Ils sont originaires de Paris, expulsés de leur logement Crous ou débarquent d’une autre région. En ce mois de reprise des cours, l’éternelle question des logements revient tarauder les étudiants emménageant dans la capitale, qui désespèrent de trouver un toit. Entre prix exorbitants, saturation des demandes et diminution du nombre de logements disponibles, dénicher un chez-soi convenable semble être mission impossible. C’est en tout cas une route tortueuse que décrivent quatre étudiants aux parcours variés.

«Je pense que je ne vais rien trouver entre-temps, là.» Fares Bellaifa, 22 ans, en master 1 d’audiovisuel à Paris, voit les jours précédant la rentrée défiler et, avec eux, le besoin de trouver un logement à temps. Arrivé en France de Tunisie pour ses études supérieures, l’étudiant s’est retrouvé en difficulté après une expulsion du Crous, qu’il a contestée sans succès à plusieurs reprises. «Je dors chez ma mère mais mon petit frère arrive dans quelques jours, donc je ne pourrai plus rester parce que c’est impossible de vivre avec moi, mon petit frère et ma mère dans l’appartement. Après, j’ai des amis chez qui dormir et j’ai un rendez-vous avec le Crous demain, je vais essayer de les supplier et de leur expliquer que c’est impossible que je dorme chez mes parents.»

«C’est stressant, ajoute-t-il. Toute la journée, tu rafraîchis les sites d’annonces alors que tu es dehors, pour voir s’il y a de nouveaux appartements, tu vérifies les prix, tu envoies des messages, le même pavé en boucle, en boucle, en boucle… C’est 135 messages par jour à des gens qui ne vont pas forcément répondre ou te prendre au sérieux. C’est compliqué, stressant et aliénant.» Il confesse : «Je n’arrive même pas à m’imaginer ne pas trouver de logement. Il faut que je continue mes études, mais si je dois crécher chez quelqu’un par-ci, par là, ça va être compliqué pour moi. Mais j’essaie d’être optimiste.»

Rester optimiste, c’est aussi ce que tente de faire Marie Mala Bella, 20 ans, inscrite en master de langues à l’université de Nanterre : «Je vivais dans le XVe arrondissement chez ma mère. En fin de deuxième année de licence, elle est partie à l’étranger pour son travail, donc pour la troisième année je me suis retrouvée toute seule. Pour mon master à Nanterre, j’ai appelé les Crous pour savoir si ma situation me permettait de réserver un autre logement, et on m’a dit que ce serait possible. Mais fin août, il ne restait niet.»

«C’était vraiment cardio parce que je demandais des réservations et à côté je cherchais des appartements, et en même temps j’avais mon stage et un job d’été. Je suis vraiment motivée parce que je me dis que là, on est en septembre, et je sais qu’ils font passer les personnes en CDI avant les étudiants ; j’ai espoir que ces gens aient trouvé un logement et que je passe après. Mais je reste consciente que je ne vais pas être l’étudiante qu’on appelle en priorité, même si j’ai un bon dossier. Donc je reste motivée et réaliste : je ne vais pas avoir mon logement en deux jours. Ma rentrée c’est le 12 septembre. Pour l’instant, heureusement, j’ai une amie qui m’héberge, et si les allers-retours deviennent trop compliqués, on est en train de regarder des appart-hôtels. Mais je préfère dépenser mon argent dans un vrai loyer.»

Abdulqudus, alternant en BUT d’analyses de données, voudrait lui aussi récupérer son logement étudiant : «J’ai fait la demande de renouvellement un peu trop tard, mais je l’ai quand même faite avant les réattributions. On me l’a refusé, le recours aussi. Pour l’instant je n’ai rien. Je suis encore dans mon appartement pour quelques jours. Je devais l’avoir quitté au plus tard dimanche ; c’est une question de temps avant qu’on me mette en procédure d’expulsion. On m’a dit que je pouvais rester encore une semaine, le temps de voir si mon nouveau recours passe.» Il redoute de devoir en arriver à des solutions similaires à celles où il a été contraint d’avoir recours : «L’année dernière, quand je suis arrivé à Paris, je n’avais toujours pas de logement, j’ai dormi quelque temps chez un ami, et après j’ai trouvé une chambre chez une dame, avant de réussir à avoir un Crous en octobre.»

S’il jongle déjà entre alternance et job à temps partiel dans un cybercafé, Abdulqudus aide aussi sa mère et sa petite sœur, Havraises tout juste débarquées à Paris. «Comme je suis le seul à travailler dans la famille, je dois aussi envoyer pas mal d’argent, et je n’ai pas les moyens de mettre tout mon argent juste pour moi sur un gros loyer. Je ne regrette quand même pas d’être venu vivre ici parce que je sais que dans tous les cas, je vais m’en sortir et je fais ce que j’aime. Mais dans les moments où je suis un peu moins occupé, je me demande “Est-ce que je vais m’en sortir ?”».

Alexis, de son côté, débute son année de césure entrecoupant son master de commerce pour accumuler les stages. Il est formel : «Dans mon entourage, ceux qui recherchent un logement cette année ont plus de mal à en trouver que les années précédentes. On a fait à peu près le même constat : cette année, il y a quand même moins d’offres sur Paris que d’habitude. J’ai l’impression que sur les sites d’annonces il y a un maximum de dix nouvelles annonces par jour pour des milliers de candidats

«Toutes les candidatures que je fais, j’ai soit pas de réponse, soit des agents immobiliers me disent “on a déjà une centaine de candidatures, on ne traite plus trop les nouvelles”, c’est infernal. Je suis un peu résigné, j’essaie de trouver des plans de secours en attendant que la rentrée passe, pour voir s’il y a plus d’offres et moins de candidats.»