l’écosystème microbien des mammouths

Jusqu’à présent, les recherches sur les interactions anciennes entre les animaux et les microbes se concentraient principalement sur les humains et leurs ancêtres proches.

Gros plan sur une dent fossilisée de mammouth montrant ses reliefs caractéristiques.Cette dent de mammouth, conservée depuis plus d’un million d’années, a permis d’extraire un ADN exceptionnellement ancien – Credit : Love Dalèn

En revanche, les espèces éteintes comme les mammouths restaient largement négligées. Cette lacune vient d’être comblée grâce à une initiative scientifique audacieuse.

L’équipe dirigée par Benjamin Guinet, du Musée suédois d’histoire naturelle, a analysé l’ADN microbien de 483 spécimens fossiles de mammouths. Ces restes provenaient de sept sites en Russie et au Canada, couvrant plus d’un million d’années d’évolution.

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En utilisant diverses techniques génétiques, les chercheurs ont identifié 310 microbes présents dans des tissus variés, comme des dents, des côtes et des tibias.

Des bactéries anciennes toujours actives chez les éléphants modernes

La majorité de ces microbes proviennent de l’environnement. Cependant, six d’entre eux vivaient en symbiose avec leur hôte mammouth.

Parmi ces spécimens, 440 échantillons inédits proviennent d’un mammouth des steppes, célèbre pour avoir fourni l’ADN animal le plus ancien jamais séquencé.

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Les scientifiques ont extrait des fragments d’ADN d’Erysipelothrix à partir d’une molaire fossilisée. Ils ont également identifié cette bactérie dans des os de mammouths laineux.

Aujourd’hui, cette bactérie provoque parfois l’endocardite, une infection grave du cœur chez plusieurs espèces, y compris l’être humain. Ce lien montre que certains agents pathogènes conservent leur pouvoir infectieux depuis des millénaires.

Des menaces sanitaires millénaires encore présentes

Squelette de mammouth laineux reconstitué dans une salle de musée avec panneaux explicatifs.Ce squelette de mammouth reconstitué offre un témoignage fascinant sur la vie et l’extinction de ces animaux préhistoriques – Source Lilian Cazabet

L’étude révèle aussi cinq autres types de bactéries associées à l’hôte, comme Pasteurella et Streptococcus. Les chercheurs ont identifié une souche de Pasteurella très proche de celle qui a causé la mort de six éléphants africains au Zimbabwe en 2020. Cette souche est présente dans deux spécimens du Pléistocène tardif.

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Deux types distincts de Streptococcus ont également été extraits de dents de mammouth laineux. L’un d’eux est apparenté à une souche moderne responsable des caries humaines. Cette continuité bactérienne, observée sur plus d’un million d’années, remet en question nos certitudes sur l’évolution microbienne et animale.

Une révolution scientifique qui éclaire le passé et le présent

Même si certaines de ces bactéries provoquent des maladies, d’autres jouent des rôles bénéfiques. Par exemple, Pasteurella participe à la production d’acide succinique, un élément clé du métabolisme cellulaire.

En plus de constituer une base de données colossale pour les recherches futures, cette étude prouve que les scientifiques peuvent identifier des bactéries associées à l’hôte dans des fossiles d’animaux disparus.

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Ce champ de recherche émergent promet de révolutionner notre compréhension de la santé des espèces éteintes. Il éclaire également leur évolution biologique à long terme. Ainsi, il offre une vision inédite des dynamiques de coévolution entre hôtes et pathogènes, passées comme actuelles.