Donald Trump a militarisé la lutte contre le trafic de drogue. Mais le président vénézuélien craint «un changement de régime» et mobilise 4,5 millions de miliciens.
Le ton monte entre les États-Unis et le Venezuela. Deux avions de chasse vénézuéliens ont survolé le destroyer américain USS Jason Dunham jeudi dernier. «Un geste hautement provocateur», a dénoncé le Pentagone. En réponse, Donald Trump a menacé le lendemain de les «abattre». Dix avions de combats F-35 ont été envoyés à Porto Rico, territoire rattaché aux États-Unis, vendredi, officiellement pour lutter contre le trafic de drogue. Ils s’ajoutent à sept bâtiments de guerre et sous-marin nucléaire déployés par Washington depuis fin août dans les Caraïbes. Le Venezuela, et singulièrement son président Nicolás Maduro, craint «un changement de régime».
Ces tensions sont le point d’orgue d’une inimitié ancienne. Les relations entre Washington et Caracas sont dégradées depuis l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chavez, un président marxiste, en 1999. Sa mort n’a pas permis un réchauffement durable, et son successeur et dauphin Nicolás Maduro conserve les rênes du pouvoir depuis, malgré de nombreux soupçons de fraudes massives aux élections. Donald Trump, lors de son premier mandat, avait instauré un embargo sur le pétrole, l’une des principales richesses du pays, causant des dommages important à l’économie. Le président vénézuélien est inculpé en 2020 pour «narcoterrorisme» et une récompense de quinze millions de dollars en échange d’informations «permettant de l’arrêter et/ou le condamner» avait été offerte.
Une prime 50 millions de dollars
Une prime portée à cinquante millions de dollars, le 8 août dernier. «C’est la prime la plus importante de notre histoire, et le DOUBLE du montant offert pour Oussama Ben Laden», a réagi sur X Christopher Landau, secrétaire d’État adjoint. Nicolás Maduro est accusé de collaborer avec le gang criminel vénézuélien Tren de Aragua, classé organisation terroriste par les États-Unis. Washington, pour endiguer les arrivées de drogue, décide le 20 août d’envoyer trois destroyers lance-missiles de classe Aegis au large du Venezuela. «Nous recourrons à tous les moyens pour empêcher les drogues d’inonder notre pays», avait justifié Karoline Leavitt, porte-parole de la Maison-Blanche.
Caracas réagit fermement en activant «un plan spécial avec plus de 4,5 millions de miliciens pour garantir la couverture de tout le territoire national. Des milices préparées, activées et armées», selon Nicolás Maduro. «Le déploiement militaire américain dans les eaux des Caraïbes, sous couvert d’opérations antidrogue, représente une menace pour la paix et la stabilité de la région», s’est inquiétée l’Alliance Bolivarienne pour les Amériques, une organisation très à gauche, fondée par Hugo Chavez et Fidel Castro.
«La menace d’utiliser la force et le recours à la force sont interdits par les Nations unies. Et encourager un changement de régime d’un pays sur un autre est interdit et condamné par les Nations unies», avait ajouté Nicolás Maduro. Mais Donald Trump ne relâche pas la pression et répond, le 26 août, en envoyant un croiseur lance-missiles, l’USS Lake Erie, et le sous-marin d’attaque à propulsion nucléaire USS Newport News dans les Caraïbes, toujours officiellement pour lutter contre le trafic de drogue. Plusieurs médias américains se font écho d’un possible déploiement de 4000 marines.
Washington frappe un navire en mer
«Sur mes ordres, les forces militaires américaines ont mené un bombardement cinétique contre des narcoterroristes clairement identifiés du Tren de Aragua», affirme Donald Trump le 2 septembre sur son réseau Truth Social, publiant une vidéo de la frappe. Onze personnes ont été tuées. «Les États-Unis utiliseront toute leur puissance» contre le narcotrafic menace Marco Rubio, secrétaire d’État américain, alors en voyage au Mexique, pays régulièrement visé par le président américain pour un supposé laxisme dont la lutte contre le narcotrafic. «Il s’agit d’une opération de lutte contre le trafic de drogue», a assuré Marco Rubio en réponse à une question sur une éventuelle opération au sol au Venezuela.
Au même moment, l’armée américaine conduit un exercice militaire à Puerto Rico dont certains montrent un entraînement au débarquement de combat sur une plage. «Il ne reste que peu de temps avant que le Venezuela soit libre», a réagi Maria Corina Machado, opposante de Maduro qui vit dans la clandestinité. Le dirigeant vénézuélien, vendredi, a voulu jouer l’apaisement : «Aucun des différends que nous avons et que nous avons eus [avec les États-Unis] ne justifie un conflit militaire». «Le Venezuela a toujours été disposé à discuter, à dialoguer, mais nous exigeons du respect», a-t-il ajouté dans une déclaration à la télévision publique.