L’été fut un long supplice pour quiconque est attaché à l’idée et à la puissance européennes. Peu audible sur l’Ukraine, humiliée dans la guerre commerciale déclarée par Trump, incapable de s’entendre sur des sanctions contre Israël malgré l’indignation suscitée par le désastre humanitaire à Gaza, l’Union européenne a fait pâle figure face aux États-Unis, à la Chine, à la Russie. Trois géants n’ayant que mépris pour la démocratie libérale et l’État de droit.

Notre relégation tient en deux images : le tête-à-tête entre Donald Trump et Vladimir Poutine en Alaska, à propos de la guerre en Ukraine, qui concerne au premier chef la sécurité des Européens mais nous n’étions pas invités, et la photo d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, avec le président américain, qu’elle a rejoint piteusement sur un terrain de golf en Ecosse, pour annoncer dans un sourire crispé « l’accord » sur les tarifs douaniers.

Soucieuse d’éviter à tout prix « une escalade inutile », la cheffe de la Commission est devenue l’incarnation d’une forme de faiblesse. Procès sans doute un peu facile, tant sa mission est acrobatique. Elle doit jongler entre 27 États, une machine institutionnelle lente, une dépendance militaire forte à l’égard des États-Unis….

S’il ne relève à ce stade que du verbe, ce discours marque un sursaut, l’expression d’une volonté

Après des mois d’extrême prudence, voire de résignation, Ursula von der Leyen a surpris en livrant, ce mercredi, au Parlement européen, un discours offensif. Elle a multiplié les propositions. Financement d’un « prêt de la réparation » à Kiev grâce aux intérêts des avoirs russes gelés, suppression du « carcan de l’unanimité » en matière de politique étrangère, pour passer à la majorité qualifiée, et agir par exemple sans craindre le veto de la Hongrie, « suspension partielle de l’accord UE-Israël sur le commerce »… Qu’en restera-t-il ? Ursula von der Leyen manque d’armes politiques. Elle a reconnu qu’il lui serait difficile de « recueillir des majorités » sur plusieurs sujets. La question de l’unanimité dit la complexité de l’équation. Pour la supprimer, il faut… l’unanimité.

Mais s’il ne relève à ce stade que du verbe, ce discours marque un sursaut, l’expression d’une volonté. Il succède de quelques jours à une décision de la commission européenne, elle très concrète : l’amende de 3 milliards d’euros infligée à Google, pour abus de position dominante, au mépris des menaces de Donald Trump. Face aux intimidations et à l’habituelle brutalité du président américain, l’Europe a tenu. Le Vieux continent commence à se réveiller. Il était temps.