De tout temps, le château de Carqueiranne, bâtisse au style difficilement qualifiable, a suscité de nombreuses interrogations. Ancienne seigneurie provençale, elle daterait du XVIIe siècle.
Très vite, Vincent Lamour, qui l’a racheté en 2023, s’intéresse à l’histoire du « château Richet », du nom de la famille l’ayant acquis en 1873.
Avant sa disparition, l’historien local René Ghiglione lui transmet ses connaissances.
Vincent Lamour est stupéfait de la richesse des thématiques en lien avec le château, son architecture, les évènements dont il a été témoin et les personnages qui y ont séjourné.
Il poursuit les recherches avec l’aide de Roger Reineri, agrégé de géographie et passionné par l’histoire du château. Var-matin vous propose de partager ces richesses et découvertes dans une série d’articles.
Aujourd’hui: parlons aéronautique.
Le précédent épisode relatait la richesse de la vie intellectuelle de Charles Richet.
Aujourd’hui, focus sur sa contribution à l’histoire de l’aéronautique. Avant-gardiste, il n’est pas étonnant qu’il se soit passionné pour ce qui faisait tant rêver à son époque: voler.
À Carqueiranne, au bout du chemin de Fort Peno, au bord de la falaise, une stèle commémorative a été érigée en 1921 par Jacques Richet (1881-1954), alors maire de la ville et fils de Charles, qui rend ainsi un double hommage: à son père et à son frère Albert Richet (1888-1918).
Aujourd’hui difficilement lisible, il y a été gravé: « Ici fut lancé en mai 1896 et juin 1897 un 1er aéroplane par Charles RICHET et Victor TATIN, en présence d’Albert RICHET, depuis lors Officier aviateur Mort pour la France au combat d’Anizy-le-Château le 29 août 1918 ».
Sous le texte, signé Jacques Richet, figure la mention latine AUSUS SE CREDERE COELO, allusion au mythe d’Icare: « ayant osé se confier au ciel ».
Des essais depuis Peno
Avec Victor Tatin (1843-1913), Charles Richet réalise des essais de vol entre 1890 et 1897, en Normandie, puis à Carqueiranne et démontre « la faisabilité du vol motorisé plus lourd que l’air, avant même les frères Wright », affirme Roger Reineri, ravi de rendre à César ce qui lui appartient. Plusieurs sources confirment les essais à la Pointe Peno, mais Reineri précise que « l’aéroplane n’a pas pu être lancé depuis le lieu où est érigée la stèle », car le Fort Peno figure encore à ce même endroit sur les cartes IGN de 1920. Les essais auraient eu lieu depuis une parcelle voisine et un atelier aurait été construit non loin de la falaise.
En 1897, Richet et Tatin réussissent un vol de 175mètres en ligne droite. Reineri explique: « c’est après ce succès qu’ils envisagent de construire un plus grand aéroplane pouvant cette fois porter deux pilotes ».
Dès 1898 à 1904, ils travaillent sur le projet, sur le domaine cette fois. Richet écrira: « Dans ma ferme de Carqueiranne, j’utilisai un grand hangar dans lequel le bâti de l’aéroplane commença à être construit. J’étais tellement résolu à monter dans cet appareil destiné à tomber à l’eau, que j’appris alors à nager ». Mais l’appareil ne volera jamais. En décembre 1903, ce sont les frères Wright qui entreront dans l’histoire avec un vol de 260mètres, avec un seul pilote toutefois…
Invention de l’ancêtre de l’hélicoptère
Plus tard, Richet collaborera avec Louis Breguet à l’invention en 1907 du Gyroplane Breguet-Richet, un aéronef à voilure tournante, l’ancêtre de l’hélicoptère.
À propos de sa rencontre avec Richet, Breguet écrit « C’était en 1894. Je me trouvais avec ma famille à Carqueiranne. Charles Richet, un vieil ami de mon père, s’intéressait ardemment aux questions d’aviation. Avec Tatin, Richet avait construit un petit planeur mû par un moteur à vapeur, qui était un véritable avion. Le planeur couvrit de façon parfaite 150mètres de vol avant d’échouer sur le bord de la mer ». Il ajoute: « Émerveillement pour moi. Ma jeune cervelle en fut secouée. Ma décision fut irrémédiablement prise, j’avais ma passion au cœur, je n’eus plus qu’un seul but: voler ».
C’est donc grâce à Richet que Louis Breguet (1880-1955) trouvant sa vocation à 14 ans, entre dans la légende des pionniers de l’aviation et fonde en 1919 la Compagnie des Messageries Aériennes, à l’origine d’Air France.
Savant, mécène, mentor, malgré son rôle déterminant, Charles Richet ne figure pas à la liste des grands pionniers mais il aura bel et bien marqué l’histoire de l’aéronautique. Vincent Lamour et Roger Reineri poursuivent leurs recherches.
Une conférence est prévue d’ici la fin de l’année, et un ouvrage devrait voir le jour.
Pour tout témoignage sur ce patrimoine: histoire@chateaucarqueiranne.com