Par

Fabien Binacchi

Publié le

9 sept. 2025 à 17h28

Des requins bleus qui s’approchent du bord et des baigneurs dans les calanques, « ce n’est pas étonnant », des raies pastenagues, venimeuses, tout proche des plages de Marseille, « aussi », mais les Mobula désorientées qui viennent s’échouer, « je n’avais encore jamais vu ça ». Nicolas Ziani, directeur scientifique du Groupe phocéen d’étude des requins dresse, pour actu Marseille, le bilan d’un été aussi riche en observations sur le littoral qu’inquiétant. Le spécialiste craint que les canicules marines, qui risquent d’être de plus en plus fréquentes en Méditerranéen, n’aient un véritable impact sur la mortalité de la faune.

Des apparitions habituelles et d’autres pas

Les Marseillais et les touristes ont passé un été « au contact ». À de nombreuses reprises, ils ont pu observer des spécimens tout près des plages, fermées d’urgence pour protéger les baigneurs, mais surtout cette faune, fragile.

Les voir là est-il exceptionnel ? « Un requin bleu en bord de côté », comme à Sormiou mi-août, « ça arrive lorsqu’ils suivent des proies et c’est sans danger », « des Pastenagues qui s’approchentce n’est pas non plus inhabituel », attaque Nicolas Ziani, qui étudie ces Chondrichtyens, les poissons cartilagineux, depuis des années.

Ce qui inquiète le spécialiste en revanche, ce sont les apparitions répétées de raies Mobula, en perdition. Cet immense et majestueux poisson, aussi impressionnant qu’inoffensif pour l’homme, peut mesurer jusqu’à 5m de diamètre. « C’est une espèce typique de nos eaux, mais qui n’a rien à faire en bord de plage comme on a pu l’observer », relève-t-il.

Échouages et décès

Le 8 août, un très grand spécimen du Diable de la mer Méditerranée, comme Mobula mobular est surnommé, a été sauvé de l’échouage. La police municipale et des marins pompiers avaient dû mouiller le maillot (et la combi) pour le ramener vers le large. « L’animal était coincé dans des rochers », expliquaient les secours à actu Marseille.

« Elle était désorientée » indiquait également l’adjoint au maire Hervé Menchon, délégué à la mer. Les plongeurs avaient dû s’y reprendre « à plusieurs reprises ».

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« Et ça n’est absolument pas normal. Je n’avais encore jamais vu ça », appuie encore Nicolas Ziani, formé depuis 2003 à l’étude étiologique. D’autant plus que ces « visites » fortuites se sont en effet multipliées tout le long du littoral méditerranéen.

Il y a trois semaines, une de ses Mobula a été retrouvée sans vie sur une plage de Perpignan. Une autre avait aussi été découverte près de Béziers.

Victimes de « coups de chaleur » ?

Plusieurs explications sont sur la table. Un agent pathogène présent dans l’eau ? Une algue toxique ? La cause la plus probable, selon le spécialiste, est plutôt à trouver du côté des « heat waves », ces canicules marines de plus en plus fréquentes. Fin juin comme mi-août, la température de l’eau avait flirté avec les 30°C sur les côtes marseillaises.

« Comme nous, il est possible que ces raies puissent souffrir de coups de chaleur lorsque le mercure s’affole. Elles se retrouvent apathiques, comme sonnées et désorientées. C’est ce qui pourrait expliquer ce comportement un peu dysfonctionnel. »

Nicolas Ziani

« Avec ce phénomène, qui risque de s’accentuer, il va y avoir de la mortalité, redoute le directeur scientifique. Et ce sont surtout les juvéniles qui vont être impactés. »

« En danger » d’extinction

De quoi faire faire craindre le pire, à terme, pour ces populations déjà menacées. « En danger » d’extinction, selon le classement de l’Union internationale pour la conservation de la nature, Mobula mobular est une des espèces les plus fragiles de Méditerranée.

« Les femelles peuvent atteindre 5 mètres et ne donnent naissance qu’à un seul jeune à la fois. Leur grande taille et leur faible capacité reproductive font des mantes une espèce particulièrement vulnérable à la capture et à la prise dans plusieurs filets de pêche, notamment les filets dérivants illégaux. »

Rapport de l’Union internationale pour la conservation de la nature
Déjà, en 2007

La pêche, mais aussi la pollution plastique (ingérée) et désormais les conséquences du réchauffement climatique pèsent sur la survie du Diable de la mer Méditerranée.

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