Titulaire pour la première fois de sa carrière en match officiel en deuxième ligne, samedi dernier à Bordeaux, le flanker international de La Rochelle Paul Boudehent s’entraine depuis de longs mois pour enrichir sa palette et offrir d’autres solutions en montant d’un cran. De là à s’installer progressivement dans la cage ? L’option est sérieuse. Et pas qu’en club, où il devrait glaner ses galons de centurion dès samedi.

D’aucuns ont cru à du bricolage, déjà, en l’absence de Will Skelton et Ultan Dillane. Une dizaine de jours après un premier jet prometteur en amical, le repositionnement en deuxième ligne de Paul Boudehent face à Bordeaux est pourtant bien plus que cela, à un poste certes dégarni en ce début de saison mais sur lequel le flanker de La Rochelle et des Bleus (19 sélections) lorgne depuis un bail, à la demande conjointe des staffs du XV de France et du Stade rochelais, maîtres ès polyvalence.

Voilà qui nous ramène à des confidences de septembre 2024, quelques semaines après avoir amorcé un virage pour « montrer un nouveau visage. Pendant longtemps, j’ai joué dans les couloirs mais je m’estime maintenant plus comme un besogneux, c’est là où je prends le plus de plaisir, et je me suis gentiment sorti de ce jeu d’évitement, livrait alors l’Angevin. J’ai été beaucoup remplaçant en équipe de France et comme le staff faisait beaucoup de 6-2, ça l’arrangeait que je couvre aussi le poste de deuxième ligne. A ce moment-là, je l’avais fait pour dépanner. Maintenant, toutes les semaines je m’entraine pour, je peux être deuxième ligne tous les week-ends. »

Le bon équilibre puissance-mobilité

Il aura finalement fallu attendre le printemps dernier pour que le chantier entrepris commence à prendre corps en compétition. Avec, d’abord, des bouts de match – accomplis – dans la cage, où, paroles pêle-mêle de l’encadrement maritime, « Paul est très intéressant ; il nous amène d’autres possibilités, on développe cela ; il nous apporte sa puissance. C’est un athlète, il est costaud, complet, hybride. Il n’est pas très grand (1,92m) pour un deuxième ligne mais il a des grands bras ! C’est un sauteur (en touche, NDLR), un bon pousseur en mêlée, capable de porter le ballon et de défendre. » Condensé largement entrevu contre Bordeaux, samedi dernier.

C’est peu dire que la première titularisation en 4 du cadet des Boudehent, 25 ans, a fait mouche sur la pelouse Chaban-Delmas. Et surtout sens pour Laurent Labit, à l’heure de la métamorphose du Stade rochelais, « ce qui assure plus de vitesse et de déplacement sur ce poste. Est-ce appelé à durer ? Il faudra le surveiller mais c’est une première indication. Ce schéma permet aux Rochelais de gagner en mobilité devant et cela semble cohérent avec la mutation de jeu qu’ils ont enclenchée », écrit l’ancien entraîneur des arrières du XV de France dans sa toute première chronique Midi Olympique de la saison.

Joue-la comme Hulk

Associé à Kane Douglas, Paul Boudehent n’a eu cesse d’avancer face aux coéquipiers de Matthieu Jalibert. Comme sur cette chevauchée hulkéenne à la 80e minute, départ arrêté, où les Girondins ont dû s’y mettre à quatre – quatre avants, s’il vous plait – pour le stopper. Le genre de séquence où le colosse et ses quelque 113 kilos ne dépareillent pas avec les Will Skelton et autres Emmanuel Meafou, « des joueurs hors normes » avec lesquels, glissait-il il y a un an, « si je ne prétends pas le faire, j’aimerai rivaliser. » C’est en très bonne voie.

Douglas, pas plus tard que la semaine dernière, impressionné : « Il est fort, solide, il connaît son rôle. Regardez-le sans t-shirt, c’est… ! ». L’ancien 4 des Wallabies (31 sélections) acquiesce quand on lui demande si Paul Boudehent, flanker international désormais connu et reconnu, peut devenir un deuxième ligne du même acabit. « Il finira sa carrière en 4 », prédit aussi son autre coéquipier maritime, et ami, Jules Favre.

Un « autre jeu » qu’il « aime bien »

« Numéro 4 ou numéro 5… ça dépend s’il abuse des barbecues, reprend, hilare, le centre rochelais. Paul a pris pas mal de poids ces dernières années. Il était léger et avait tendance à courir très vite et à se blesser un peu trop. Du coup, il a changé d’état d’esprit, il a dit : « je vais enlever un peu de vitesse et mettre du poids sur la carcasse ». Je le préfère largement comme ça. Il a un profil de deuxième ligne très intéressant. Il s’occupe de tout en touche, c’est lui qui annonce donc il est content. »

Alors qu’Oscar Jegou le trouve déjà « aussi bon qu’en troisième ligne », l’intéressé se plaît en effet à monter d’un cran. « C’est un autre jeu, pas toujours très drôle (rires)… mais j’aime bien, souriait déjà Paul Boudehent au printemps. De toute façon, c’est quand je prends du plaisir que je suis bon. » Force est donc de constater qu’il semble en prendre autant dans la cage, où le futur centurion rochelais – il devrait effectuer sa centième sortie en jaune en noir samedi prochain pour la réception de Clermont en Top 14 – pourrait bien faire parler de plus en plus ses qualités. En club comme en sélection.