Rencontré à deux pas de la coopérative d’habitation où il habite, l’auteur et cinéaste décrit son ouvrage comme un film sur papier. «Ce sont des capsules travaillées dans une sorte de montage. Chaque capsule est un objet témoin de notre vie en 1989, alors que j’avais 17 ans». Une forme d’inventaire qui décrit dans des mots simples une situation extrêmement complexe.
D’abord, la mise en contexte. En décembre 1989, après 45 ans d’un régime de communisme en Roumanie, le dictateur en place depuis 1974, Nicolae Ceaușescu est la cible d’un coup d’État. Le jour de Noël, il sera jugé et exécuté avec son épouse.
Sous le régime
Comment parler de cette guerre sourde?
L’auteur s’est souvent posé la question. Parce que les humiliations, les files d’attente pour avoir du beurre ou des œufs, et les interdits (comme les jeans!) se mélangeaient à une vie heureuse pour Bogdan Stefan. Ses parents faisaient partie des intellectuels et ils vivaient un peu mieux que ceux qui devaient travailler dans les usines. «Oui, j’étais heureux. Mes parents avaient su créer pour ma sœur et moi un environnement sûr et stable, une zone de protection, une cloche de verre», écrit-il.
«Contrairement au nazisme, le communisme n’est pas mort par une victoire éclatante. Il n’y a pas eu un procès comme celui de Nuremberg. Pourtant, le nombre de victimes sous le régime communisme dépasse de loin celui sous le nazisme. Et si les partis nazis sont interdits maintenant, il reste des partis politiques communistes.»
— Bogdan Stefan, auteur
Mais cette dictature, il l’a tout de même subie, avec les manifestations obligatoires pour où ils devaient clamer leur amour pour le Parti et Ceaușescu. Avec cette carte de rationnement et cette interdiction de quitter le pays. «Je rêvais tellement de partir.»
Découvrir une liberté
«À 17 ans, c’est le moment où on devient plus libre dans notre vie. Moi, cette liberté est arrivée au bon moment avec la chute du régime. Mais c’est difficile à apprivoiser en même temps parce que nous n’avions pas de mécanismes sociaux. Nous ne savions pas discuter avec les autres», raconte Bogdan Stefan en entrevue.
Le jeune homme de l’époque n’avait même jamais réfléchi à cette possibilité. «C’est une tâche immense de se reconstruire comme peuple et comme individu. Je n’ose pas imaginer en Corée du Nord lorsque ça arrivera.»
En Roumanie, la population pensait retrouver sa liberté complète et une prospérité après cinq ou dix ans. Il croit aujourd’hui qu’il en faudra probablement 45, comme le temps qu’a duré le régime «On se voyait comme la France ou l’Allemagne, mais ce n’est pas ça. Tout est à reconstruire. Les marchés économiques, mais aussi les institutions, les relations entre les gens et la démocratie.»
Mieux se connaître
Ce livre, il l’a aussi écrit pour aller vers l’autre. Susciter la réflexion et des discussions.
Et aujourd’hui, quand il traverse la réserve faunique des Laurentides pour revenir à la maison, il est encore surpris de tout ce parcours. Il adore sa vie ici.
«Au Québec, il y a un réseau associatif tellement riche et bien implanté que la société est capable de bien faire même quand les dirigeants sont moins forts. C’est une énorme richesse. Les gens s’impliquent. Ils sentent qu’on a pris soin d’eux et ils veulent redonner.»
1989 Le communisme raconté à ceux qui ne l’ont pas vécu paraît aujourd’hui (8 septembre).
Le lancement officiel se fera le 16 septembre à 17h à la librairie Les Bouquinistes de Chicoutimi. Le lendemain l’auteur sera à la librairie La Liberté de Québec et finalement le 18 septembre à la librairie du Square – Outremont.