Jusqu’au 26 septembre 2025, Tchikebe présente dans son atelier de la rue Duverger à Marseille « Coup de pression », une exposition d’estampes et de multiples issus des éditions Michael Woolworth (Paris), Bruno Robbe (Frameries, Belgique), Sylvain Courbois (Lille) et Tchikebe (Marseille).
Comme le rappelle Pascal Neveux, directeur du FRAC Picardie, dans un texte accompagnant l’exposition, le titre fait directement référence « aux procédés mécaniques qui permettent de donner vie à des œuvres : la pression de la racle contre l’écran de sérigraphie, la pression exercée par la presse de lithographie contre la pierre, par celle du graveur entre sa plaque et la feuille de papier »…
Pour l’occasion, Olivier et Julien Ludwig-Legardez ont pavoisé la rue Duverger avec des drapeaux édités par Bruno Robbe. L’affiche de l’exposition reprend une lithographie de David Shrigley (Untitled, 2012) imprimée chez Michael Woolworth, dont l’ironie s’imposait sans doute dans le contexte marseillais.
Pascal Neveux souligne aussi que ces quatre maîtres imprimeurs partagent « une passion commune qui les entraîne sur des chemins inconnus, à l’écoute des artistes, soucieux de leur proposer des réponses techniques et un compagnonnage de haut vol pour réaliser leurs désirs parfois leurs rêves. Cette dimension d’écoute et d’hospitalité, elle est fondamentale et suffisamment rare pour la souligner et démontrer s’il le fallait qu’au-delà des démarches artistiques, c’est bien un art de la rencontre qui est en jeu, d’artiste à artisan, d’artisan à artiste, passionnés et passeurs à la fois »…
« Coup de pression » à l’Atelier Tchikebe, Marseille
La visite s’impose : l’accueil à Tchikebe est toujours attentif et chaleureux, et « Coup de pression » recèle de nombreuses découvertes. Parmi les plus marquantes, The Parallel (2021), fascinante sculpture de Raphaël Zarka et Christian Hidaka éditée par Sylvain Courbois en 25 exemplaires. On lira avec intérêt le texte de Nina Léger (La géométrie et son ombre : Christian Hidaka, Raphaël Zarka et Joshua Kirby) sur le site des Éditions Sylvain Courtois.
Raphaël Zarka & Christian Hidaka – The Parallel, 2021. Sculpture, chêne peint, bronze, eau forte et aquatinte. 46 x 36 x 19 cm. Édition de 25 + 4 E.A. – « Coup de pression » à l’Atelier Tchikebe, Marseille
L’éditeur lillois accompagne cette « installation miniature » avec deux très beaux multiples de Raphaël Zarka, The Monument (2021) et Espace Gnomonique 2 (2024) qui fait face à une sérigraphie édité par l’Atelier Tchikebe (Sculpture Gnomonique (Lavaur Bodegon 1), 2019).
Raphaël Zarka – The Monument, 2021. Chêne peint, plâtre, bronze. 7 x 7 x 15 cm. Édition de 50 + 10 E.A. – « Coup de pression » à l’Atelier Tchikebe, Marseille
Raphaël Zarka – Espace Gnomonique 2, 2024. Grès émaillé, chêne peint. 60,5 x 40,5 x 4 cm. Édition de 8 + 4 E.A. et Sculpture Gnomonique (Lavaur Bodegon 1), 2019. Sérigraphie sur Arches BFK Rives 300 gr. 76 x 56 cm. Édition de 26 + 4 E.A. – « Coup de pression » à l’Atelier Tchikebe, Marseille
Toujours de chez Sylvain Courbois, on peut également voir un étonnant diptyque lithographique de Douglas Eynon (Tabula II (Diptyque), 2020) et La Longue Marche de Julio Le Parc qui se développe en une seule et même estampe sur plus de deux mètres de long…
Douglas Eynon – Tabula II (Diptyque), 2020. Lithographie sur papier vélin de Rives 270gr. 68,5 x 98,5 cm chaque lithographie. Édition de 32 + 2 E.A. – « Coup de pression » à l’Atelier Tchikebe, Marseille
Julio Le Parc – La Longue Marche, 1974-2024. Impression pigmentaire sur papier Hahnemühle 310 gr. 240 x 30 cm. Édition de 50 – « Coup de pression » à l’Atelier Tchikebe, Marseille
À l’entrée de l’atelier, trois gravures sur bois et lithographies de Djamel Tatah (Wood0 912, 913, 914), éditées par Michael Woolworth, attirent le regard.
Djamel Tatаh – Wood0 912, 913, 914. Gravure sur bois et lithographie. 40×40 cm. Édition de 22 – « Coup de pression » à l’Atelier Tchikebe, Marseille
Au pied de l’escalier, un ensemble de treize impressions monochromes mêle sérigraphies, lithographies et photo-lithographies des quartes éditeurs.
Cet ensemble réunit Abdelkader Benchamma, Peter Downsborough, Berdaguer & Péjus, Tursic & Mille, Ann Veronica Janssens, Armelle de Sainte-Marie, Marc Desgranchamps, Tania Mouraud, Vincent Mauger, Adel Abdessemed, Laure Prouvost, Bertrand Belin et David Shrigley.
« Coup de pression » à l’Atelier Tchikebe, Marseille
Un peu plus loin, quatre lithographies de Raphaël Decoster issues de la série Ce qu’on entend depuis la montagne (2020), éditées par Bruno Robbe, composent un étrange paysage aux accents marins.
Raphaël Decoster – Ce qu’on entend depuis la montagne , 2020. Lithographie sur papier Arches 270 g. 66 x 96 cm. Édition de 22 – « Coup de pression » à l’Atelier Tchikebe, Marseille
Dans une vitrine, le même éditeur présente six magnifiques photolithographies de Michel François (Sans titre (porte-folio), 2018), réunies dans un élégant coffret.
Michel François – Sans titre (porte-folio) , 2018. photo-lithographie 2 passages noirs sur vélin de Rives 270 g. 71 x 49 cm. Édition de 35 – « Coup de pression » à l’Atelier Tchikebe, Marseille
À l’autre bout de l’atelier, une boîte rassemble Tink Tank (2006) de Didier Mahieu, ensemble de 56 lithographies sur plâtre.
Didier Mahieu – Tink Tank , 2006. 56 lithographies sur plâtre. 21 x 29 x 3 cm. Édition de 35. – « Coup de pression » à l’Atelier Tchikebe, Marseille
On y croise aussi Paysage avec soucoupe (2021) de Mirka Lugosi et Hétérotopie (Buchholtz) (2022) de Lamarche Ovize, estampes sorties des presses de Michael Woolworth.
Mirka Lugosi – Paysage avec soucoupe, 2021. Lithographie sur vélin de Rives 250 g. 50 × 65 cm. Édition de 40 et Lamarche Ovize – Hétérotopie (Buchholtz), 2022. Lithographie et bois gravé sur vélin de Rives 270g. 90×63 cm. Édition de 40 – « Coup de pression » à l’Atelier Tchikebe, Marseille
Avec cette exposition, l’Atelier Tchikebe prolonge sa présence remarquée à Art-o-rama 2025, où Olivier et Julien Ludwig-Legardez avaient présenté un ensemble remarquable de sérigraphies de Nathalie Du Pasquier, Édouard Prunlhiière, Nina Childress, Jacques Villeglé, Claude Viallat, Noël Dolla, Tursic & Mille et Laure Prouvost.
Tchikebe à Art-o-rama 2025
Avec « Coup de pression », Tchikebe rappelle l’importance des lieux indépendants où se poursuit une véritable aventure collective autour de l’estampe. L’exposition met en lumière la vitalité de ces éditeurs, compagnons de création et « passeurs de rêves » comme l’écrit Pascal Neveux. Une manière pour Tchikebe d’affirmer encore une fois sa place singulière dans le paysage artistique marseillais.
À lire, ci-dessous, Un art de la rencontre, le texte de Pascal Neveux qui accompagne cette exposition.
En savoir plus :
Sur le site de l’Atelier Tchikebe
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Sur les sites des éditions Michael Woolworth, Bruno Robbe et Sylvain Courbois
Un art de la rencontre par Pascal Neveux
L’exposition malicieusement intitulée « Coup de pression » a les vertus d’un manifeste marseillais et la force vivifiante d’un collectif réuni pour l’occasion. Quatre Maisons du Nord au Sud de la France et de la Belgique, de Tournai à Lille, de Paris à Marseille, toutes de différentes échelles, d’origines et d’histoires singulières mais toutes animées par la même passion de l’édition et le même désir d’aller à la rencontre et de faire projet avec des artistes de tout horizon et de générations différentes. Le message est d’une évidence absolue: revendiquer leurs pratiques, leurs métiers, les savoir-faire de leurs artisans, leurs collaborations intimes avec les artistes et leur travail tout en clamant haut et fort et à l’unisson la place du multiple dans le paysage artistique international !
L’Atelier Tchikebe sur un coup de tête amical, parfaitement maîtrisé a souhaité rassembler et exposer pour notre plus grand plaisir les multiples réalisées par Sylvain Courbois, Bruno Robbe, Michael Woolworth et last but not least l’Atelier Tchikebe. Quatre ateliers, un univers masculin qui met à mal notre souci de parité certes, mais qui donne vie à des multiples qui sont autant d’œuvres uniques quand on prend conscience du soin d’orfèvre avec lequel elles sont confectionnées. Une filière d’exception pour des artisans passionnés devenus au fil du temps les compagnons de route fidèles et attentionnés de nombreux artistes. L’estampe de David Shrigley, choisie comme affiche de cette exposition, raconte elle aussi quelque chose de la société marseillaise et de ses clameurs populaires. Il n’en fallait pas moins pour pavoiser la rue Duverger des drapeaux édités par Bruno Robbe et créer le temps d’un week-end un sentiment de fête et de manifestation joyeuse, qui anime ces quatre Maîtres éditeurs.
Une passion commune qui les entraîne sur des chemins inconnus, à l’écoute des artistes, soucieux de leur proposer des réponses techniques et un compagnonnage de haut vol pour réaliser leurs désirs parfois leurs rêves. Cette dimension d’écoute et d’hospitalité, elle est fondamentale et suffisamment rare pour la souligner et démontrer s’il le fallait qu’au-delà des démarches artistiques, c’est bien un art de la rencontre qui est en jeu, d’artiste à artisan, d’artisan à artiste, passionnés et passeurs à la fois
« De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous » selon la célèbre formule de Baudelaire (le Spleen de Paris). En matière de création, il me semble que ce qu’il y a de plus rare et de plus susceptible de créer cette douce ivresse, c’est avant toute chose la rencontre. La rencontre d’hommes et de femmes passionnés, la rencontre de savoir-faire, d’univers artistiques et esthétiques infinis avec des virtuoses et maîtres d’art excellent dans leurs domaines de compétences. Ce désir commun de fabriquer de l’inconnu, d’expérimenter toujours plus, de partager certaines techniques, certains gestes font de ces Maisons d’art à la fois des conservatoires et des laboratoires de l’édition passée, présente et future. « Coup de pression », c’est aussi et avant tout une référence aux procédés mécaniques qui permettent de donner vie à des œuvres : la pression de la racle contre l’écran de sérigraphie, la pression exercée par la presse de lithographie contre la pierre, par celle du graveur entre sa plaque et la feuille de papier…. De techniques et de technicités il en est effectivement question et dans ces lieux uniques s’inventent et se réinventent chaque jour des procédés s’offrant à toutes formes d’hybridation et de métissage, une véritable alchimie contemporaine avec ses recettes, ses mystères et ses secrets d’atelier.
De ces rencontres naissent des collaborations fructueuses, vivifiantes qui feront jaillir de belles intuitions, de nouveaux imaginaires pour notre plus grand plaisir. L’excellence à portée de mains et qui à des prix maîtrisés vous donnent accès à plus qu’un multiple, au plaisir de posséder et de vivre en présence d’une œuvre qui a suscité du collectif, de l’intelligence de la main, des échanges nombreux, des débats, du plaisir, des essais, de fausses bonnes idées puis enfin le Graal, le plaisir partagé d’une œuvre qui trouvera toutes sortes de destination, de diffusion mais qui témoigne silencieusement de mois de travail et de recherche dans l’intimité des ateliers de ces Maisons d’art. Ils ont tous en commun deux métiers comme certains ont deux amours, éditeur et passeur. Aujourd’hui dans la nuit du monde existent encore quelques rares endroits dans les ruelles de nos villes ou encore au fond d’un passage, qui abritent ces passeurs de rêves que sont ces éditeurs passionnés. Ne boudons pas notre plaisir et restons curieux et attentifs à cet univers de l’édition qui recèle de trésors à partager et nous offre un panorama de la scène contemporaine exceptionnel.
Pascal Neveux. Directeur FRAC Picardie