Isabelle Layer recevait les comédiens Marie Gillain et Grégory Gadebois samedi 6 septembre sur Franceinfo.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.

Elle se bat jusqu’au bout pour que son frère autiste ait une vie décente. Elle, c’est Camille, lui, c’est Pierrot, magnifiquement interprétés par Marie Gillain et Grégory Gadebois. Tous deux sont à l’affiche de Une place pour Pierrot en salle le 10 septembre.

Isabelle Layer : « Une place pour Pierrot », c’est l’histoire de qui, de quoi ?

Marie Gillain : C’est l’histoire d’un chemin de vie semé d’embûches. C’est l’histoire d’une transformation. C’est le combat de Camille qui veut que son frère puisse développer tous ses potentiels, qu’il soit à sa place, qu’il soit heureux, épanoui. Et c’est aussi la transformation de Camille qui va enfin pouvoir s’accorder de l’espace et de la place à elle-même.

Isabelle Layer : Oui, parce qu’au début du film, Camille se rend compte qu’on surmédicamente son frère et elle est complètement choquée. Elle en est malade.

Marie Gillain : Oui, on comprend quand le film commence que ça fait des années qu’elle se confronte à des difficultés de ce type. Son frère est dans un foyer médicalisé qui n’est pas adapté à sa situation, il a besoin d’être stimulé, qu’on lui accorde de la confiance. On doit lui apprendre l’autonomie et c’est tout l’inverse qui se passe. Il est surmédicamenté et donc il est complètement abruti. On sent que c’est un trop-plein et elle décide d’aller rechercher son frère et de l’enlever du foyer médicalisé.

Isabelle Layer : Elle enlève son frère et voilà que son frère, qui finalement était tellement drogué qu’il ne disait rien, il était prostré, reprend vie. Qu’est-ce qui se passe dans sa tête quand il est chez sa sœur ?

Grégory Gadebois : C’est l’endroit au monde où il est le mieux. C’est un petit peu une partie du problème aussi, c’est qu’il est bien qu’avec sa sœur et sa nièce. Il est content de retourner chez sa sœur, parce que c’est le seul endroit où il a une place, finalement. Sa sœur et sa nièce sont les seules qui le laissent vivre comme il est, finalement, qui se contentent d’adapter le quotidien à sa personnalité. C’est ça son problème, en fait, c’est qu’il est différent, mais on est tous différents. Lui, il est un peu plus différent que la moyenne.

Isabelle Layer : On parle d’autisme, on se dit que ce ne sont pas forcément des personnes autonomes. Et en fait, il y a vraiment une certaine autonomie et vous l’accompagnez là-dessus.

Marie Gillain : Oui, Camille, on comprend que ça fait des années qu’elle se creuse la tête aussi pour savoir ce qui est le mieux pour lui, pour qu’il vive bien. Et donc, le travail de l’autonomie, c’est un travail au quotidien.

Grégory Gadebois : J’avais bien l’idée qu’il n’était pas autonome dans le monde dans lequel nous avons choisi de vivre. Mais lui, il n’a pas cet accès-là. Il est autonome dans un monde qui n’existe que pour lui.

Isabelle Layer : Camille est très entourée, c’est super, mais elle prend tellement sur elle, c’est-à-dire qu’elle doit gérer son frère et les petites bêtises qu’il fait. Elle est avocate, elle a son boss sur le dos également, elle a une fille, et en fait, elle prend tellement, même trop, pour elle, qu’elle est dans le déni, en fait.

Marie Gillain : Je pense qu’elle a réussi à mettre en place un château de cartes qui est assez fragile et, en fait, elle est dans l’action donc elle est aussi dans une forme d’ultra-contrôle. C’est sa façon à elle d’avoir l’impression qu’elle n’est pas impuissante. Elle va devoir petit à petit accorder davantage de confiance aux autres, en son frère, et finalement, accepter des mains qui lui sont tendues. C’est vrai qu’elle a une forme de déni, mais le film raconte aussi que les aidants ne sont pas des êtres parfaits, ce sont des gens qui ont une charge mentale très lourde et qui, à certains moments, pètent les plombs, craquent, pleurent, sont en colère, et le film le montre vraiment bien.

Isabelle Layer : En France, il y a plus ou moins 10 millions d’aidants, c’est-à-dire 15 % de la population qui ont en charge un proche qui est handicapé ou malade. Donc c’est vraiment énorme. Ça parle de plein de gens. C’est important de leur rendre hommage. Alors notre cher Pierrot, il a envie d’être amoureux ?

Grégory Gadebois : Oui.

Isabelle Layer : Comment ça se passe quand il est amoureux, Pierrot ?

Grégory Gadebois : Il le dit. Et puis là, ça ne marche pas cette fois-ci. Ça n’a pas marché. Mais je pense qu’il rencontrera un jour l’amour. J’aime bien cette idée.

Isabelle Layer : Vous avez tourné d’ailleurs avec des personnes autistes. Comment ça s’est passé ?

Grégory Gadebois : C’était super. Il fallait faire attention à ne pas que ce soit trop pénible. Ça fait partie des choses que nous, on s’interdit : quand ils en ont marre, ils s’en vont. Quand ils ne sont pas d’accord, ils ne le font pas. Il n’y a rien de plus contraignant qu’un tournage. C’est très laborieux de faire un film. C’est long, on refait la même chose, c’est très ennuyeux. Mais ils étaient très professionnels. Ce n’était pas des improvisations qu’on faisait.