Adaptation d’un jeu vidéo culte, « Exit 8 » de Genki Kawamura piège son héros dans les couloirs d’un métro japonais. Plus qu’un exercice de style ludique, le film sorti le 3 septembre offre une métaphore virtuose d’une société qui tourne en rond.
En matière d’adaptations de jeux vidéo au cinéma, on est habitué au pire (« Super Mario Bros », « Street Fighter », « Mortal Kombat », « Sonic »), au passable (« Lara Croft », « Resident Evil »), plus rarement au bon (« Silent Hill », « Five Night’s at Freddy’s »). « Exit 8 » s’inscrit dans la dernière catégorie en transposant, de manière totalement cinématographique, le concept minimaliste du jeu dont il s’inspire avec talent.
Une boucle en forme de purgatoire
Le début du film de Genki Kawamura épouse l’un des tics récurrents du jeu vidéo, ramené toutefois à un degré de banalité étonnant. Un long plan-séquence en point de vue subjectif introduit le héros, un homme sans qualités qui écoute le « Bolero » de Ravel dans une rame de métro bondée. Plus loin, une jeune mère tente de calmer son bébé qui hurle jusqu’à provoquer l’ire d’un employé de bureau, déversant toute sa colère sur la pauvre femme. Le héros ne réagit pas à la scène, d’une violence à la fois quotidienne et monstrueuse, avant de quitter le métro et de recevoir un appel de sa compagne qui lui annonce qu’elle est enceinte.
Incapable de s’engager, il raccroche, s’enfonce dans un couloir, croise un homme qui marche, puis se rend compte qu’il tourne en rond, revenant sans cesse dans le même dédale. Asthmatique, il se rend compte qu’il doit détecter, dans le décor qu’il traverse, des anomalies (un néon qui clignote, un son inhabituel, une différence sur une affiche). S’il en voit une, il doit faire demi-tour. S’il n’en perçoit aucune, il continue. S’il se trompe, il est renvoyé au niveau 0, le but étant d’atteindre le niveau 8 pour espérer sortir de cette boucle spatio-temporelle en forme de purgatoire.
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Un formidable terrain de jeu
Ce qui n’aurait pu être qu’un pur exercice de style, un escape game sans enjeu, donne lieu ici à un film anxiogène et remarquable, plus porté par le suspense et l’étrangeté que par l’horreur pure (même si une scène cite explicitement le « Shining » de Stanley Kubrick). En reprenant le motif bouclé sur lui-même du 8 de son titre, l’air répétitif du « Bolero » de Ravel et les illusions d’optique de l’artiste Maurits Cornelis Escher (là aussi directement cité sur l’une des affiches placardées sur un mur du couloir de métro), « Exit 8 » s’affirme comme un formidable terrain de jeu où, comme le héros, on se retrouve à scruter frénétiquement les erreurs dans l’image qui nous est montrée.
Et dès que le concept s’apprête à tourner en rond, le cinéaste change de personnage, passe de L’homme perdu à L’homme qui marche, puis à L’enfant, à l’intérieur de trois chapitres qui relancent l’intérêt du récit sans jamais dévoiler l’exacte nature des liens qui unissent ces trois figures.
La peur de la paternité
Encore fallait-il insuffler un peu de sens et de pertinence à cette boucle lancinante. Si l’on saisit assez vite la récurrence de la question de la paternité, et surtout de la peur de la paternité, on peut également déceler, dans le parcours cyclique qui constitue l’ensemble du film, une expression du conformisme d’une société entière, prisonnière de son incapacité à percevoir ses anomalies, entendez ses dysfonctionnements. En résulte un grand huit psychologique et existentiel d’une virtuosité assez vertigineuse.
Note: 4/5
Rafael Wolf/ld
« Exit 8 » de Genki Kawamura, avec Kazunari Ninomiya, Yamato Kôchi, Naru Asanuma. A voir dans les salles romandes depuis le 3 septembre 2025.