Leur soutien à Gaza a propulsé leur popularité mais a parfois fait d’eux des parias : dans un entretien à l’AFP, le groupe de rap nord-irlandais Kneecap se félicite que la défense des Palestiniens ait « grandi » et juge « ridicule » l’enquête antiterroriste qui vise l’un de ses membres.

La renommée du trio, rencontré à Paris avant un concert, a explosé pendant l’été à mesure qu’enflait la controverse sur certaines de leurs prises de position, entre attention médiatique et annulations de concerts.

« Les gens disent que nous avons profité de ça et c’est évident qu’il y a plus de personnes qui viennent aux concerts, ce qui conduit évidemment à augmenter nos recettes », estime Mo Chara, 27 ans, de son vrai nom Liam O’Hanna, un des rappeurs du trio.

« Le fait est que nous n’avons jamais changé. C’est le mouvement qui a changé », ajoute-t-il. « Le soutien à la Palestine a grandi. Nous avons toujours eu un drapeau palestinien sur scène, ou au moins nous en avons parlé depuis nos débuts ».

Pour avoir brandi un drapeau du Hezbollah libanais, organisation interdite au Royaume-Uni, lors d’un concert londonien en novembre 2024, Mo Chara est visé par une enquête antiterroriste et doit de nouveau comparaître fin septembre à Londres. Il lui est également reproché d’avoir crié « Allez le Hamas ! Allez le Hezbollah ! ».

Dans de précédentes interviews, le rappeur a affirmé ignorer qu’il s’agissait d’un drapeau du Hezbollah et a, plus globalement, clamé que ses actes en tant qu’artiste ne devraient pas être pris au pied de la lettre.

– Goût de la provocation –

Au cours de l’été, plusieurs de leurs concerts en Allemagne et en Autriche ont été annulés, ils ont été empêchés d’entrer en Hongrie et ont renoncé à une tournée aux États-Unis. Le Premier ministre britannique Keir Starmer a, lui, demandé en vain aux organisateurs du festival de Glastonbury de renoncer à les faire jouer.

« Ils veulent criminaliser le soutien à la Palestine », dénonce Móglaí Bap, le deuxième rappeur du groupe, qui se félicite que les concerts de Kneecap soient, selon lui, devenus des « espaces sûrs où les gens peuvent exprimer leurs opinions, notamment sur la Palestine ».

Formé à Belfast en 2018, Kneecap a très vite manié l’art de la provocation et l’engagement politique.

Le trio avait d’abord attiré l’attention en rappant en irlandais et en dénonçant la domination de la Grande-Bretagne en Irlande du Nord.

Plus récemment, Kneecap a déclenché une controverse après la révélation d’une vidéo où l’un des membres du groupe criait « Tuez votre député » lors d’un concert. Ils avaient été contraints de s’excuser auprès des familles de députés assassinés en Angleterre.

– « Invisibilisés » –

En avril dernier, leur prestation lors du gigantesque festival américain de Coachella avait fait polémique lorsqu’ils avaient terminé le concert en projetant les mots « Fuck Israel, Free Palestine. »

Selon eux, ces prises de position ont eu le mérite d’encourager les voix critiques sur la guerre à Gaza, où plus de 60.000 personnes sont mortes depuis le début de la guerre, déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

« Il y a quelques années, l’idée de brandir un drapeau palestinien dans certains pays européens pouvait sembler intimidante pour les gens, » estime Mo Chara.

« Peut-être qu’il y a une sorte de stigmate qui s’éloigne dans le fait de parler de ça (la cause palestinienne, ndlr) », poursuit-il. « Il s’agit de millions de personnes, c’est un peuple qui a été ignoré par les médias. Ils sont invisibilisés et on devrait faire comme s’ils n’existent pas ».

Le chanteur croit, lui, que la procédure judiciaire intentée contre lui au Royaume-Uni sera sans lendemain et que le groupe pourra de nouveau se produire partout où il le souhaite, y compris aux États-Unis.

« Une fois l’affaire terminée – et elle sera bien sûr classée, car elle est ridicule, nous reviendrons, bien sûr », estime Mo Chara.

publié le 9 septembre à 18h48, AFP

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