Par

Celestin de Séguier

Publié le

6 sept. 2025 à 17h00

« On sent une fatigue morale de cette guerre. Rien qu’en Ukraine, il y aurait au moins 80 000 amputés depuis le début », se remémore Fabrice Josselin, en se faisant couler un café dans sa cuisine à Maen Roch (Ille-et-Vilaine). Partis deux semaines en Ukraine au mois d’août 2025, le quinquagénaire a participé avec son prothésiste au lancement d’un centre de production de prothèses à Lviv avec une nouvelle technologie : l’impression de prothèses avec des imprimantes 3D.

Un accident de moto

Amputé suite à des blessures causées par un accident de moto en 2011, Fabrice Josselin explique avoir tout fait pour sauver sa jambe. « C’était infections sur infections. Parfois ça allait, puis ça n’allait plus. Un jour j’ai rencontré un chirurgien qui m’a dit qu’à ce stade, c’était ma jambe droite ou moi. Cette amputation m’a libéré. »

Après une première prothèse en plâtre, « douloureuse et inconfortable », le Briçois finit par faire la rencontre d’Erwan, Calvier, « un mec génial ».

Former des prothésistes ukrainiens

Le jeune orthoprothésiste normand, qui s’est lancé dans ce métier « pour faire une prothèse à sa grand-mère », travaille depuis 2021 sur cette nouvelle technologie dans le monde des prothèses : le scan et l’impression en 3D, avec sa société OPR (Orthèse Prothèse Rééducation) qu’il a monté avec sa sœur et basée à Rennes.

L’objectif de ce voyage en Ukraine ? « Lancer un nouveau centre de production de prothèses avec la technologie mise au point en France par Erwan Calvier », explique Fabrice Josselin. Pour ce faire, il faut commencer par former les prothésistes locaux et c’est là que le prothésiste a fait appel à son patient. « C’est compliqué de travailler avec les blessés de guerre comme cobayes donc il m’a proposé de venir avec lui. Je n’ai pas hésité une seconde. »

80 000 amputés

Avec quatre autres amputés français, Fabrice Josselin et Erwan Calvier sont partis en Ukraine pendant deux semaines, entre le 8 et le 23 août. La première semaine, l’équipe française en déplacement à Lviv, à l’ouest du pays, loin du front, se rend à l’hôpital militaire pour rencontrer les élèves prothésistes. « Erwan a pu leu réapprendre les bases théoriques de cette nouvelle technologie 3D qui permet d’aller beaucoup plus vite aux étudiants. Avant il fallait trois jours pour faire une prothèse, aujourd’hui en 24 heures c’est réglé », s’enthousiasme Fabrice Josselin.

On estime que 80 000 soldats ont été amputés d’au moins un membre en Ukraine depuis le début de la guerre. Il va y avoir besoin d’aider ces patients et rapidement.

Fabrice Josselin

Un pays en guerre

Plongé dans un pays en guerre où la vie continue Fabrice Josselin découvre le paradoxe de ce quotidien. « C’est à la fois une ville très belle, ou la vie bat son plein et une ville en guerre. Dans la rue, les gens nous prenaient pour des soldats et venaient nous remercier. »

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Imprimantes 3D

Pendant la deuxième semaine, l’équipe d’Erwan Calvier s’est dédié au lancement opérationnel du centre de production de prothèse. « Les 20 élèves travaillaient sur 20 imprimantes 3D avec un objectif : être opérationnels le plus rapidement possible. »

Fabrice Josselin, à droite, avec ses collègues français et deux soldtas ukrainiens.
Fabrice Josselin, à droite, avec ses collègues français et deux soldtas ukrainiens. ©Célestin de Séguier

Avec eux pendant tout le voyage, une traductrice a permis aux français d’avoir de nombreux échanges avec les Ukrainiens, notamment à la fin du séjour quand ils ont eu des temps d’échanges avec des amputés de guerre. « Nous en avons vu huit. Pour eux, voir qu’il est possible de reprendre une vie normale, ça donne beaucoup d’espoir. »

Le plus impressionnant ? « Leur regard. Ils ont les yeux de ceux qui en ont un peu trop vu. On sent une fatigue de la guerre, on sent qu’ils en ont marre et c’est surement la même chose du côté russe. »

« On s’est soignés »

Avant son accident de la route, Fabrice Josselin était pompier professionnel et a l’habitude de voir « des choses difficiles », comme il le rappelle. « Le soir on a décompressé un peu, pris le temps de parler, c’était thérapeutique et une grande aventure humaine. On s’est soignés nous et on a aidé des soldats à se soigner. Erwan nous a offert un cadeau immense. »

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