“Frankfurter Allgemeine Zeitung”, 9 septembre 2025 FAZ
Une image sombre de Dark Vador s’affiche à la une de la Frankfurter Allgemeine Zeitung. “Les végétariens sont-ils du côté obscur de la force ?” se demande le journal conservateur, ce mardi 9 septembre.
Au festival folklorique bavarois de Gillamoos, cette question a été posée, en substance, par Markus Söder le 8 septembre. “Stop à la dictature du tofu !” a déclaré le ministre-président conservateur de Bavière, qui s’est engagé, “sinon par les actes – il aurait pu arborer une veste traditionnelle en tranches de rôti de porc cousues par des boyaux, façon Lady Gaga et sa robe de viande –, du moins par les paroles” en faveur d’une alimentation carnée.
Qualifié de “mangeur de saucisses fétichiste” par l’ancien ministre écologiste Robert Habeck, le chef de l’Union chrétienne-sociale (CSU) a fait de la défense de l’alimentation carnée son cheval de bataille. “Le tofu, c’est affreux, ça n’a absolument aucun goût”, a déclaré Markus Söder dans une interview sur ses habitudes culinaires accordée au journal de gauche Die Zeit.
Sur Instagram, il poste régulièrement des photos de lui en train de manger des plats bavarois, accompagnées du hashtag #söderisst (#södermange, en français) – au point que les collaborateurs du chancelier Friedrich Merz ont répliqué avec leur propre hashtag, #kanzlerisstmehr (#lechanceliermangedavantage).
Le ténor de la droite allemande a publié un livre de cuisine, intitulé “#söderisst. 25 recettes tirées des meilleures publications Instagram du ministre-président Markus Söder”, avec l’aide d’un chef étoilé, lit-on dans un second article de la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Fin août, il a aussi lancé sa propre marque de kebabs.
“L’appellation ‘Söder Kebab’ a officiellement été déposée auprès de l’Office allemand des brevets et des marques. Idem pour le logo, un dessin rouge sur fond blanc typique de ce genre d’enseignes, qui représente le Bavarois en maître kebabier derrière une broche à viande.” Et ce n’est pas un hasard : “Le kébab est devenu l’incarnation du consensus national, il fait l’unanimité en ville comme à la campagne, dans l’Est comme dans l’Ouest.”
“Charivari calorique”
Pour Übermedien, l’obsession de Markus Söder pour la nourriture fait partie d’une stratégie politique bien pensée. Lorsque les Verts étaient au gouvernement, le Bavarois ne cessait de les attaquer pour leur politique, qu’il jugeait restrictive à outrance. Mais ces critiques ne fonctionnent plus aussi bien maintenant que la droite est au pouvoir, et “Markus Söder a visiblement besoin d’un nouveau bouc émissaire”.
Le chef de la CSU a ainsi affirmé faussement à plusieurs reprises que les sociaux-démocrates ne servaient que de la cuisine végétarienne à leurs événements. “Söder met une nouvelle fois l’accent sur le sujet de la viande, ou plutôt sur ceux qui refusent d’en consommer”, analyse le site spécialiste des médias. Ce faisant, il fait un distinguo entre une prétendue élite urbaine, végane et déconnectée du réel, et un peuple allemand carnivore et fier de ses traditions.
Sur le plan politique, cette tactique semble fonctionner. À Gillamoos, ce thème a été repris par le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, le conservateur Alois Rainer. Surnommé le “charcutier noir” par son camarade de parti Markus Söder, il a distribué des saucisses aux festivaliers. Il a par ailleurs assuré qu’une alimentation équilibrée ne pouvait se passer de viande et de poisson, rapporte Der Spiegel.
Mais ce “charivari calorique” n’a pas éclipsé une bourde organisationnelle : quand Markus Söder est arrivé, la musique de Star Wars s’est mise à résonner. “Or la Marche impériale est celle de Dark Vador, le grand méchant de la saga.” Ce qui pousse le journal centriste à se poser une question existentielle : “[Doit-on] remplacer Dark Vador par de la saucisse de foie ?”