Hassan Makaremi reçoit dans son petit atelier de la rue de l’Alma, dans le centre de Bergerac. Aux murs, une collection de masques tribaux, des cartes de l’Iran et des calligraphies de l’artiste. Dans une petite vitrine, quelques livres parmi la trentaine qu’il a écrits. Des tapis, aussi, fabriqués en Iran à partir de ses œuvres.
Et puis une grande bouteille de Cyrhus, ce vin perse, interdit en Iran, que sa famille a recommencé à vinifier en Bergeracois. Un acte de résistance dans l’exil, face au régime des mollahs. Tout un symbole. « Mon fils me l’a offerte pour mon anniversaire, dit Hassan Makaremi. Peut-être que je l’ouvrirai pour le vernissage. En tout cas, on fera une dégustation, c’est sûr. »
Ce cabinet de curiosités illustre la vie – ou plutôt les vies – du maître des lieux : ingénieur, informaticien, psychanalyste, analyste en stratégie internationale, artiste… La boulimie d’apprendre et la brûlure de l’exil ont dessiné son parcours original, plus riche et complexe qu’un tapis persan, dont il dénoue les fils de l’histoire.
Prison, exil, deuil
Né à Shiraz, en Iran, il y a soixante-quinze ans, passé par l’école Polytechnique de Téhéran, il a connu la prison, l’exil forcé, et la clandestinité pour son engagement contre le régime du shah, puis celui des mollahs. « Pour ses activités politiques, mon épouse a été condamnée en 1981 à dix ans de prison par la République islamique. Elle en a fait sept, avant d’être exécutée en 1988. »
Hassan Makaremi fuit son pays au début des années 1980 et n’y retournera jamais. « J’ai tout laissé derrière moi et j’ai recommencé à zéro en arrivant en France. C’était le 4 janvier 1983, à 2 heures du matin, aéroport Charles-de-Gaulle. J’avais un laissez-passer du consulat et 1 500 francs en poche. »
« J’ai tout laissé derrière moi et j’ai recommencé à zéro en arrivant en France »
Déjà titulaire d’un doctorat en électronique en Iran, il valide un diplôme d’ingénieur à l’école Centrale, et fait carrière dans l’informatique, notamment aux Haras nationaux de Limoges. « En 1986, j’ai pu construire une maison et faire venir mes enfants. » Il s’intéresse aussi à la psychanalyse et valide un second doctorat, en 2003. Puis un troisième, en 2012, en stratégie internationale.
Styliser le monde
Et l’art, dans tout ça ? « La peinture me passionne depuis l’enfance, dit-il. Mais j’ai commencé sérieusement vers 1995, avec une première exposition à Limoges. Et maintenant j’en suis à plus d’une trentaine, avec Cuba, la Russie, le Maroc, les Pays-Bas… » Beaucoup plus proche, la prochaine est prévue à la galerie Garance de Bergerac, tout près de son atelier (1).
Hassan Makaremi peint depuis l’enfance et plus sérieusement depuis 1995.
T. J.
Passionné par le poète persan Hafez, lui aussi originaire de Shiraz, Hassan Makaremi transcrit volontiers des passages de ses poèmes dans ses tableaux, avec une calligraphie toute personnelle. « Ces quarante dernières années, je m’aperçois que je n’ai fait que styliser ma perception du monde », résume-t-il.
(1) « Moi calligraphe… » , du samedi 13 au samedi 27 septembre, à la Galerie Garance, rue Saint-Louis. Conférence et vernissage, samedi 13, à partir de 10 h 30. Stages de calligraphie les 16, 20 et 23 septembre. Renseignement et inscriptions au 06 77 79 48 72.