Envoyé spécial, Nantes (Loire-Atlantique).
Le jour n’est pas encore levé que des petits groupes afflux place Rosa-Parks, à Nantes. Ce rond-point stratégique était ciblé par les partisans du 10 septembre. Le rendez-vous était donné à 6 heures du matin. Gilet jaune sur les épaules, sans se réclamer de ce mouvement, Anna fait partie des 300 personnes qui tentent d’occuper l’axe de circulation.
« La France crève alors que les riches se gavent. Le départ de Bayrou ne change rien. Il était certain que Macron allait continuer sa politique libérale. Il nous faut désormais bloquer l’économie », assure la jeune enseignante. Alors que la nasse policière se forme, la militante, habituée des cortèges autonome nantais, glisse à ses amis : « Pour l’instant, c’est une démonstration de force de l’État. »
Convergence des initiatives autonomes et syndicales
Dans la capitale de Loire-Atlantique, les dernières assemblées générales en amont du 10 septembre avaient rassemblé plus de 400 personnes. En réponse, le dispositif policier est conséquent avec, sur Rosa-Parks, pas moins d’une vingtaine de camions de CRS.
Sans le rapport de force pour bloquer, les manifestants décident de jouer au jeu du chat et de la souris avec les policiers dans les rues adjacentes. Ailleurs dans la ville, les moyens employés par la préfecture sont similaires. « Ça ne prend pas non plus à l’esplanade du Cardo », peut-on lire sur une des discussions sur la messagerie cryptée Signal du noyau dur nantais.
Peu avant 7 heures, le groupe tente de rejoindre l’incinérateur Valo’Loire, à une quarantaine de minutes à pied, bloqué par la CGT.
Parmi les militants chevronnés, autonomes, black blocs ou syndicalistes, de rares primo-manifestants en dehors des cadres syndicaux sont tout de même présents. Comme, Christelle, enseignante : « Je n’étais pas venue lors des gilets jaunes, mais cette fois, Macron est allé trop loin avec ses projets austéritaires et son non-respect des urnes. Nous devons faire peur au pouvoir. La nomination de Lecornu est une nouvelle provocation. »
Derrière ses lunettes rondes, la mère de famille n’en démord pas : « Je n’ai pas les moyens d’enseigner convenablement à mes élèves. Mon mari, infirmier, non plus. »
« Le gros de l’effort de grève débutera le 18 septembre »
Trois heures plus tard, une petite centaine de manifestants parmi les plus déterminés parvient à rejoindre le piquet de grève, depuis le périphérique, encadrés par les CRS. Sur place, une trentaine d’agents tiennent un rassemblement devant l’incinérateur, alors que 95 % du personnel est en grève.
« Aucun camion ne va sortir aujourd’hui. Nous sommes en soutien au 10, mais nous revendiquons aussi pour nos conditions de travail. C’est un coup d’essai, en attendant la journée de l’intersyndicale du 18 septembre, insiste Patrick, technicien de maintenance et délégué syndical CGT de Valo’Loire. L’État et la préfecture ont mis les moyens pour empêcher les blocages. Mais ici, on tient ! Bayrou, Lecornu ou un autre, il faudra un mouvement social pour répondre à nos besoins. »
En parallèle, dès 4 heures du matin, une importante mobilisation de la CGT a permis de tenir un gros barrage filtrant aux abords de l’aéroport.
Le syndicat avait donné rendez-vous à 11 heures, place du Commerce, pour faire converger les différentes initiatives. Sur les coups de midi, plus de 1 500 personnes, principalement des jeunes, se regroupent. Des grévistes, aussi, cheminots, enseignants, personnels de la santé et de la culture mobilisés avec leurs syndicats.
« Le gros de l’effort de grève débutera le 18 septembre », assure Aurélien, technicien de maintenance à la SNCF. Dans son atelier, 25 % des effectifs ont tout de même cessé le travail. « En plus de l’austérité, nous devons combattre les conséquences de l’ouverture à la concurrence qui nivelle par le bas nos conditions de travail », poursuit le cheminot de 28 ans.
Plus loin sur l’artère, Catherine, femme au foyer et gilet jaune de la première heure, se prend à espérer : « Pourquoi ne pas occuper une place, y dormir avec des tentes et installer des barbecues dès ce soir ? »
Alors que la pluie commence à s’abattre, un groupe de 200 manifestants, emmené par les black blocs, tente de rentrer dans le centre-ville de Nantes, sans violence. Ni une ni deux, les CRS dispersent la foule avec des gaz lacrymogènes, puis évacuent l’ensemble de la place. Si ce rassemblement du 10 septembre se termine ainsi, l’automne social ne fait que commencer.
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