C’est une petite molécule chimique qui suscite beaucoup d’espoir. Son nom : RCT002. Sa vocation : bloquer les facteurs clés de résistance au traitement dans les maladies de la rétine. Parmi elles, l’insidieuse maculopathie radique. « Elle peut intervenir de 6 mois à 5 ans après la radiothérapie de tumeurs oculaires ou proches de l’œil, dans le cadre de traitements contre le cancer de l’œil, de la tête, du cerveau et du cou, et induire une perte de la vision qui peut aller jusqu’à la cécité complète, voire l’énucléation sur le long terme pour cause de douleur », explique Maeva Dufies, directrice scientifique de Roca Therapeutics. Longtemps considérée comme un malheureux effet secondaire, elle vient d’être reconnue par l’Agence européenne du médicament comme une maladie à part entière. Un changement de statut réglementaire qui a tout d’un tremplin pour le spin-off de l’Université Côte d’Azur dont la solution thérapeutique dédiée vient, de ce fait, d’obtenir la désignation de médicament orphelin.

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Un double reconnaissance

Cette double reconnaissance européenne, que l’entreprise entend dupliquer auprès de la FDA (Food and drug administration) américaine dans les mois à venir, constitue « un fast track pour nos futurs essais cliniques, ouvrant ainsi la voie à des investissements », poursuit la directrice scientifique de la biotech niçoise, fondée en 2021 par des chercheurs issus de l’Institut de recherche sur le cancer et le vieillissement de Nice (IRCAN) et de l’Institut de chimie de Nice (ICN). Lesquels ont fait le choix de se spécialiser dans le développement de traitements non-invasifs first-in-class contre les pathologies oculaires graves. « L’ophtalmologie est un domaine un peu abandonné où il y a peu d’innovations. Nous sommes toujours sur les mêmes stratégies thérapeutiques, les mêmes cibles. Ça tourne en rond, alors que le besoin médical des patients est urgent et les traitements peu nombreux et souvent invasifs, par injection intravitréenne. » Dans ce contexte, Roca Therapeutics prend position en s’attaquant à cette maladie rare, qui touche environ 10 000 personnes par an dans les pays développés, avec son premier médicament proposé sous forme de collyre.

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Gap technologique

« Avec ce collyre, nous réalisons ici un grand gap technologique », qu’il s’agit de mener à son terme. Pour se faire, la biotech de 6 personnes, lauréate du concours iLab 2021 de Bpifrance, a réuni subventions et financements d’un montant total de 4,7 millions d’euros, dont 1,6 million d’euros levés auprès de 3B Future Health Fund, basé au Luxembourg, et 1,1 million d’euros obtenu début 2025 auprès du Fonds européen de développement régional (Feder). L’objectif désormais est de conclure un nouveau tour de table de 20 millions d’euros pour lancer la phase d’essais cliniques à partir de septembre 2026.

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« Notre approche est complète, reprend Maeva Dufies. Elle s’attaque dans un premier temps à une maladie rare pour laquelle il n’existe pas de traitement approuvé et dans un second temps à des maladies plus communes, qui s’inscrivent sur des marchés à plusieurs milliards de dollars, pour lesquelles nous viendrons améliorer le traitement existant, tant en termes d’efficacité que de confort. » En ligne de mire, l’œdème maculaire diabétique, cause la plus fréquente d’une détérioration significative de la vue, et la DMLA humide. Des maladies qui, à l’inverse de la maculopathie radique, touchent des millions de personnes dans le monde, portées par le vieillissement de la population. Une stratégie à double entrée qui doit démontrer la capacité de l’entreprise à redéfinir l’offre thérapeutique pour les malades de la rétine et à la placer en pionnier de l’innovation en ophtalmologie.