La nouvelle audace de Banksy n’aura pas fait long feu. Un juge anglais en perruque blanche frappant au marteau un manifestant déjà à terre, qui tente de se protéger avec une petite pancarte ensanglantée : c’est ce que représente la dernière œuvre en date du célèbre street artiste britannique, découverte ce lundi 8 septembre au matin sur la façade de la Royal Court of Justice à Londres, avant qu’elle soit presque immédiatement dissimulée au public. Dès 8h30, des bâches noires et des palissades grises gardées par deux agents de sécurité ont en effet été installées afin d’empêcher les passants de la voir et de la photographier, en attendant son occultation définitive.

Panneaux transparents, traitement anti-graffiti… D’ordinaire, les pouvoirs publics britanniques tentent de protéger et conserver les œuvres de Banksy, véritable star mondiale de l’art urbain dont les œuvres (et l’anonymat légendaire préservé depuis les années 1990) attirent les foules ; mais pas cette fois… Lundi en début d’après-midi, Banksy a confirmé être l’auteur du pochoir caché en postant une photographie de ce dernier sur son compte Instagram aux plus de 13 millions de followers, redonnant ainsi une large visibilité à l’œuvre. Plusieurs milliers de commentaires de soutien ont alors rapidement afflué.

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Des centaines de soutiens à un groupe pro-palestinien arrêtés

Selon des passants interviewés par le quotidien britannique The Guardian, l’œuvre ferait référence à la manifestation organisée ce samedi 6 septembre à Londres en soutien au groupe pro-palestinien Palestine Action, au cours de laquelle près de 900 personnes ont été arrêtées. Au total, plus de 1 600 personnes ont été interpellées depuis juillet, et 138 inculpées de soutien (ou d’incitation au soutien) à ce groupe qui a été classé comme « organisation terroriste » par le gouvernement britannique après des dégradations commises sur une base de l’armée de l’air.

La dernière œuvre de Banksy apparue sur un mur de la Royal Courts of Justice, représentant un juge frappant un manifestant avec un marteau

La dernière œuvre de Banksy apparue sur un mur de la Royal Courts of Justice, représentant un juge frappant un manifestant avec un marteau, 09 septembre 2025

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© Vuk Valcic / SOPA / SIPA

Le groupe d’activistes britannique Defend Our Juries (DOJ) – qui défend les droits des activistes et a organisé certains des rassemblements visés – a lui aussi estimé lundi que la nouvelle œuvre de Banksy dépeignait « la brutalité de l’État contre les manifestants s’opposant à l’interdiction de Palestine Action ». « Lorsque la loi est utilisée comme un outil pour étouffer les libertés civiles, elle n’étouffe pas la dissidence, elle la renforce. Comme le montre l’œuvre de Banksy, l’État peut tenter de nous priver de nos libertés civiles, mais […] notre détermination à lutter contre l’injustice est inébranlable », a déclaré un porte-parole de DOJ.

Les autorités démentent une censure

Si Banksy a effectivement pris plusieurs fois position pour défendre les Palestiniens au cours de sa carrière, cette nouvelle œuvre reste, comme souvent, ouverte aux interprétations. En effet, le pochoir ne comprend aucun élément renvoyant à la Palestine : la pancarte tenue par le manifestant est d’ailleurs vierge de tout message, ce qui pourrait laisser entendre que l’œuvre se veut plus largement un plaidoyer pour la liberté d’expression dans son ensemble, une défense de toutes les voix opprimées.

Selon les autorités, il ne s’agirait pas de censure. Un porte-parole du HM Courts and Tribunals Service a ainsi assuré au Guardian que si l’œuvre de Banksy avait été cachée, c’est uniquement parce que le bâtiment en question, appelé Queen’s Building, est classé « grade II » sur la liste du patrimoine national anglais, ce qui oblige à « conserver » son apparence d’origine. Construite en 1968, cette annexe en béton a été recouverte de pierre de Portland (typique des grands édifices publics londoniens) pour s’harmoniser avec le bâtiment gothique adjacent, qui date quant à lui du XIXe siècle et est classé « grade I ».

Un chien est assis à côté du personnel de sécurité debout devant les clôtures recouvrant la dernière œuvre de Banksy sur le mur de la Royal Courts of Justice de Londres

Un chien est assis à côté du personnel de sécurité debout devant les clôtures recouvrant la dernière œuvre de Banksy sur le mur de la Royal Courts of Justice de Londres, 08 septembre 2025

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© Vuk Valcic / ZUMA / SIPA

La question de la liberté d’expression est cependant de plus en plus brûlante au Royaume-Uni, où plusieurs affaires ont fait les gros titres ces derniers mois. En mai dernier, un rapport de l’organisation britannique FITA (Freedom in the Arts) intitulé « Afraid to Speak Freely » montrait que seulement 16 % des professionnels de l’art s’y sentaient libres d’exprimer leurs opinions sur des sujets controversés (genre, racisme, colonialisme…), révélant une pratique croissante de l’autocensure par peur de représailles.

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