Lionel Charvin, 53 ans, avait déjà été condamné en mars 2022 à douze ans de réclusion criminelle pour des faits similaires commis sur onze des patientes dont il accompagnait la grossesse et le post-partum.
« Je voudrais m’adresser aux victimes et leur dire que j’ai bien entendu leur détresse, leur douleur. J’ai été un mauvais praticien, mais aussi un mauvais mari. J’espère de tout mon cœur que les victimes pourront se reconstruire le plus rapidement possible, et moi je vais retourner en prison. »
Victimes, ou plaignantes ? Jusqu’à l’ultime instant de son procès devant la cour criminelle de l’Hérault, vendredi 5 septembre, Lionel Charvin, 53 ans, a cultivé l’ambiguïté dont il n’a su se départir pendant deux jours.
« Qu’est-ce que la cour doit comprendre ? » soupire la présidente
Au matin même, ce maïeuticien qui a exercé pendant 17 ans à Montpellier, en clinique et en cabinet libéral, fait encore le tri entre les six patientes qui l’accusent. Toutes affirment avoir subi en consultation des pénétrations digitales n’ayant rien à voir avec une rééducation du périnée ou une préparation à l’accouchement, comme onze autres l’avaient fait auparavant : en février 2021, Lionel Charvin a été pour ces faits, alors contestés, condamné à 12 ans de réclusion, et n’a pas fait appel.
« Qu’est-ce que la cour doit comprendre ? » soupire la présidente, après les dépositions poignantes, la veille, des trois plaignantes présentes physiquement à l’audience.
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« Pour les deux premières, j’ai de toute façon une responsabilité puisque j’étais leur soignant. Pour la troisième, j’ai découvert ce couple ce jour-là, j’ai fait un geste que j’ai fait très souvent, donc pas de responsabilité. »
« Est-ce une responsabilité ou une culpabilité pénale ? »
« C’est une responsabilité morale et de mauvais professionnel de santé ».
« Pas une responsabilité pénale ? »
« Non ».
Il avoue des intentions sexuelles avec certaines
Une ambiguïté qu’il entretient sur les gestes techniques de ce métier de sage-femme, où l’on doit toucher l’intimité des parturientes, pour les aider dans leur grossesse, ou post-partum. Il est là question de doigts dans le vagin, de mouvements circulaires ou de va-et-vient, de gestes thérapeutiques… et de masturbations, que les plaignantes ont dénoncées.
« Une femme est capable de dire si c’est un geste de masturbation ou un point de contact qu’on pose. Toutes ces femmes décrivent la même chose, en quoi êtes-vous coupable sur la première instance et pas sur le procès d’aujourd’hui ? » insiste la magistrate. « Quel est l’élément qui change ? »
« La patiente et le contexte » répond l’accusé, qui a avoué avoir eu des intentions sexuelles avec certaines patientes, selon lui réciproques.
« Donc si vous avez une attirance sexuelle le geste n’est pas médical et sinon le geste est médical ? »
Me Iris Christol, déjà partie civile au procès de 2022, veut balayer ces arguties. « Vous pouvez nous expliquer comment on peut soigner le dos en passant par le vagin ? On a eu un rhumatologue déjà condamné pour ça à Nîmes, et vous n’êtes pas kiné ! À quel moment on peut accorder un peu de sincérité à ce que vous dites ? »
Me Aude Widuch, en défense, tente à son tour de briser la carapace de ce bunker mental dans lequel Lionel Charvin semble reclus.
« Pourquoi en reconnaître certains et pas d’autres ? » Silence. « Je le disais tout à l’heure c’est en fonction de la patiente et du contexte. »
Des risques de récidive toujours présents
« Ce procès n’est pas celui de la profession de maïeuticien, et encore moins de celui des hommes qui l’exercent. Nous sommes sur le procès de la sexualisation d’actes thérapeutiques » insiste l’avocat général Yessine Bouchareb, qui requiert 14 ans de réclusion contre l’accusé. « L’expert dit que ces transgressions répétées ne permettent pas d’écarter le risque de récidive. Il est nécessaire de montrer que notre société évolue, et dans le bon sens ».
Me Cécile Sauvage, partie civile, abonde. « Son attitude est très inquiétante, il n’a toujours pas compris que le consentement était un préalable à tout acte sexuel. » Me Charlène Granier déplore : « Aucune évolution, trois ans après sa condamnation. »
Me Iris Christol revient sur les circonstances si particulières de ces viols, certains commis juste avant l’accouchement : « Une femme est prête à tout supporter pour être la mère qu’on attend. La contrainte morale elle est là. On va tout faire pour bien accoucher » insiste-t-elle, rappelant les suites psychologiquement dévastatrices de ces actes : « Pour elles, l’anniversaire de la naissance de leur enfant est aussi l’anniversaire de leur viol. »
« Mais il faut quand même s’interroger sur quel est le boulot de la sage-femme ! » s’insurge en défense Me Aude Widuch, revenant sur les déclarations de certaines plaignantes, qui reconnaissaient que Lionel Charvin leur demander de prévenir, s’il touchait leur clitoris.
« Elle est où, la contrainte, il est où l’acte masturbatoire ? »
Me Antoine Fauviau poursuit : « Quatre-vingt-dix neuf pour cent de la patientèle de Lionel Charvin n’a pas eu de ressenti négatif après l’avoir consulté. Cela pose question. »
Une heure plus tard, la cour criminelle livre ses réponses. Coupable de six viols aggravés, Lionel Charvin est condamné à 14 ans de réclusion et à trois ans de suivi sociojudiciaire. Il a dix jours pour faire appel, mais pourrait aussi demander une confusion de peine, totale ou partielle, entre ses deux condamnations, les faits et la période étant similaires.