Dans le local associatif de La Base, dans le 4e arrondissement de Marseille, Romain raconte sans détour l’engagement de Stop Croisières. Membre du collectif depuis 2023, il en résume la mission :

« Nous travaillons à ce que le business de la croisière se réduise, jusqu’à ce qu’il s’arrête. Il y a trop de problèmes associés à cette industrie, et elle est substituable. »

Créé en 2022 par des militants écologistes marseillais, le collectif rassemble aujourd’hui une trentaine de bénévoles. Ses premières revendications étaient radicales : l’arrêt pur et simple des croisières. « On sait qu’on ne peut pas fermer une industrie du jour au lendemain, concède Romain. Mais on peut le faire progressivement. »

Des retombées économiques discutables pour Stop Croisières

L’argument récurrent des défenseurs du secteur reste les retombées économiques. Là encore, le collectif nuance.

« On nous parle du panier moyen des touristes, mais quel sens ça a ? Un étudiant qui vit à Marseille dépense 8 000 € sur l’année. Ce ne sont pas les 50 € laissés par un croisiériste en escale qui changent la donne. »

Les croisiéristes « dépensent, finalement, peu à terre », car tout est prévu à bord : bars, piscines, restaurants, casinos. « Ce n’est pas la poule aux œufs d’or », tranche Romain.

Des paquebots qui « empoisonnent l’air »

Au-delà du symbole touristique, les militants alertent surtout sur l’impact sanitaire. Un navire à quai à Marseille, moteurs allumés, pollue autant que 30 000 voitures tournant en continu pendant dix heures.

Selon AtmoSud, le trafic maritime représente jusqu’à 50 % des émissions d’oxydes d’azote dans la ville, dont un tiers est directement lié aux croisières.

© Stop Croisières – Le collectif alerte sur les dégâts sanitaires et sociaux des croisères. Ici, en juillet 2022.

Les maladies associées sont connues : cancers, pathologies respiratoires et cardiaques, aggravation de l’asthme et des allergies. Les particules fines pénètrent jusqu’au placenta des femmes enceintes. « Marseille concentre les effets négatifs de cette industrie », regrette Romain.

Le terminal du J4, nouvelle bataille

Malgré les mobilisations, les avancées restent minces : « L’électrification des quais progresse lentement, freinée par des problèmes techniques », atteste le militant qui assiste souvent aux réunions du Grand port maritime de Marseille (GPMM).

Mais le collectif ne se laisse pas abattre. Leur dernière mobilisation vise le projet de terminal de croisière de luxe au J4, face au Mucem et à la Major. Abandonné une première fois en 2023, il refait surface via un appel d’offres du GPMM, financé à 35 % par l’État. « Un projet absurde en pleine crise », déplore l’activiste.

Depuis juin dernier, Stop Croisières a lancé une consultation citoyenne : une cinquantaine de propositions ont été récoltées pour imaginer un autre avenir pour ce site emblématique. Le collectif compte désormais travailler avec des architectes et paysagistes avant de présenter son alternative aux candidats des prochaines municipales.

Surtourisme : « un mot galvaudé »

Le collectif se méfie du terme « surtourisme », qu’il juge piégeux. « Ça laisse entendre que le problème, c’est que trop de monde part en vacances. Or, le vrai sujet, c’est la concentration. Le Panier ou Notre-Dame de la Garde sont saturés, mais les quartiers nord, eux, sont totalement délaissés, où il y a pourtant tant à découvrir », explique-t-il.

Pour lui, l’enjeu est de repenser l’accueil des visiteurs et de répartir les flux. Car derrière les images de Vieux-Port bondé, se cachent aussi des conséquences concrètes sur le logement : explosion des locations de courte durée, hausse des loyers, raréfaction de l’offre pour les habitants.

Une « incohérence politique »

Au-delà des paquebots, Stop Croisières pointe une contradiction plus large : « D’un côté, on fustige les croisières et le surtourisme. De l’autre, on agrandit les aéroports de Marseille et de Nice pour accueillir toujours plus de passagers. »

Dans une ville où le tourisme continue de croître, les militants veulent peser sur les choix à venir. Reste à savoir quelle place Marseille accordera aux croisières dans les prochaines années. Eux misent sur la mobilisation citoyenne pour infléchir le débat : « On nous reproche d’être contre tout, sourit Romain. Mais nous avons des solutions. »