Issue d’une vieille famille villefranchoise, Michèle Nevert, après une brillante carrière universitaire au Québec, vient de publier un livre qui fait revivre, dans un récit poignant et remarquablement écrit, le souvenir de son frère, décédé à l’âge de neuf ans.

C’est une histoire bouleversante que livre la Villefranchoise Michèle Nevert à travers son ouvrage « L’Envolé » – « entre autobiographie, histoire familiale et fiction » – où elle évoque, pour la première fois, la mort de son frère Jean-Claude, disparu tragiquement en 1960, à l’âge de neuf ans. Un événement qui marque alors la petite fille de sept ans puis l’adulte qu’elle est devenue qui, à travers ce récit, se délivre d’un trop long silence. « À l’époque, ma famille n’a pas trop su comment m’en parler, se souvient-elle. On m’a dit que mon frère avait gagné un concours, qu’il avait été choisi pour rejoindre les anges, et aussi intimé de ne jamais en parler à mes parents. » Un mensonge qui prive soudain l’enfant de tout souvenir, jusqu’à ses douze ans où sa « mémoire recommence à fonctionner sans pour autant ramener de souvenirs des années précédentes ».

« Toute ma vie, je me suis tue »

Et un silence pesant où ce frère aîné, pourtant douloureusement absent, est présent au quotidien par des allusions de leur mère qui ne les explicite jamais. « Une chape de plomb a pesé sur ce drame, et toute ma vie, , raconte-t-elle. Toute ma vie, j’ai respecté l’injonction qui m’avait été faite de me taire ; je n’ai jamais posé de questions »

Et il aura donc fallu attendre le mois d’août 2025, soit 65 ans après le décès de son frère, pour que Michèle Nevert rompe ce silence – « Avec le départ de maman, j’ai réalisé qu’il allait être oublié, c’était insupportable ! » – à travers la publication de « L’Envolé ».

"L’Envolé" (240 pages, 21,50 €) vient de paraître au Rouergue.

« L’Envolé » (240 pages, 21,50 €) vient de paraître au Rouergue.
Reproduction L’Aveyronnais

Un récit qui se déroule à Villefranche-de-Rouergue où l’autrice a vu le jour en 1953 dans une famille bien implantée localement puisque son père, André navet, qui tenait la droguerie de la rue Marcellin-Fabre, fut le premier président du Groupement des commerçants et artisans villefranchois (GCAV). Il fut aussi conseiller municipal de 1977 à 2001. Tout comme le grand-père maternel, herboriste de profession, élu de 1948 à 1953.

La jeune Michèle grandit dans la bastide où elle fréquente les bancs de l’école Nord avant de poursuivre au collège et au lycée (autrefois appelé la Sup) où elle décroche un bac littéraire qui lui ouvre les portes de l’université du Mirail, à Toulouse. Elle y étudie les lettres modernes, l’histoire de l’art et la linguistique et même la psycho-linguistique, s’intéressant au langage chez les personnes souffrant de troubles mentaux. Et c’est vers Québec, province canadienne dont la devise « Je me souviens » renvoie l’Aveyronnaise à sa propre histoire, qu’elle s’envolera, en 1978 – elle a 25 ans – pour intégrer un centre de recherche sur les interactions entre cerveau et langage et sur les perturbations du langage, aux côtés du docteur André Roch Lecours, spécialisé en neuropathologie. « Ce sont les manipulations du langage qui m’intéressent », dit-elle

Dans la maison de ses parents à Villefranche-de-Rouergue

« J’ai pu devenir psychothérapeute auprès de jeunes enfants enfermés dans leur monde certainement parce que ma mémoire était verrouillée ; ça me rendait sensible à leur état, souligne Michèle Nevert. Dans mon cas, on parle d’amnésie dissociative. Les émotions sont enfouies mais restent vives et présentes. »

Thérapeute, professeur et chercheuse, menant une brillante carrière universitaire jusqu’à sa retraite, elle n’est pas pour autant inactive puisqu’elle reste professeur associée.

Et si elle entend rester au Canada avec son mari Jean-Pierre Boudou, ex-pilote d’avion de lignes et d’hélicoptère, également originaire de Villefranche-de-Rouergue, c’est bien dans cette ville qu’elle aime retourner, dans la maison de ses parents qu’elle a conservée, côte du Mas de Bonnet, où tous deux passent plusieurs mois par an. C’est d’ailleurs là que leurs filles Lélia et Alaïs, nées respectivement en 1988 et 1990 ont passé, enfants, toutes leurs vacances d’été.

« C’est la seule façon pour que le lien perdure », assure Michèle Nevert qui est aussi deux fois grand-mère et qui a gardé des amis d’enfance en Aveyron. « Quand on rentre au Québec, on ramène toujours de bons produits locaux. Quarante ans d’import-export dans nos valises », sourit-elle.

Le lancement du livre, organisé par librairie La Folle Avoine, aura lieu le jeudi 11 septembre, à 18 heures, à l’Hôtel Les Fleurines à Villefranche-de-Rouergue.
Une rencontre avec les lecteurs est également prévue jeudi 17 septembre, de 18h30 à 19h30, à la Maison du Livre, à Rodez.

Amie proche de Raymond Devos

Rencontré dans sa loge à l’issue du spectacle qu’il donnait à Montréal, l’humoriste Raymond Devos deviendra un ami très proche de Michèle Nevert. Trente-cinq ans d’amitié, se souvient l’Aveyronnaise qui lui a consacré l’ouvrage « Devos, à double titre », paru en 1994 aux Presses universitaires de France. Réunis par leur amour des mots, tous deux entretiendront un lien fort.

« Il disait que j’étais celle qui comprenait le mieux son univers. C’était quelqu’un d’important dans ma vie. Qu’est-ce qu’on a pu discuter et rire ! »