Deux jeunes Françaises interpellées fin février lors d’une escale à Istanbul avec deux valises contenant 30 kg de cannabis ont comparu jeudi devant la justice turque, livrant deux récits diamétralement opposés, rapporte l’Agence France-Presse (AFP).

Face aux juges du tribunal de Çaglayan, à Istanbul, vingt années d’amitié ont volé en éclats quand Mariam D., 23 ans, et Ibtissem B., 22 ans, se sont succédé à la barre pour expliquer comment elles se sont retrouvées à rentrer de vacances en Thaïlande avec deux valises bourrées de cannabis.

« C’est Ibtissem qui m’a passé la valise, c’est elle qui connaissait le garçon qui nous les a données », accuse d’entrée Mariam, cheveux tressés et longue chemise taupe, qui jure n’avoir jamais vu l’homme en question. « Ma valise était cadenassée mais elle m’a dit que dedans il y avait des cosmétiques. C’est mon amie d’enfance, donc je lui ai fait confiance », soutient l’étudiante.

« J’ai fait confiance »

Dans son dos, Ibtissem encaisse sur son banc. « Défends-toi ! », lui intime une de ses tantes, assise trois rangs derrière au côté de sa mère.

Ibtissem se lève, deux longues nattes noires tombant sur chaque épaule : « Je ne sais pas du tout pourquoi elle m’accuse, moi je vais vous dire la vraie histoire », lance la jeune femme, entrée en sanglots dans la salle d’audience trente minutes plus tôt.

Selon son récit, tout part d’une soirée dans une discothèque thaïlandaise où les deux Parisiennes sympathisent avec une connaissance de Taeric O., un ami d’enfance à qui Ibtissem avait confié se rendre en vacances en Thaïlande.

« Avant de partir de la boîte il nous a demandé si on pouvait ramener deux valises pour sa famille en Belgique […], puis Taeric nous a dit aussi que c’était juste des valises pour la famille, alors on a accepté », affirme Ibtissem.

Au matin de leur vol retour pour Bruxelles, elle raconte voir son amie Mariam dans le salon de leur appartement de Bangkok en compagnie de la connaissance de Taeric O., deux valises posées à leur côté.

« J’ai même pas regardé s’il y avait des cadenas, j’ai fait confiance à Taeric, surtout qu’on devait les donner à sa mère que je connais depuis que je suis petite », poursuit Ibtissem.

« Ma fille est innocente »

Mais à leur arrivée à Istanbul, où les deux jeunes femmes doivent transiter quelques heures, la police turque découvre quinze kilos de cannabis dans chacune des valises et les interpelle.

Les avocats turcs des deux Françaises ont réclamé jeudi que des relevés d’empreinte soient effectués à l’intérieur des deux bagages, afin d’aider à démontrer qu’elles ne les ont jamais ouvertes et ignoraient tout de leur contenu.

L’avocate française de la famille d’Ibtissem, Me Carole-Olivia Montenot, affirme elle que Taeric O. aurait tout piloté depuis la maison d’arrêt d’Amiens (nord de la France), où il était détenu au moment des faits, ce que les deux jeunes femmes ignoraient, selon elle.

Aussi, affirme-t-elle, rien de cela n’aurait eu lieu s’il n’avait pu se procurer un téléphone portable en détention.

Au fond de la salle d’audience du tribunal de Çaglayan, la mère d’Ibtissem est inconsolable. « Ma fille est innocente ! », clame-t-elle à la levée de l’audience, avant d’être autorisée à étreindre sa fille aînée un court instant.

« Ibtissem et Mariam se connaissent depuis la maternelle et elles n’ont jamais fait de vagues. C’est un cauchemar », avait-elle confié à l’AFP avant l’ouverture du procès.

Seconde audience et verdict attendus le 23 décembre. Si elles sont reconnues coupables de trafic de drogues, Mariam D. et Ibtissem B., incarcérées à la prison de Silivri, en lisière d’Istanbul, encourent au moins dix ans de prison.