Le suspense aura duré plusieurs jours, mais l’issue était sans surprise : la vice-Première ministre du gouvernement, Angela Rayner, a remis vendredi 5 septembre sa démission à Keir Starmer. Une décision qui n’en était pas vraiment une, tant la politicienne de 45 ans était sous pression depuis la fin août après les révélations du quotidien britannique The Telegraph.
La raison de son départ forcé ? Elle n’avait pas assez payé de taxes sur sa résidence secondaire située dans le sud de l’Angleterre. Elle a juré qu’elle n’avait fait qu’appliquer les conseils du cabinet d’avocats qu’elle avait sollicité. Le différentiel était tout de même de 40 000 livres (soit plus de 46 000 euros). Argument difficilement entendable de la part de la ministre, dont le principal portefeuille était celui du logement.
Ce départ a été un vrai coup dur pour Keir Starmer, qui lui avait renouvelé sa confiance au moment des révélations du scandale visant celle qui fut obligée de démissionner de son poste de vice-présidente du Parti travailliste. Dans sa lettre manuscrite à son ex-bras droit, il s’est dit « très triste de [la] perdre », soulignant son « admiration » et son « énorme respect » pour son succès en politique.
Grand remaniement
Angela Rayner, 45 ans, était une figure importante du gouvernement, non seulement de par ses responsabilités, mais aussi parce qu’elle incarnait une forme d’espoir pour de nombreux Britanniques. Elle a grandi dans une famille pauvre et a quitté l’école à 16 ans sans diplôme avant de devenir la première femme députée pour la circonscription du Grand Manchester en 2015.
À peine la démission d’Angela Rayner remise, Keir Starmer a voulu prouver qu’il avait toujours le contrôle et a procédé dans l’heure qui a suivi à un remaniement quasi total – seule la ministre de l’Économie a gardé son portefeuille. Il a ainsi nommé David Lammy au poste de vice-Premier ministre, ce dernier laissant sa place à Yvette Cooper au poste de ministre des Affaires étrangères, elle-même remplacée par Shabana Mahmood au ministère de l’Intérieur – elle est la première femme musulmane à occuper ce poste.
Mais les changements de personnel imposés par le scandale ne correspondent guère à l’image d’un Premier ministre qui avait juré vouloir appliquer une politique supposée régler les dysfonctionnements des conservateurs incarnés par Boris Johnson et Liz Truss. Et l’affaire Angela Rayner aggrave le sentiment que Keir Starmer ne parvient pas à tenir ses promesses électorales sur la transparence et l’honnêteté politiques. Dès le début, son mandat a été entaché par des soupçons de « corruption », certains ministres ayant dû expliquer pourquoi ils avaient accepté des cadeaux, dont des places pour le concert londonien de Taylor Swift l’an dernier.
Reform UK se frotte les mains
Ce n’est pas la première démission forcée du gouvernement, puisque trois autres ministres ont quitté leurs fonctions depuis l’arrivée au pouvoir des travaillistes. Louise Haigh, alors ministre des Transports, avait dû quitter son poste en novembre 2024 après que les médias The Times et Sky News ont révélé qu’elle avait fait l’objet d’un sursis judiciaire pour avoir menti en 2013 sur le vol de son téléphone. Autre démission, en janvier dernier, celle de la ministre du Trésor, Tulip Siddiq, qui était visée par deux enquêtes anticorruption au Bangladesh. Enfin, début août, celle de Rushanara Ali, ministre des Personnes sans domicile fixe, accusée d’hypocrisie vis-à-vis de son portefeuille alors qu’elle venait d’augmenter le loyer mensuel du logement dont elle était propriétaire de 700 livres (environ 800 euros).
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Les oppositions ont profité de ce nouveau scandale pour taper un peu plus sur le gouvernement en place. La cheffe du Parti conservateur, Kemi Badenoch, a ainsi pointé du doigt la « faiblesse » de Keir Starmer, « incapable » de démettre sa vice-Première ministre. Nigel Farage, leader du parti d’extrême droite Reform UK, a déclaré que le gouvernement travailliste, « malgré ses promesses d’être différent des autres, n’est pas mieux, voire pire que le précédent ». Le parti d’extrême droite se frotte les mains, lui qui attaque déjà depuis plusieurs semaines le gouvernement pour sa gestion de la situation liée aux hôtels accueillant les demandeurs d’asile et la recrudescence des traversées de la Manche.
Le Premier ministre doit aussi faire face à la montée de nouveaux mouvements à gauche, comme Your Party, le nouveau parti des anciens travaillistes Jeremy Corbyn et Zarah Sultana, qui clament tous deux que « le Labour est mort », mais aussi avec l’élection mardi dernier d’un nouveau chef pour le Green Party, Zack Polanski, qui se qualifie lui même d’éco-populiste, défendant plus de justice sociale et une taxation plus forte sur les riches fortunes. Il a expliqué qu’il n’exclut pas de travailler avec Jeremy Corbyn pour former une alliance, et ainsi séduire les déçus du Labour.
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