Le week-end dernier, nous apprenions officiellement une
nouvelle très importante pour les sports mécaniques français :
Tech3, l’une des plus vieilles écuries du championnat MotoGP, s’est
fait racheter par Guenther Steiner et un groupe d’investisseurs.
J’ai lu, depuis, beaucoup de commentaires trahissant l’inquiétude
générale concernant cette reprise, alors, je me disais qu’il
fallait en faire un article. Est-ce une bonne ou une mauvaise
nouvelle ?

 

Un changement naturel pour Tech3

 

Pour bien comprendre la situation, il est essentiel d’étudier
les acteurs de cette manœuvre, et, plus précisément, leur
communication. L’homme qui nous intéresse ici, Hervé Poncharal,
cofondateur de l’équipe, a donné de nombreuses interviews dans
lesquelles il a répété plusieurs éléments de langage. Je pense que,
pour l’instant, il faut s’y tenir, car je ne vois pas une
légende de la trempe de Poncharal laisser sa création à n’importe
qui
 ; nous reviendrons sur les acheteurs
ultérieurement.

 

Tech3 MotoGP

J’en
profite pour féliciter Enea Bastianini, auteur d’un excellent Grand
Prix de Catalogne. Photo : Tech3

 

Si l’on écoute l’actuel directeur de l’équipe, Tech3 gardera son
nom, ses employés, ses deux places sur la grille, et son siège
historique à Bormes-les-Mimosas. Après tout, on peut comprendre
qu’après toutes ces années, Hervé Poncharal veuille désormais
passer le flambeau, car, comme il l’a très bien rappelé, rien n’est
éternel. On s’attache à des équipes en sports mécaniques, mais
il ne faut pas oublier que la durée de vie moyenne d’une
écurie est très courte ; les cas comme Tech3, LCR ou Gresini
sont des exceptions
. En ce sens, cette vente est
parfaitement légitime, elle n’a rien d’étrange, de brusque, ou
d’anormal.

Rien ne m’a particulièrement alerté dans le langage corporel
d’Hervé Poncharal, très ému, naturellement, au moment de passer le
flambeau. On le sent même enthousiaste à l’idée d’ouvrir une
nouvelle page du grand livre de sa vie. Je voudrais
simplement vous faire comprendre qu’un rachat n’est pas forcément
synonyme de rupture avec le passé.

Nous pouvons féliciter Hervé Poncharal, qui, comme il l’a
souligné, sera aux côtés des nouveaux propriétaires lors de la
saison 2026, et garantit aucun changement majeur jusqu’à l’arrivée
de la nouvelle réglementation. Pour les plus réticents, je vous à
vous pencher sur le cas de Williams Racing en F1, nom mythique s’il
en est, racheté par des Américains il y a quelques années aux mains
de la famille Williams. Et tout se passe pour le mieux
désormais
.

 

Des acheteurs… surprenants

 

Vous l’aurez compris, je suis favorable à cette décision qui me
paraît aller dans le sens de l’histoire. Cependant, je dois
reconnaître que j’émets des réserves concernant l’identité des
nouveaux acheteurs. Vous avez peut-être entendu parler de Guenther
Steiner, un italien du Sud-Tyrol notamment connu pour ses pétages
de câbles dans la série Netflix Drive to Survive… mais en
savez-vous davantage sur lui ? Bien sûr, je ne le connais pas
personnellement, et Hervé Poncharal himself disait qu’il
était de confiance, donc, on doit le croire.

 

 

Mais en tant que fan de sports mécaniques depuis très longtemps,
je me dois de vous partager mon avis concernant Steiner,
futur PDG
. Je ne m’attarderai pas sur Richard Coleman, le
prochain directeur d’équipe et son associé de longue date, qui est
un peu l’homme de l’ombre dans cette affaire.

Pour vous la faire courte, disons qu’historiquement, ça ne se
termine jamais bien avec Steiner. Il a commencé à faire parler de
lui chez Jaguar, puis Red Bull Racing, suite à l’arrivée des
Autrichiens en F1 au début des années 2000. Mais rapidement, après
la saison 2005 et le recrutement de l’ingénieur de génie Adrian
Newey, Dietrich Mateschitz, cofondateur de la marque de boissons
énergisantes, l’a recyclé en NASCAR, aux États-Unis. Étrange, après
si peu de temps. Là bas, les plus passionnés d’entre-vous se
rappellent peut-être des Toyota Camry bariolées aux couleurs de Red
Bull, notamment pilotées par « Ol’ blue eyes »
Kasey Kahne et Brian Vickers.
Tout cela me rend nostalgique, mais revenons-en à nos moutons.

Steiner, team principal de cette écurie 100 % Red Bull, connut
un échec cuisant caractérisé par des résultats très pauvres. Fin
2008, moins de deux ans après ses débuts outre-Atlantique, il
quitta le navire. Doublement étrange, et d’après certaines
sources, l’Italien serait tombé en disgrâce aux yeux de Mateschitz
à ce moment-là.

Au milieu des années 2010, il fut très impliqué dans le retour
d’une écurie américaine en Formule 1 : Haas, par
l’intermédiaire de Gene Haas, l’une des figures du championnat
NASCAR. Quand Haas est arrivé en Formule 1 début 2016, il était le
directeur de l’équipe, une aventure qui a duré jusqu’à la fin de la
saison 2023. Arrêtons-nous un instant sur cette période
charnière de sa vie
.

Steiner, pour son deuxième passage en F1, a gagné une renommée
internationale, mais malheureusement, ce n’était pas grâce aux
résultats de ses troupes. Alors que Romain Grosjean et Kevin
Magnussen pataugeaient année après année, l’Italien est devenu un
meme sur les réseaux sociaux, à force de s’énerver sur ses
hommes, en claquant des portes, etc. Je crois comprendre que
Steiner est un homme qui, a priori, aime faire parler de
lui, se montrer, se mettre en avant, voire en spectacle. Depuis
2023, il a déjà sorti deux livres, signé des contrats pour être
consultant sur plusieurs chaînes de télévision à la fois, a même
donné des représentations au Royaume-Uni pour la sortie de son
dernier bouquin… de toute évidence, être sur le devant de
la scène ne le dérange pas le moins du monde, bien au
contraire.

 

Tech3 MotoGP

Steiner
a dit qu’il voulait conserver l’identité de l’équipe, ce qui est
une bonne chose.

 

En revanche, si l’on s’en tient à la performance seulement,
c’est beaucoup moins glorieux. Sous sa direction, l’équipe Haas n’a
fait que stagner pendant de trop nombreuses années. Fin 2023, les
deux parties se sont séparées dans la douleur, puisque Steiner et
Haas Automation se menaçaient un temps de procès. Encore une fois,
ça se termine en eau de boudin, et, encore une fois,
l’écurie semble retrouver une petite dynamique depuis qu’il n’y est
plus
, entre signature de pilotes prometteurs et
partenariat avec Toyota Gazoo Racing. Gene Haas lui-même était
monté au créneau en disant qu’il en avait marre de voir son écurie
humiliée à chaque Grand Prix.

 

Conclusion

 

Si je ne suis pas tellement surpris par la vente de Tech3 à ce
moment de la carrière – et de la vie – d’Hervé Poncharal, je dois
dire que j’émets des réserves quant aux repreneurs. Steiner, malgré
20 ans de présence au plus haut niveau, ne s’est jamais
vraiment démarqué par ses résultats ou ses recettes
gagnantes
. J’espère simplement qu’il pourra être à la
hauteur du challenge, car Tech3, d’après moi, est une véritable
institution ; à jamais l’équipe outsider en MotoGP, qui arrivait à recruter des pilotes aussi
géniaux et durs au mal les uns que les autres.

Certes, ça ne devrait pas réellement bouger en 2026, et
peut-être aussi en 2027, mais qu’imaginer pour la suite ?
Steiner et Coleman arriveront-ils, cette fois, à imposer une vraie
dynamique victorieuse dans un grand championnat, ce qui n’est
malheureusement jamais arrivé jusqu’à maintenant ?
Est-il celui qui peut ramener Tech3 vers le
sommet
, c’est à dire, redevenir cette équipe qui titillait
les officiels avec Olivier Jacque, Cal Crutchlow, Johann Zarco, ou
Miguel Oliveira ? L’histoire nous apprend que l’on est
en droit d’émettre des doutes
, mais croyez bien que je
souhaite le meilleur à Steiner et Coleman, car, moi aussi, j’ai
envie de revoir cette merveilleuse entreprise tout en haut.

Je suis très curieux d’avoir votre avis sur le rachat de Tech3,
la première grosse manœuvre à l’ère Liberty Media.
Dites-le-moi en commentaires !

Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur,
et pas de l’entièreté de la rédaction.

 

Le fonds
d’investissement Apex (dont fait partie, entre autres, Lando
Norris), aurait déboursé environ 20 millions d’euros pour racheter
Tech3. Photo : Michelin Motorsport