Par
Cédric Nithard
Publié le
19 avr. 2025 à 19h31
Avec l’exposition « La folle journée de Mr. A. », la galerie Nicolas Xavier à Montpellier crée une nouvelle fois l’événement en présentant le travail à quatre mains réalisé par deux figures majeures de la scène artistique urbaine que sont André et Mode2. « C’est un bout d’histoire », souligne le galeriste montpelliérain. À voir absolument jusqu’au 16 mai.
Une collaboration inédite
C’est avec satisfaction et fierté, qu’il ne cache pas et il a bien raison, que Nicolas-Xavier Callu présente l’exposition « La Folle journée de Mr. A » à Montpellier. Et non à Paris. Comme pour prouver que tout ne se passe pas dans la capitale et d’autant plus un événement de cette envergure dans le monde de l’art. Car André et Mode2 sont loin d’être des inconnus. Le premier est depuis le début des années 90 une figure du graffiti parisien avec, outre une accointance pour les boîtes aux lettres, un blaze apposé des milliers de fois sur différents supports urbains tout comme son personnage de Mr. A., véritable idée de génie graphique pour l’époque et protagoniste principal de l’exposition. « Au début, il faisait des smileys et ce personnage est arrivé progressivement en ajoutant les jambes, les bras puis les chaussures et le chapeau haut-de-forme. À Paris, on l’appelait le dandy. Mais c’est un personnage tellement simple et identifiable, graphiquement, il avait tout compris. Et il a la particularité d’attirer les gens donc il a créé tout un univers », décrit Nicolas-Xavier Callu pour expliquer le succès mondial du Franco-Suédois.
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Et si l’artiste-entrepreneur, de son vrai nom André Saraiva, multiplie les collaborations avec de nombreuses marques (Adidas, Eastpack, Longchamp, 1664, Glenfiddich, Casetify…), la dernière avec un autre artiste remonte à 2018 pour la galerie Danysz à Paris où les Pointman de Futura côtoyèrent Mr. A.. Cette fois c’est au tour de Mode2 d’offrir un terrain de jeu au personnage filiforme. Après avoir débuté au milieu des années 80 à Londres, le natif de l’Île Maurice est devenu une figure incontournable de la scène contemporaine par son style puissamment dynamique et un habitué de Montpellier où il a oeuvré à de nombreuses reprises déjà (mur en face de l’arrêt de tram Place Carnot ou façade du gymnase Roger Couderc). « Les deux se regardent avec un profond respect et beaucoup de fascination. Pour eux, qui s’adorent, c’était évident de travailler ensemble », observe d’un regard admiratif Nicolas-Xavier Callu.
Un projet à distance
Le projet remonte à octobre 2018 durant lequel, au coin d’une table de l’Hôtel Grand Amour à Paris, Mode2 présente André, propriétaire des lieux qu’il connaît depuis la fin des années 80, à Nicolas-Xavier Callu qui nourrit alors l’envie d’une exposition solo de l’artiste dans sa galerie. Le Montpelliérain devra attendre février 2024 avant d’avoir son accord pour le printemps suivant jusqu’à ce que les discussions avec Mode2 fasse évoluer le projet. « On s’est dit que les gens connaissaient le nom André et ses bonhommes mais de manière assez éparpillé à travers les presses people, mode, décoration, art… Il y a rarement eu une compréhension entière, je suis donc parti sur l’idée de faire quelque chose sur lui à travers son personnage. Ce sont donc plein d’aspects de sa vie condensé en une journée de Mr. A. » détaille ce dernier.
Mode2, insatiable perfectionniste. (©CN / Métropolitain)Vidéos : en ce moment sur Actu
Dès lors, les deux artistes, en lien avec le galeriste, ont chacun travaillé à distance, activant une boucle WhatsApp pour compenser la distance. Les études ont ainsi duré plus d’un an avant que toute la réalisation se déroule à Montpellier en une semaine. Après un travail minutieux de repérages et de prises de vue laissant peu de place à l’imagination dans les mises en scène s’inspirant de décors et détails réels, Mode2 a préparé dans la galerie tous les fonds quand André est venu apposer au vernis à ongle son personnage au prix de journées à ne pas regarder la montre. « On s’est vus de temps en temps à Paris mais la distance n’aide pas. Cela a été fait à une vitesse accélérée mais ils ont tellement de talent et d’expérience » s’émerveille Nicolas-Xavier soulagé de voir le projet enfin prendre forme sur les cimaises de la place des musées.
Des détails et des références
Dessin préparatoire réalisé par Mode2 du tableau Le Musée. (©CN / Métropolitain)
Du matin jusqu’au soir, Mr. A. apparait tour à tour aimable et généreux, convivial et civique, séducteur et aguicheur, fêtard et graffeur… Avec foule clins d’oeil comme dans « Le Musée » où figurent des oeuvres de Dondi, Futura, Barry McGee, Banksy et Bando. « Ce sont des références, des artistes que l’on connait ou non et que l’on respecte » décrit Mode2. Ou encore la représentation de ce repas qui s’est réellement déroulé à l’Hôtel Grand Amour en compagnie d’André, Futura 2000 et sa femme, Hugo Vitrani, curateur au palais de Tokyo, et la photographe Maripol.
Le Festin, un repas qui s’est réellement déroulé que Mode2 a voulu immortaliser. (©CN / Métropolitain)
S’il était parti sur une autre idée pour signifier l’aspect entrepreneurial de son ami, l’artiste Mauricien veut finalement conserver cet instant. « J’ai demandé l’accord à tout le monde pour célébrer notre festin à nous » explique-t-il en ne laissant rien au hasard reproduisant de nombreux détails à partir de photos de la soirée à l’instar d’une pince à cheveux, d’un beurrier ou d’un sac à main. Un exigence de réalisme appliqué à tous les lieux où se déroulent les scènes pour lesquels Mode2 est allé sur place à chaque fois à l’instar de la boulangerie ou du bar pour y trouver différents éléments palliant son imagination. Reste que l’artiste est un perfectionniste au point de ne jamais s’arrêter de peaufiner ses oeuvres.
Quand André, Mode2 et Jace font le mur…
Habitué de la Galerie At Down, le graffeur réunionnais Jace était de passage à Montpellier pour une nouvelle exposition, « Le grand bluff », mettant en scène son célèbre et sympathique Gouzou avec toujours autant de facétie et de mordant entremêlant un regard à la fois innocent et critique sur la société.
Les vernissages des deux expositions s’étant déroulés à deux jours d’intervalle, Jace n’a pas manqué l’occasion de rencontrer André et Mode2 dont il ne cache pas son admiration. Les trois artistes ont partagé un repas ensemble prolongé dans la nuit par une collaboration tardives et deux traces sur les murs de Montpellier. Comme un retour dans les années 90… les arrestations en moins même si on imagine la scène entre les policiers et ces quinquas graffeurs désormais reconnus à travers le monde.
Si l’exposition de Jace à la Galerie At Down est à ne pas manquer également, l’artiste réunionnais a comme à son habitude peint quelques fresques à Montpellier et surtout à Mauguio. Un bon motif de balade dont vous trouverez des traces sur ses réseaux sociaux.
« Le grand bluff » de Jace. Jusqu’au 12 mai à la Galerie At Down, 20 rue du plan de l’Olivier, Montpellier. Du mardi au samedi de 14h à 19h. www.galerie-atdown.com.
« C’est un bout d’histoire »
Le triptyque sur la période graffeur d’André. (©CN / Métropolitain)
Chaque tableau constitue ou fait ainsi référence à la vie de l’artiste, même si Mode2 reconnait que le côté lourdaud de Mr. A. en boîte de nuit ne correspond pas à André mais renvoie à une photo parue dans un magazine. L’arrestation ponctuant un excellent triptyque et la journée est elle du vécu, de la période où les deux graffeurs n’étaient pas encore exposés en galerie et leur art vu par beaucoup comme du vandalisme. « Cela rappelle des souvenirs », glisse malicieusement Nicolas-Xavier Callu qui, sous l’alias Sade, fut un des précurseurs de la scène locale qu’il mit en avant en 2019 dans les quais du Verdanson à l’occasion de l’événement « 30 ans de graffiti à Montpellier ». Outre les toiles originales illustrant cette folle journée et les croquis préparatoires réalisés par Mode2, l’exposition est complétée par trois portes et une boîte aux lettres, références aux premiers temps de graffeurs d’André.
Pour ajouter un peu plus à l’événement, André a fait part son envie de réaliser un livre, en cours de préparation, autour de cette collaboration avec Mode2. « Qu’il veuille laisser une trace cela en dit long sur l’importance pour lui d’un tel projet. J’en avais conscience mais venant d’eux ! Il faut rester les pieds sur terre mais c’est extraordinaire ce qu’il se passe et c’est chouette de le partager avec le public montpelliérain » souligne le galeriste. Et s’il fallait un dernier argument, ce dernier assomme les débats : « C’est un bout d’histoire ! ». À découvrir donc jusqu’au 16 mai.
« La folle journée de Mr. A », André x Mode2 une exposition à quatre mains. Jusqu’au 16 mai à la Galerie Nicolas Xavier, 2 bis rue Glaize – Place des Musées, Montpellier. Horaires d’ouverture : du mardi au vendredi de 10h à 12h30 et de 14h à 18h, le samedi de 14h à 19h. Entrée libre.
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