Par
Enzo Legros
Publié le
9 sept. 2025 à 7h12
Lundi 8 septembre, une jeune femme se présente face à la devanture d’une boulangerie « La Panetière », située Avenue de Grande-Bretagne, près des Halles de la Cartoucherie de Toulouse. Mais très vite, la cliente est gagnée par la déception. À travers les vitres, elle voit une boutique inanimée de toute activité, juste avant midi. « Je ne comprends pas, ce n’était pas du tout comme ça avant », se questionne-t-elle, avant de repartir bredouille. Cela fait une semaine que ce commerce, ouvert en 1986, n’ouvre plus ses portes aux habitants du quartier. Son propriétaire, Bernard Moly, est lui au fond du trou. Son affaire vient de couler à cause du trafic de drogue. Meurtri par la fin d’une affaire qu’il voulait céder à son petit-fils, il a accepté de livrer son témoignage poignant à Actu Toulouse.
Quand le trafic de drogue ruine une boulangerie
Le début de la descente aux enfers remonte à trois ans. Bernard Moly, fondateur du groupe La Panetière, tenait, comme depuis 35 ans, sa boulangerie au nord-ouest de Toulouse. Seulement un détail va faire basculer sa vie dans une boucle infernale. « On a commencé à avoir des marchands de drogue devant nos portes », explique le gérant, dans une salle aux allures de déménagement. Les soirs, une fois la nuit tombée, « des jeunes » se sont mis à se réunir sur le parking privé du magasin, partagé avec une supérette et un fast-food, pour faire leurs affaires.
Au fil du temps, les clients s’en aperçoivent et prennent peur. « On voyait bien que c’était du trafic de drogue », confie Jeanne, habitante aux alentours. Les nuisances ne se limitent pas qu’aux apparences. « Il y a eu des bagarres, on retrouvait du sang sur le sol le matin », raconte Bernard Moly. L’ambiance devient glauque. Le patron de la boulangerie porte plainte une première fois, pendant que sa boutique sombre petit à petit.
« Mes salariés avaient peur de venir travailler »
Depuis trois ans, la police est intervenue à plusieurs reprises pour tenter de mettre fin au trafic, et à la violence. « Elle ne s’est déplacée que lorsqu’il y avait du sang », grince aujourd’hui le gérant du lieu, en citant l’exemple d’une journée où sa femme a été agressée par les individus en question.
Mercredi 3 septembre, la police est intervenue en face du magasin, fermé depuis 3 jours. « C’est la première fois que je voyais ça », assure Bernard Moly. (©Document transmis à Actu Toulouse)
La mairie de Toulouse a placé des caméras de vidéoprotection aux abords de la boulangerie… avant qu’elles ne soient vandalisées, puis remplacées.
Votre région, votre actu !
Recevez chaque jour les infos qui comptent pour vous.
« Les policiers m’ont dit, monsieur, vous êtes le point rouge de Toulouse », partage le créateur du groupe « La Panetière ». Ce dernier a décidé d’engager des vigiles pour « faire peur aux trafiquants, mais ce sont les vigiles qui ont eu peur », désespère Bernard Moly. Devant les fourneaux, ses employés aussi « avaient peur de venir travailler ». Alors après trois ans de lutte, il a décidé lundi 1er septembre 2025 de jeter l’éponge, pour protéger son personnel et ses clients.
Les clients découvrent depuis lundi 1er septembre une affiche annonçant la fermeture définitive de la boulangerie. (©Enzo Legros/Actu Toulouse)« J’ai tout fait pour sauver le commerce »
Pourtant, le responsable s’est ardemment battu. De l’installation de caméras personnelles jusqu’à la création d’un parking privé à barrières, gratuit seulement 30 minutes, « j’ai tout fait pour sauver le commerce » réagit le propriétaire, une semaine après la fermeture. Il a même tenté de dialoguer avec les trafiquants, « mais ils étaient très violents, à me dire que je n’étais pas chez moi », retrace-t-il, dépité.
La Panetière de la Cartoucherie a tout tenté pour éviter la fermeture, jusqu’au dialogue avec les trafiquants de drogue. (©Enzo Legros/Actu Toulouse)
Coût total de ces efforts : 100 000 euros investis dans l’espoir de sauver sa boutique. De l’autre côté, les résultats financiers se sont mis à plonger. « De 3 000 euros de chiffres d’affaires, on est passé à 500 », détaille Bernard Moly. Et les ennuis ne sont pas encore finis pour le chef d’entreprise. « Je vais devoir licencier 7 employés, ça va me coûter très cher », craint-il.
« J’espère faire bouger les pouvoirs publics »
Le chef de la boutique n’a pas pu retenir ses larmes les jours suivant la fin de son aventure Avenue de Grande-Bretagne. Le fait de ne pas pouvoir offrir son poste à son petit-fils, comme il l’avait prévu, le rend triste au plus au point. Mais en livrant son témoignage, Bernard Moly veut surtout alerter ses confrères et la sphère politique.
« J’espère faire bouger les pouvoirs publics », voudrait celui qui aurait soufflé la quarantième bougie de la Panetière de la Cartoucherie en 2027. Senti délaissé pendant ces trois ans de calvaire, il espère que d’autres magasins ne vivront pas la même expérience, à commencer par ses voisins, dont un fraîchement installé. Avec l’histoire du McDonald’s de Jeanne d’Arc, touchée par une histoire similaire en 2023, c’est un second cas de fermeture récente forcée par un trafic de drogue à Toulouse.
Personnalisez votre actualité en ajoutant vos villes et médias en favori avec Mon Actu.