Le leader de The Smiths a annoncé qu’il n’avait “d’autre choix” que de vendre ses droits concernant le nom, les illustrations, les chansons, les enregistrements du groupe. Il invoque les tensions qui ne cessent de s’identifier entre Johnny Marr et lui.
“Une âme à vendre”. Mercredi 3 septembre au soir, Morrissey prenait la plume sur les réseaux sociaux et sur son site internet pour annoncer la nouvelle : le leader de The Smiths “n’a d’autre choix que de proposer à la vente tous ses intérêts commerciaux” dans son groupe “à toute partie intéressée / tout investisseur”. Ce qui signifie qu’il lèguerait ainsi ses droits concernant : “Le nom ‘The Smiths’, créé par Morrissey”, “toutes les illustrations de The Smiths, créées par Morrissey”, “tous les droits de commercialisation de The Smiths”, “toutes les chansons des Smiths, tant au niveau des paroles que de la musique”, “tous les droits de synchronisation”, “tous les enregistrements des Smiths”, “tous les droits contractuels pour l’édition des Smiths”, énumère-t-il.
En cause, les frictions entre lui et les autres membres du groupe. “Je suis épuisé par tous mes liens avec Marr, Rourke et Joyce”, justifie-t-il en premier lieu, alors même qu’Andy Rourke – bassiste historique du groupe – est décédé en 2023. “J’en ai assez des associations malveillantes. J’ai consacré toute ma vie à ces chansons et à ces images. Je souhaite désormais vivre loin de ceux qui ne me souhaitent que du mal et de la destruction, et c’est la seule solution”, poursuit-il.
Et de renchérir, inflexible : “Ces chansons, c’est moi, elles n’appartiennent à personne d’autre, mais elles s’accompagnent de communications commerciales qui vont trop loin pour créer autant de crainte et de méchanceté année après année. Je dois désormais me protéger, en particulier ma santé.”
“Tu m’as trouvé suffisamment inspirant pour faire de la musique avec moi pendant six ans”
Voilà qui s’avère être la conséquence de tensions ne datant pas d’hier. En août 2024, Morrissey disait avoir accepté une tournée “lucrative” de The Smiths pour l’année 2025, regrettant que Johnny Marr ne partage pas le même enthousiasme que lui. “En juin 2024, AEG Entertainment Group a fait une offre alléchante à Morrissey et Marr pour une tournée mondiale sous le nom de ‘The Smiths’ jusqu’en 2025. Morrissey a accepté ; Marr l’a ignorée. Morrissey a entamé une tournée américaine à guichets fermés en novembre. Marr a continué sa tournée en tant qu’invité spécial de New Order”, écrivait le musicien sur son site internet.
Plus tôt encore, en janvier 2022, Morrissey demandait à Johnny Marr d’arrêter de mentionner son nom lors de ses interviews, lui adressant une longue lettre ouverte. “Pourrais-tu plutôt parler de ta carrière, de tes exploits solo et de ta musique ?”, y cinglait-il. Et de renchérir, d’une plume assassine : “Tu m’as trouvé suffisamment inspirant pour faire de la musique avec moi pendant six ans. Si j’étais, comme tu le prétends, un monstre aussi horrible, où étais-tu exactement ? Kidnappé ? Muet ? Enchaîné ? Enlevé par des extraterrestres louches ? C’est toi qui as joué de la guitare sur Golden Lights, pas moi”.
Johnny Marr n’avait pas tardé à répondre, cette fois-ci sur X. “Une ‘lettre ouverte’ n’existe plus vraiment depuis 1953. Aujourd’hui, c’est le monde des ‘réseaux sociaux’. Même Donald Trump l’a compris”, rétorquait-il. Une punchline sur laquelle le guitariste était revenu dans la presse britannique, à l’occasion d’une interview donnée au Times : “Lorsque vous êtes attaqué à l’improviste, en particulier en public, vous devez vous défendre”, justifiait-il alors. “La lettre était censée être insultante, n’est-ce pas ? C’était sûrement l’objectif. Si ce n’est pas fondé, il faut réagir de la même manière, c’est-à-dire par le ridicule.”
Dear @officialmoz . An ‘open letter’ hasn’t really been a thing since 1953, It’s all ‘social media’ now. Even Donald J Trump had that one down. Also, this fake news business…a bit 2021 yeah ?#makingindiegreatagain
— Johnny Marr (@Johnny_Marr) January 26, 2022
Morrissey vs Marr, la guerre des ego
Des anicroches qui feraient presque oublier la force de leur œuvre musicale commune : quatre albums composés ensemble – The Smiths (1984), Meat Is Murder (1985), The Queen Is Dead (1986) et Strangeways, Here We Come (1987) –, fruit de six ans passés ensemble au sein de The Smiths. Si la loyauté est nécessaire à la survie d’un groupe (ce n’est pas nous qui le disons, mais bien Johnny Marr lui-même, dans une interview donnée à Uncut Magazine), sans doute les deux compères ont manqué d’un brin d’humilité et d’empathie pour gérer les dysfonctionnements qui ont fait dérailler leur formation.
“C’est un peu simpliste, mais si j’ai joué dans autant de groupes, c’est notamment parce que je voulais leur être fidèle. Je ne vous surprendrai pas si je dis que je suis très proche de tous ceux avec qui j’ai travaillé, sauf d’un, c’est évident”, s’épanchait le guitariste dans cette même interview, faisant allusion à The Smiths. “Et ce n’est pas si surprenant, car nous sommes si différents, Morrissey et moi. Mais avec tous ces musiciens différents, je peux appeler n’importe lequel et reprendre là où nous nous étions arrêtés.” Pas sûr que cela puisse être le cas pour The Smiths, pourtant l’un des groupes les plus marquant du rock britannique.