Les rapports politiques intercommunaux devenus – au grand jour – conflictuels comme jamais depuis les publications de Mediapart, leur pacification doit-elle passer par un prochain président de Métropole autre que le maire de Saint-Etienne ou un de ses adjoints ? Certains élus actuels le réclament, mettant aussi dans la balance une – estimée – trop grande concentration des investissements dans la ville centre. Les conseillers stéphanois interrogés, opposants à Gaël Perdriau, ne sont pas forcément du même avis… Reste que si l’idée, adoptée avec plus ou moins de succès ailleurs, devait être appliquée, cela ne le serait qu’à l’issue d’intenses tractations de coulisses. A la suite de ces Municipales 2026 qui détermineront tout…
En agissant de la sorte, « vous donnez logiquement l’impression, à tort ou à raison, que la grande ville a la mainmise sur l’agglomération et que les communes membres ne sont pas de partenaires mais en dessous. Ce qui vous isole en tant que maire de la ville centre ». Ex-maire de Saint-Etienne, premier président de la jeune histoire de Saint-Etienne Métropole, Michel Thiollière commentait ainsi à If début octobre 2023 dans un article lié au projet inabouti de chantage présumé dont il a été l’objet présumé aussi, la mutualisation des cabinets et au-delà de la communication entre Ville de Saint-Etienne et Métropole.
Expérience menée depuis plus de 7 ans, au cheminement progressif approuvé majoritairement par les élus non stéphanois à son adoption. Mais qui, au regard des propos tenus par des élus de tous bords, interminables débats, polémiques, engueulades, pertes de confiance et autres révélations spécifiquement liées à cet état de fait, sinon corrélées avec l’affaire de chantage, ne devrait – logiquement – pas survivre aux élections municipales 2026. Rappelons que si les habitants d’une Métropole du calibre de Lyon élisent désormais directement leurs élus communautaires, à part des Municipales, cela reste une exception. En 2026, de l’élection des listes municipales au sein des 53 communes de Saint-Etienne Métropole découleront les 123 conseillers communautaires. Les noms des candidats municipaux, également potentiels élus communautaires, sont indiqués au moment du vote municipal des citoyens de chaque ville, chaque village.
34 % des conseillers sont Stéphanois
L’assemblée métropolitaine (ici accueillie à G.-Guichard le 39 septembre 2022) compte 123 conseillers dont 42 stéphanois et 8 saint-chamonais.
Dans l’agglomération, celles-ci envoient ainsi d’1 (pour les 33 plus petites en population) à 42 représentants en fonction de leur niveau de population. Ce qui n’est pas révisé à chaque mise à jour annuelle de l’Insee mais déterminée par un arrêté préfectoral pour 6 ans, en amont des élections municipales (cette année, d’ici le 31 octobre 2025), appliquant donc les répartitions des sièges déterminées par le Code Général des Collectivités Territoriales suivant « une proportionnelle à la plus forte moyenne sur la base de leur population municipale authentifiée par le plus récent décret publié ». Cependant, un « accord local » à la fin des mandats en cours peut modifier la règle en ajoutant jusqu’à 10 % du nombre total de sièges issus de leur application. A Saint-Etienne Métropole, cet accord a permis en 2020 d’ajouter 11 conseillers de plus aux 112 de base.
Sorbiers, Villars, La Talaudière, Saint-Jean-Bonnefonds, Saint-Priest-en-Jarez, Saint-Genest-Lerpt, Saint-Galmier, La Grand-Croix, Lorette, L’Horme, Saint-Paul-en-Jarez ont ainsi un conseiller de plus que ces communes n’en auraient sans cet accord. C’est-à-dire 2. Saint-Etienne reste à 42 (dont 9 étaient « originellement » déjà opposants à Gaël Perdriau), soit 34 % des conseillers malgré une concentration de 43 % de la population. Il y en a 8 pour Saint-Chamond, 4 pour Firminy, 3 pour Rive-de-Gier et Le Chambon-Feugerolles et 2 (sans la nécessité d’accord) pour La Ricamarie, Roche-La-Molière et Andrézieux-Bouthéon. Fin mars, le conseil métropolitain a reconduit cet accord que les conseils municipaux avaient à valider d’ici fin octobre en vue des Municipales. La Ville de Saint-Etienne l’a par exemple fait le 2 juin. L’occasion pour le conseil municipal – et communautaire – d’opposition EELV Olivier Longeon d’appeler le législateur à généraliser l’exception lyonnaise qu’il considère plus démocratique.
Des conflits stéphanois exportés à Métropole
Des élus de Saint-Etienne Métropole à l’occasion d’un rare vote par bulletin secret (le vœu réclamant la démission de G. Perdriau) fin 2022 au Musée d’Art Moderne. ©If Media / Xavier Alix
Mais aussi d’arguer que trop de décisions capitales métropolitaines lors du mandat qui s’achève n’ont pas donné lieu à un véritable débat, puisque soumis à un vote, comme une délibération lambda, « donnée comme simple information », en faits accomplis par les décisions hors conseil du bureau de métropole et ses 71 représentants (dont chacun des 53 maires). Le maire Gaël Pedriau conteste l’analyse d’Olivier Longeon. Il estime justement non seulement que le « modèle lyonnais » écrase la représentation de petites communes. Mais aussi que le système instauré sous le précédent mandat métropolitain a permis d’améliorer leur représentation à Saint-Etienne Métropole. Au bureau, chaque maire a une voix, peu importe la population. Le poids de Saint-Etienne est alors beaucoup plus relatif qu’au conseil, en conclut G. Perdriau. Echange d’analyses fermement en désaccord enclenchés dans le calme pour finir plus conformes avec l’ambiance habituelle des séances depuis 3 ans…
3 ans aussi que les débats publics de Saint-Etienne Métropole ont tendance à les imiter, perdant de leurs certes, relatifs mais plus traditionnel caractère consensuel. Depuis les révélations et conséquences en cascade de Médiapart. Non pas que les échanges musclés et interpellations choques ne les aient jamais émaillées sous Michel Thiollière, Maurice Vincent et davantage encore, durant les huit années où Gaël Perdriau était pleinement président. S’il faut se souvenir d’une de nombreuses prises de parole intercommunales de Gérard Tardy, inénarrable maire de Lorette « anti » métropolitain, celle de juillet 2020 au moment de l’élection du président de métropole en est une forte illustration. Candidat à la Coubertin, pour le sport, face au seul concurrent qu’était Gaël Perdriau, G. Tardy n’avait pas été tendre avec ce dernier et son… « entourage ». Allant bien plus loin dans l’atmosphère qu’un débat de base, même très animé, sur le bon usage de l’argent public ou, sur « l’injustice » faite à Lorette quant à son appartenance à Métropole.
La maîtrise d’un exécutif métropolitain n’est pas celle d’une Ville
Il faut cependant souligner qu’un conseil métropolitain n’est pas un conseil municipal. Et un président a beau être maire de la plus grande ville membre, dans le cas stéphanois en tout cas, il n’en est pas autant maître de son exécutif qu’au sein de sa mairie. Même en l’accentuant, par mutualisation avec « sa » ville de certains services et donc des hauts cadres non élus… Bien sûr, ses opposants de gauche stéphanois municipaux par ailleurs conseillers communautaires sont de facto exclus de la gouvernance métropolitaine. Reste qu’à partir de 2020, Gaël Perdriau, alors encore LR, a eu parmi ses vice-présidents de l’exécutif menant une politique qu’il préside deux maires communistes : ceux de Rive-de-Gier Vincent Bony et d’Unieux Christophe Faverjon. Certes, la population nettement supérieure en nombre de Saint-Etienne lui avait permis alors d’obtenir six vice-présidences (dont trois, en 2026, sont toujours de son « camp ») issues de sa majorité municipale sur 19 existantes (soit 31,5 %).
8 décembre : dernière apparition de Gaël Perdriau aux côtés de l’exécutif métropolitain en tant que président au sein d’une assemblée de Saint-Etienne Métropole. ©If Media / Xavier Alix
Mais au sein de son exécutif municipal, impossible par nature d’être contraint de composer avec des élus PC, sinon PS ou EELV pour adjoints et avec qui il faudrait se mettre d’accord… Au sein de la majorité de l’assemblée communale, dans les décisions prises, la pluralité politique ne joue que très marginalement ou pas (d’autant moins si l’allié UDI était réduit et « étouffé »), pas plus que la défense d’intérêts collectifs et/ou personnels contradictoires. En revanche, aussi autoritaire que ses détracteurs le décrivent, et même s’il y exerce vraiment un jeu de pression, quand il endosse son costume de président métropolitain, le maire de Saint-Etienne doit forcément faire avec une volonté pouvant différer de la part de maires représentant via leurs vice-présidences, sinon leur présence au bureau, la participation au pouvoir des petites et moyennes communes. Y compris quand ils appartiennent au même bord politique. Il ne peut pas aussi facilement imposer sa volonté qu’avec ses colistiers municipaux. Bref, l’exécutif municipal, c’est SON « équipe ». Celui métropolitain, pas tout à fait voire nettement moins.
Un avant et un après août 2022
A la Métropole, beaucoup de décisions semblent effectivement se jouer « en coulisses », du moins en bureau, hors de leur exposition publique en assemblée qui vote, la plupart du temps à main levée. Le contexte particulier de la démocratie intercommunale conduisait à des conseils, en général, plus « tranquilles » entre personnes pour la plupart forcées de s’entendre et/ou s’étant déjà entendues. Les coulisses peuvent probablement donner lieu à des échanges plus musclés mais nous n’assistons pas à celles-ci. Or, à Saint-Etienne Métropole, août 2022 a tout changé et les échanges déjà au vitriol du conseil municipal stéphanois n’ont fait que s’accentuer pour mieux s’exporter au sein du conseil communautaire. Comme jamais. Joutes entre pro ou anti Perdriau renforcées par les prises de parole habituelles de quelques maires déjà hostiles ou devenus hostiles. Les suites du retrait en réalité « non total », car de toute façon inexistant juridiquement, de Gaël Perdriau à qui une très large majorité d’élus communautaires a réclamé la démission à défaut de pouvoir lui imposer, n’ont absolument rien arrangé.
©If Media / Xavier Alix
En relais d’Hervé Reynaud depuis septembre 2023 pour assurer l’intérim de la présidence, Sylvie Fayolle, maire des 1 300 et quelques habitants de Saint-Paul-en-Cornillon, s’est indéniablement montrée énergique et a su tenir la barre avec une relative autorité, d’autant plus nécessaire à cette étrange tempête institutionnelle. Mais relative donc car se heurtant régulièrement à des limites cadrées, elle par la loi, celles des pouvoirs juridiquement « indéléguables » de Gaël Perdriau : pour signer certains documents issus des certaines décisions de l’exécutif votées ou non, orienter la politique de communication ou lorsque Sylvie Fayolle a souhaité composer légitimement son propre cabinet démutualisé. Bien que vouloir faire appel, pour le poste de directeur, à un proche de l’ennemi du maire de Saint-Etienne qu’est Laurent Wauquiez, dont elle est un fort soutien, avant même qu’un enregistrement audio ne mêle collatéralement ce dernier à l’affaire, ne pouvait qu’enfoncer Gaël Perdriau dans un exercice très relatif de son retrait total.
L’appel d’Eric Berlivet
A la suite de ce dernier, amer d’avoir perdu sa vice-présidence en 2020 (il était en charge de la gestion des déchets entre 2014 – 2020) pour s’être montré, argue-t-il trop indépendant, trop loquace publiquement sur ses opinions, Eric Berlivet, maire Horizons de Roche-la-Molière a souhaité attirer l’attention des élus métropolitains en les invitant, pour ceux qui seront encore là, à choisir un autre président que le maire de la ville centre en 2026. Appel mis à la connaissance de la presse locale. Pas pour viser la place, défendait-il à If au début de l’été : « Non, ça ne m’intéresse pas. Si je repars en 2026 et que je suis réélu, pourquoi pas revenir dans l’exécutif même si ça ne m’obsède pas mais sûrement pas à la présidence. Nous nous sommes montrés naïfs lors du premier mandat de Gaël Perdriau : j’ai voté comme bien d’autres cette mutualisation et c’était une erreur. Il faut la réparer. La réalité, c’est que la majorité de la Ville de Saint-Etienne utilise de manière systémique la Métropole au profit de ses propres politiques. Très clairement et pas seulement sur la com mais aussi sur les ressources humaines, avec un personnel significativement déchargé sur la Métropole et, surtout, les grands investissements. »
La réalité, c’est que la majorité de la Ville de Saint-Etienne utilise de manière systémique la Métropole au profit de ses propres politiques.
Eric Berlivet, maire de Roche-la-Molière
Pour Eric Berlivet, seule la personnalité d’Hervé Reynaud, alors maire d’un Saint-Chamond et de ses 35 000 habitants, et donc en mesure « d’enquiquiner » Gaël Perdriau serait parvenue à tirer son épingle du jeu « mais pour sa seule ville »… Avec bien sûr pour exemple phare « l’obtention de la salle Arena après les dizaines de millions déjà mis dans Novaciéries. Du côté de l’Ondaine, on ne peut en dire autant. Où est le nouvel grand équipement à l’ouest de Saint-Etienne ? Le Corbusier reste un héritage pas un équipement structurant. » Le maire de Roche-la-Molière a-t-il cependant une démonstration chiffrée et comparative avec d’autres métropoles ? « C’est vrai que pour le prouver et ne pas en rester à un « sentiment », il faudrait des documents analytiques : je ne les ai pas, faute de les recevoir pour les étudier malgré mes demandes répétées. Il est normal qu’une ville centre concentre des services d’intérêt commun mais là le déséquilibre est beaucoup trop fort. Et ce manque de transparence récurrent interroge. Alors, assurons-nous d’une gouvernance plus partagée. Lille, Bordeaux ou Grenoble le font bien. »
« Pas de religion en la matière »
« Les documents sont bien là, accessibles, et si Eric Berlivet veut démontrer, il n’y a qu’à… Mais oui, ce déséquilibre dans les politiques publiques au profit d’un maire, nous le constatons aussi », lance, elle, Isabelle Dumestre, présidente socialiste du groupe d’opposition Saint-Etienne Demain à la Ville de Saint-Etienne. Aussi conseillère communautaire du coup et donc peu avare d’interventions relayant à l’échelle métropolitaine son opposition à Gaël Perdriau, ses soutiens et nombre de ses politiques. Isabelle Dumestre souligne qu’« une intercommunalité quel que soit sa taille, n’assoit pas sa majorité sur une base politique comme au conseil municipal. L’idée d’éviter le maire de Saint-Etienne pourrait faire sens avec ce que nous venons de connaître mais, sans que cela doive rester gravé dans le marbre, nous pensons justement que la restauration de la confiance, la période qui s’ouvrira devant redonner à Saint-Etienne son rôle de locomotive perdu depuis plus de 2 ans, passe par une présidence avec le bon comportement, des décisions partagées, au moins dans un premier temps, tenue par le maire de la ville centre. »
Nous pensons que la restauration de la confiance, (…) et redonner à Saint-Etienne son rôle de locomotive passe par une présidence, au moins dans un premier temps, tenue par le maire de la ville centre.
Isabelle Dumestre, élue stéphanoise PS d’opposition
Au sein de la gauche stéphanoise encore, si les représentants du collectif Sainté Populaire n’étaient pas en mesure lors de notre rencontre en juin de nous donner une position à propos d’un sujet qui ne s’était pas invité – pas encore ? – sur la table de leurs discussions internes, les écologistes, par la voix de Julie Tokhi nous indiquaient, eux, cet été, ne pas avoir « de religion en la matière ». Difficile de s’appuyer sur l’exemple déployé par EELV du côté du Grand Lyon dont le maire de la ville centre, Grégory Doucet n’est pas président comme le fut son prédécesseur Gérard Collomb jusqu’à ce que ce dernier devienne ministre. La fonction a été obtenue par un autre écologiste, Bruno Bernard, à l’issue d’une primaire au sein de leur parti sans que cet ex-conseiller municipal de Villeurbanne n’ait besoin alors d’être déjà élu puisque l’assemblée métropolitaine de Lyon a fait l’objet en 2020 et pour la première d’une élection au suffrage universel direct spécifique.
Une appropriation des investissements ?
Ce qui est certain précise la Stéphanoise Julie Tokhi, c’est que la mutualisation de la communication et du cabinet doit être supprimée : « Cette appropriation doit s’achever et oui la Métropole s’est trop autocentrée sur Saint-Etienne. Maintenant, cela dépend aussi de l’attitude du maire de la Ville centre pour qui les élus de petites communes ont souvent tendance à voter quelle que soit la couleur politique. » Ce ne sera pas le « réflexe » d’un François Driol, vice-président de métropole et maire d’Andrézieux-Bouthéon, du moins s’il est encore en poste en mars prochain : « Un président non stéphanois ? Je dis oui mais… ça dépend qui ! » Une personnalité au positionnement politique trop éloigné de ses propres opinions, un candidat qui émergerait, par exemple, d’une gauche très radicale – ou, au contraire d’extrême droite – ne lui conviendrait pas plus qu’un maire président de Saint-Etienne menant l’intercommunalité au profit de sa ville.
Un président non stéphanois ? Je dis oui mais… ça dépend qui !
François Driol, maire d’Andrézieux-Bouthéon
Lui aussi estime, que cela a été le cas, évoquant le manque de considération pour les autres communes dont le poids réel ne tient pas qu’à leur population… « Loin » de chez lui, il ajoute aussi une vallée de l’Ondaine mise de côté sur les grands investissements. Pour revenir à Saint-Etienne, du côté de l’alliance des sept partis de droite et du centre, en attendant une tête de liste issue du sondage, le porte-parole qu’est Robert Karulak, vice-président métropolitain issu de la majorité municipale Perdriau dont il a claqué la porte en juin 2024 avec 8 autres élus, ne donne pas de position officielle à ce stade. Mais du coup son point de vue d’élu stéphanois : « Je pense que l’impression d’une confiscation par Saint-Etienne des investissements est exagérée même s’il y a probablement des choses à améliorer. Je trouve préférable, pour une ville centre forte profitable aux 52 autres communes que l’agglomération soit présidée par son maire. D’autant que c’est là où habite 43 % de sa population. Saint-Etienne est géographiquement au centre et ses équipements communautaires sont d’intérêt commun, pas qu’aux Stéphanois. Un Zenith, un Geoffroy-Guichard (une patinoire ?, Ndlr) ne peuvent pas être ailleurs. »
L’affirmation déséquilibrante de Wauquiez
A l’automne 2023, lors de sa venue dans le sud Loire en présence de membres de sa majorité régionale, entre autres Sylvie Fayolle et Dino Cinieri, candidat LR à la candidature de cette alliance, visite qui avait évidemment soigneusement évité Saint-Etienne, Laurent Wauquiez avait pourtant, lui à plusieurs reprises taclé Gaël Perdriau en affirmant ce déséquilibre. Discourant sur sa volonté d’aider la présidence par intérim de Sylvie Fayolle à « rééquilibrer une politique métropolitaine » qu’il affirmait comme jusque-là profitable avant tout à Saint-Etienne… Quelles que soient les positions et éventuellement ambitions des uns et des autres sur cette prochaine présidence, le sujet sera tributaire des résultats extrêmement incertains à ce stade des élections municipales 2026 dans les communes les plus peuplées, donc en général les plus susceptibles d’enjeux politiques entre partis.
Même si ça et là, même village peut, aussi, être dirigé par un maire encarté, investi politiquement. Les tractations en coulisses sans doute initiées avant cela, seront denses au lendemain du second tour des Municipales en vue de la tenue du Conseil métropolitain d’installation 2026 /2032. En 2020, dix jours avaient espacé les deux. Probable qu’il n’y ait cette fois-ci aussi pas qu’un seul candidat à cette présidence. Mais cette fois, ce ne serait alors pas seulement pour le « sport » : les « barons » qui la brigueront ne feront alors sûrement pas dans le Coubertin…
Et à Grenoble, comment ça se passe ?
La dimension de la ville centre, de sa métropole (respectivement 156 000 et 450 000 habitants), ses 49 communes, ses statuts, donc ses règles vis-à-vis de la désignation de son conseil métropolitain semblent beaucoup plus comparables à Saint-Etienne que Lyon. Or, voilà des décennies que la présidence n’est pas aux mains de Grenoble.
Si c’est le cas actuellement aussi de Lille, ou encore Bordeaux, « Grenoble Alpes Métropole » connaît l’expérience d’une présidence confiée à un autre élu que le maire de se principale cité, depuis longtemps. Presqu’une tradition. En 2014, après Didier Migaud, maire de Seyssins (8 000 habitants) de 1995 à 2010 puis les 4 années suivantes Marc Baïetto, à la tête d’Eybens (10 000 habitants), Christophe Ferrari, alors socialiste comme ses deux prédécesseurs (désormais à Place publique), maire de Pont-de-Claix, même pas 11 000 âmes au sud de Grenoble en devient président. Sa commune ne compte pourtant que deux conseillers sur 119 quand la ville centre tenue depuis 2014 par la majorité verte d’Eric Piolle en pèse 30.
Trois décennies qui prouvent qu’une collectivité intercommunale de taille conséquente peut se développer avec une présidence d’exécutif tenue par un autre élu que le maire de la Ville centre ? Certes. Il faut cependant souligner dans le cas isérois que Michel Destot a été maire de 1995 à 2014, en tant qu’encarté au PS, lui aussi. Être du même parti que les présidents issus de commune périphériques n’a pu que faciliter, a priori, leur entente sur la politique métropolitaine à mener. Ce n’est plus le cas depuis 8 ans alors tandis que les pouvoirs intercommunaux – et les enjeux allant avec – ont considérablement été étendues par rapport à il y a 30 et même 20 ans. Cependant, en 2014, malgré la concurrence d’un autre élu PS non Grenoblois, « Christophe Ferrari avait reçu le soutien de l’écologiste Eric Piolle qui s’était engagé à ne pas briguer la présidence de la Métro », rappelle Victor Guilbert, confrère journaliste, rédacteur en chef des Affiches de Grenoble, membre du même groupe de presse qu’If Saint-Etienne (Cie des médias). Christophe Ferrari avait ainsi été élu au 2e tour avec 64,5 % des voix des conseillers communautaires soutenu par l’ensemble des élus de gauche et de plusieurs maires sans étiquette de petites communes.
Une tradition devenue conflictuelle
« Au fur et à mesure que le mandat a avancé, les relations entre les élus de la majorité grenobloise et la présidence de Christophe Ferrari se sont toujours un peu plus tendues autour de sujets comme la mobilité, la ZFE, la publicité sur l’espace public, etc. » Jusqu’à un clash exposé au grand jour en 2020. Yan Mongaburu conseiller municipal grenoblois écologiste, son propre vice-président en charge des déplacements et président du SMTC (syndicat mixte des transports en commun devenu SMMAG) est alors envoyé contre Ferrari pour lui ravir cette présidence. Mais ce dernier, fort du soutien des petites communes ne se sentant pas assez écoutées par la principale, l’emporte à nouveau à l’issue de tergiversations amenant un 3e tour. Piolle évoque alors une « crise institutionnelle grave ». Une difficile œuvre de rabibochage en septembre 2020 afin de désigner un exécutif aux membres convenant à chaque partie fait finalement long feu en raison d’un recours par les écologistes contre l’élection du maire de Pont-de-Claix. Depuis ? Depuis c’est, semble-t-il la guerre froide agrémentée de réguliers coups de chaud juridico-politiques, voire judiciaires. Clairement « cette division a cassé la dynamique de la Métropole qui n’est plus la même qu’au début du mandat 2014 /2020, analyse Victor Guilbert. Tous les sujets – à l’encore vu avec le feuilleton Vencorex – sont sources de tensions, même si mobilité et ZFE restent les principales. »
Le maire de Grenoble a décidé de ne pas reconduire (contrairement à 2014 et 2020) pour 2026 l’accord local qui permettait à 9 « petites communes » de disposer de 2 places au conseil métropolitain, pour avoir une meilleure représentativité (mais qui avait aussi coûté sa place au candidat grenoblois à la présidence en 2020…). D’où la réaction de Christophe Ferrari la semaine dernière : « Je suis consterné par cette décision qui augmente très faiblement la représentativité de Grenoble, mais fait perdre un siège à la Métropole à ces 9 communes conduisant 44 % de leur population, c’est-à-dire 29 000 habitants, à être mal représentés » A Grenoble aussi, 2026 promet.