Qu’on le qualifie de festif, de raisonnable, de compulsif ou même de maladif, peu importe. A chaque fois, l’alcool transforme un citoyen raisonnable en délinquant pitoyable dans le box.
Une embrouille à coup de parapluie
Adel a 22 ans, jeune Libyen en France depuis 8 ans, brillant, il a un master en informatique en poche et attaque une deuxième année de licence en mathématiques. Un soir cet été, il a fêté le départ de son ami italien avec une bonne bouteille de champagne au pied de la Tour Eiffel. Et après – Adel ne se souvient plus trop de ce qui s’est passé – il a eu une embrouille avec un autre gars éméché, ça s’est réglé par un coup de parapluie et un coup de pied aux fesses.
– Je reconnais les faits, concède l’étudiant, mais franchement, le coup de parapluie, c’était juste pour l’éloigner.
Le procureur reconnait que sur les vidéos, on ne distingue pas bien qui a provoqué qui.
– Bon, je ne pense pas qu’on vous reverra un jour au tribunal, conclut le magistrat avant de demander, tout de même, une peine dissuasive : 4 mois de prison avec sursis.
Adel sera condamné à 500 € d’amende.
– En tout cas, si vous buvez, restez chez vous, ajoute la présidente.
« Il est devenu incontrôlable »
Mais boire à la maison, c’est pas forcément une solution. La preuve. Patrick est désormais dans le box. Un septuagénaire divorcé qui entretient une relation épisodique, et « toxique » précise-t-il, avec Isabelle. Un soir où ils sont tous les deux alcoolisés, c’est la dispute de trop.
– J’en ai rien à foutre de ta fille, lui balance-t-elle.
Alors Patrick voit rouge. Dans sa plainte, qu’elle a ensuite retirée, Isabelle raconte qu’il est devenu incontrôlable, qu’il l’a attrapé par le coup, la jetée par terre et lui a craché au visage. Dans le box, penaud, Patrick reconnait la dispute mais…
– Je l’ai pas tapée, se défend-il, je l’ai attrapée par les bras pour la bloquer, et je l’ai poussée sur le lit, pas sur le sol. C’est pas des violences, ça.
Comme il n’y a pas eu d’enquête, le tribunal doit s’en tenir à l’une ou l’autre des versions et retiendra celle d’Isabelle : six mois de prison avec sursis pour Patrick assortis d’un stage de sensibilisation aux violences conjugales.
Trois bouteilles de rosé dans le ventre
Enfin, voici Karim, 40 ans, père isolé qui élève seul ses deux filles depuis que leur mère a été hospitalisée en psychiatrie. Cet été, Karim a été ramassé au beau milieu de la chaussée, complètement ivre, ses filles livrées à elles-mêmes. Trois bouteilles de rosé dans le ventre, reconnait-il honteux, il a passé 25 heures en cellule de dégrisement avant de pouvoir répondre aux questions de la police. Karim parle d’une accumulation de problèmes administratifs ce jour-là, et d’une tendance « un petit peu à boire », reconnait-il.
– Un petit peu… beaucoup corrige la présidente.
– Oui mais c’est un fait isolé, j’ai toujours été un père respectable, un père investi, je m’en occupe depuis qu’elles sont bébés.
Karim est condamné à quatre mois de prison sous bracelet électronique et une obligation de soin. Mais le tribunal le prévient qu’un signalement a déjà été transmis au juge des affaires familiales et qu’il risque de perdre la garde de ses enfants.
Karim, Patrick et Adel, trois destins contrariés pour quelques verres de trop.