Vendredi 5 septembre 2025, entre 7 h et 9 h, la police nationale et Keolis ont mené une opération de prévention devant la gare de Rennes. Ils voulaient sensibiliser les cyclistes et utilisateurs de trottinettes électriques aux règles de circulation en ville, à l’heure où les mobilités douces explosent… et parfois s’entrechoquent.

Responsable de l’unité de prévention routière à l’hôtel de police de Rennes, le brigadier-chef Anthony Realland est un visage familier des cours d’école, où il enseigne régulièrement les principes de sécurité aux enfants. Mais ce matin-là, devant la gare, il affiche un air un peu désabusé. Face à lui, les cyclistes et utilisateurs de trottinettes enchaînent les infractions : casques vissés sur les oreilles, vitesse excessive, circulation sur les trottoirs. « Les écouteurs, c’est un vrai fléau », lâche-t-il. « L’objectif de notre présence ici, c’est d’entrer en contact avec les usagers — cyclistes, trottinettistes, piétons — et de profiter de la rentrée pour sensibiliser de nouveaux arrivants à Rennes. »

Depuis le début de l’année, 47 accidents corporels concernent des deux roues dont 23 avec des trottinettes », explique Catherine Jaunatre, responsable de la communication de la police d’Ille-et-Vilaine

Ce vendredi matin, le brigadier et ses collègues sont là pour informer, pas sanctionner. Les 135 € d’amende pour port d’écouteurs ou absence d’équipement ne tomberont pas. À la place, les policiers rappellent les règles essentielles de sécurité. «Beaucoup ne mesurent pas toujours les risques dans un environnement urbain. Si chacun fait sa part, on peut faire baisser les chiffres de l’accidentalité.  I Les grands principes, ce sont la visibilité, un bon éclairage, des freins en état, et les appareils obligatoires comme les catadioptres ou le gilet rétro-réfléchissant. »

Les cyclistes doivent signaler tout changement de direction par un geste clair du bras », explique le brigadier.

Partenaires de l’opération, les agents de Keolis étaient eux aussi pleinement mobilisés. « Le secteur de la gare est un point de convergence pour tous les modes de déplacement : bus, piétons, vélos, trottinettes… », précise Anne Strugeon, directrice sécurité chez Keolis. « Nos conducteurs font régulièrement remonter des signalements, et cette zone est jugée à risque, en particulier aux heures de pointe. » Pour elle, la prévention est essentielle. « Il y a l’aménagement des infrastructures, la formation des conducteurs, et bien sûr des opérations de sensibilisation comme aujourd’hui. On en organise entre huit et dix par an, et on observe de vrais progrès. Depuis 2019, les réclamations entre cyclistes et bus ont diminué d’un tiers, malgré la hausse de l’usage du vélo en ville. Aujourd’hui, on n’a pas d’accident à déplorer. L’objectif, c’est que ça reste comme cela. »

Chez Keolis, la vigilance serait une priorité quotidienne. « Les conducteurs sont un peu comme dans une tour de contrôle dans leur bus. Ils doivent être attentifs à tout ce qui bouge autour d’eux. Leur plus grande crainte, c’est d’avoir un incident avec un usager vulnérable. Ils ne se sentent pas prioritaires, pas du tout. Ce qui les préoccupe, c’est la sécurité de tous. » Au-delà des opérations ponctuelles, Keolis mène un travail de fond avec ses 600 conducteurs. La société propose notamment les ateliers « Vis ma vie », où cyclistes et chauffeurs échangent leurs rôles, littéralement. « L’idée, c’est que chacun puisse se mettre dans la peau de l’autre. Chacun doit comprendre ce que l’on voit — ou ne voit pas — depuis un bus, en particulier les angles morts, ou encore les réactions possibles dans certaines situations. »

Avec une pratique du vélo qui a doublé depuis 2020, la cohabitation avec les autres usagers reste un défi. Depuis 2019, sept cyclistes ont perdu la vie à Rennes, et le 27 août dernier, un utilisateur de trottinette est décédé dans un accident avec un camion. Ces chiffres rappellent l’enjeu : faire en sorte que les nouveaux modes de déplacement ne se traduisent pas par une hausse des drames. « On n’est pas contre les les trottinettes », insiste Anthony Realland, « c’est pour éviter que le partage de la route tourne à la catastrophe. »

Cycliste régulière, Adélaïde ne cachait d’ailleurs pas son agacement, ce vendredi. « Cette opération est utile pour revoir les bases. Beaucoup circulent trop vite à Rennes », regrette-t-elle. « On retrouve les comportements agressifs qu’on voit habituellement chez les automobilistes. Avec des vélos cargos et leurs enfants, des pères et des mères de famille roulent à une allure excessive. Ils sont pressés. Ils vous demandent de vous pousser. On a le sentiment qu’ils sont sur des Mobylettes. Ce n’est pas ça, l’esprit du vélo. »