À proximité des Halles, plusieurs centaines de personnes venues assister à la discussion ont formé un grand cercle. Dans l’assemblée, beaucoup de jeunes et d’ouvriers, avec des soignants de l’hôpital Tenon, de l’hôpital Beaujon et des cheminots du Bourget et du technicentre de Châtillon.

Après avoir dressé le bilan des assemblées générales sectorielles, les discussions ont porté sur la situation de crise dans laquelle se trouve le régime, sur la manière d’affronter la répression et sur la préparation d’un grand mouvement qui déborde le 10 et le 18 pour aller chercher la démission de Macron, une revendication avancée à de multiples reprises par les participants.

La question des blocages a également été évoquée alors que des initiatives sont prévues à de nombreux points de la capitale, notamment les portes du sud de Paris et au cœur de la capitale, comme à Châtelet-Les Halles. Plusieurs travailleurs ont rappelé les initiatives qui ont été adoptées sur leurs lieux de travail, comme un soignant de l’hôpital Tenon, qui a informé l’assemblée de la décision des personnels de l’hôpital de se mettre en grève le 10 septembre avant d’appeler les personnes mobilisées à venir renforcer les piquets : « On a eu plusieurs AG. Au total on est deux fois plus nombreux qu’au cœur de la bataille contre la réforme des retraites. Nos collègues sont en colère, ils sont à bout ! ». Un autre intervenant a rappelé l’importance de soutenir les travailleurs en grève et d’organiser les blocages à proximité, comme à Gare du Nord. Plusieurs autres interventions ont souligné l’importance de la mobilisation actuelle, comme Alessandro Stella, professeur et militant.

Une dynamique qui a suscité l’enthousiasme de l’assemblée, alors que l’intersyndicale tente de canaliser le mouvement, comme le dénonçait un travailleur de l’hôpital Tenon : « l’intersyndicale a appelé au 18 pour affaiblir le 10, alors mobilisons-nous le 10 et débordons le 18 ». Un point également évoqué par Anasse Kazib, cheminot au Bourget et porte-parole de Révolution Permanente : « Quand vous allez voir les cheminots pour leur dire de préparer le 10 et que les syndicats parlent du 18 et disent de se reposer avant, on ne peut qu’être content de voir le début d’une mobilisation organisée par la base. C’est aux travailleurs à s’organiser par la base et pas aux bureaucrates de l’intersyndicale ». « Le 10 suffira pas, il faut aller au 18. Moi, je ne veux pas qu’ils aient une journée tranquille, je veux qu’ils aient une journée où rien n’est tranquille » surenchérit un travailleur de Châtillon.

« On doit sortir le 10, mais aussi le 11, le 12, le 13… » ajoute une intervenante, comme pour mettre au centre de la discussion la construction du mouvement. Anasse Kazib a souligné l’importance de massifier le mouvement et insisté sur le rôle que pouvait jouer la grève : « La question de la grève, elle est centrale pour élargir la mobilisation. Tu n’as plus rien à bloquer si tous les métros sont à l’arrêt, si les raffineries sont à l’arrêt et ainsi de suite ». À Châtillon, même constat. L’élargissement des grèves dans le pays pourrait convaincre les indécis de rejoindre les piquets : « Si les collègues voient que les autres secteurs sortent, ça va changer la donne ».

Du côté de la jeunesse, la nécessité de mobiliser les lycéens a été évoquée à plusieurs reprises. Vers la fin de l’assemblée, Irène, militante au Poing Levé, a rappelé la nécessité pour le mouvement étudiant de « ramener la question de la Palestine au cœur de la mobilisation, alors que notre gouvernement et nos facs collaborent avec Israël et sont complices du génocide » et de se mobiliser auprès du mouvement ouvrier pour participer à radicaliser les mobilisations. Une militante de la campagne unitaire pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah a rappelé le rôle décisif des mobilisations dans sa libération tout en insistant sur la manière dont les classes dominantes françaises oppriment d’autres peuples.

La question de la répression était au cœur de la discussion, plusieurs intervenants exprimant leur crainte au sujet de la police, après que Retailleau a dévoilé aux préfets son protocole ultra-répressif pour le 10 septembre. Elsa Marcel, militante au Collectif d’Action Judiciaire (CAJ) a appelé tous les avocats engagés dans la mobilisation à se mettre au service du mouvement social et à rejoindre le collectif, qui s’est notamment mobilisé contre la répression des soutiens de la Palestine. Au-delà de la répression, elle a surtout insisté sur la nécessité de se doter de revendications politiques offensives : « Évidemment, ce mouvement est né de l’austérité et de la pauvreté, mais il a vocation à aller beaucoup plus loin, à poser la question de qui nous gouverne ».

« Les dirigeants européens ont fixé les lignes de leur agenda pour les décennies à venir, l’austérité et le réarmement, il faut qu’on réfléchisse à des revendications sur le long terme » ajoute un étudiant. De fait, des revendications offensives seront nécessaires pour élargir le mouvement. Comme l’expliquait avec émotion Anasse Kazib, « je voulais parler aussi des personnes racisées ! Il va falloir qu’on dialogue avec l’ensemble des secteurs opprimés. Dans la sous traitance et le nettoyage, il y a de la combativité ! À Onet, elles ont fait 45 jours de grève. À l’Ibis Batignolles, près de 22 mois de grève. Si ces gens ne sont pas sortis pendant les retraites, c’est qu’il n’y avait aucun mot d’ordre pour eux. Il va falloir qu’on fasse la misère à Retailleau et qu’on porte des mots d’ordre centraux pour ces personnes-là, comme la retraite à 60 ans sans annuités ».

Alors que l’Assemblée battait son plein, plusieurs policiers sont venus surveiller le rassemblement, un signe de la fébrilité de la préfecture qui craint que les beaux quartiers de Paris soient de nouveau un des théâtres de la contestation sociale, comme lors de la bataille contre la réforme des retraites. Malgré la présence de la police, l’Assemblée a continué ses débats et convenu de se rassembler à nouveau, après les mobilisations de mercredi, le 11 septembre. Élargir la mobilisation, pérenniser et massifier les assemblées générales qui décident du cours du mouvement : condition pour gagner, selon plusieurs intervenants. « Imaginez une seconde si à la prochaine Assemblée générale nous ne sommes pas 500, mais 1500, 2000 à construire et organiser les grèves pour paralyser toute l’Ile-de-France. Cela changerait sérieusement la donne », a insisté un travailleur de Châtillon. Une perspective offensive qui ouvre la voie à un mouvement qui, après la chute de Bayrou, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.