STRINGER / Anadolu via AFP
Photographie prise durant le Zapad-2021, le dernier effectué avant l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022.
INTERNATIONAL – Démonstration de force. La Russie et le Bélarus, son allié fidèle, ont entamé ce vendredi 12 septembre de grands exercices militaires conjoints qui suscitent une vive inquiétude des pays de l’Otan, quelques jours seulement après l’intrusion sans précédent de drones − présumés russes − sur le territoire polonais.
Ces manœuvres se déroulent aussi dans un contexte particulier en lien avec la guerre en Ukraine, au moment où l’armée russe progresse toujours sur le front et intensifie ses attaques aériennes sur les villes du pays voisin. À l’aube des manœuvres, la Russie a d’ailleurs annoncé avoir abattu dans la nuit 221 drones ukrainiens, soit l’une des attaques les plus massives de l’armée de Kiev depuis le début du conflit.
« Les manœuvres conjointes stratégiques des forces armées russes et bélarusses (…) ont commencé », a annoncé le ministère russe de la Défense dans un communiqué. Les exercices se tiennent de ce vendredi jusqu’à mardi prochain près d’une ville située à l’est de Minsk. Et selon l’armée russe, certaines « actions pratiques » vont aussi avoir lieu sur le territoire russe, ainsi qu’en mer de Barents et en mer Baltique.
Ce grand rassemblement militaire est baptisé Zapad-2025 ou « Ouest-2025 » en français. Une référence au fait qu’elles se déroulent dans l’ouest de l’alliance russo-bélarusse. Une habitude militaire qui prend une tournure particulière cette année. La raison ? Ces exercices sont habituellement organisés tous les quatre ans. L’édition 2025 est donc la première depuis le début du conflit en Ukraine, lancé en février 2022 par Moscou. Celle de 2021 avait, elle, mobilisé environ 200 000 soldats russes, quelques mois avant le lancement de leur assaut.
Confrontation à distance
La Pologne, la Lituanie et la Lettonie, pays membres de l’Otan et voisins du Bélarus, voient d’un très mauvais œil l’organisation de ces exercices si près de leurs frontières. Toutes trois ont renforcé leur sécurité et restreint le trafic aérien dans certaines zones, Varsovie ordonnant en outre la fermeture complète de sa frontière avec le Bélarus pendant les manœuvres.
De son côté, Moscou a demandé jeudi à Varsovie de « reconsidérer la décision prise (la fermeture de la frontière) dans les plus brefs délais », dénonçant des « mesures de confrontation ». Il faut dire que l’intrusion d’une vingtaine de drones dans la nuit de mardi à mercredi dans l’espace aérien polonais, jugée délibérée par Varsovie et ses alliés mais récusée par Moscou, a suscité une vive émotion en Pologne et été qualifiée de provocation par les pays occidentaux. Varsovie a d’ailleurs dû mobiliser ses avions et ceux de ses alliés de l’Otan pour abattre les drones, venus du ciel ukrainien et du Bélarus.
Le Premier ministre polonais, Donald Tusk, a estimé que l’on n’avait jamais été aussi proche d’un « conflit ouvert » depuis la Seconde Guerre mondiale. Quant au président ukrainien Volodymyr Zelensky, il a affirmé que le but des manœuvres russo-bélarusses n’était « certainement pas défensif ». Et elles ne visent « pas seulement l’Ukraine », a-t-il dit. Toutefois, la Russie a balayé les craintes liées aux manœuvres militaires par le biais du porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, qui a assuré qu’il s’agissait d’« exercices planifiés, (qui) ne visent personne ».
« Du temps de la Guerre froide »
Contrairement à 2021, avant la tentative d’envahissement de l’Ukraine, l’ampleur des exercices 2025 devrait être bien plus réduite, des centaines de milliers de soldats russes étant déployés en Ukraine. Le Bélarus avait affirmé en janvier que 13 000 soldats participeraient aux exercices, mais a indiqué en mai que ce nombre serait encore réduit de moitié.
Selon Donald Tusk, les manœuvres viseront quand même à simuler l’occupation du corridor de Suwalki, qui s’étend le long de la frontière entre la Pologne et la Lituanie avec l’enclave russe de Kaliningrad à l’ouest et le Bélarus à l’est. Un corridor stratégique souvent considéré comme un point faible de l’Otan et qui pourrait être la première cible d’une éventuelle attaque russe. Cette crainte est une « absurdité totale », a toutefois balayé le président bélarusse Alexandre Loukachenko.
Le ministre bélarusse de la Défense a récemment affirmé à un média d’État que les exercices Zapad avaient été éloignés des frontières de la Pologne et de l’Ukraine pour « réduire les tensions ». Minsk a néanmoins dit en août que les manœuvres impliqueraient les missiles hypersoniques à capacité nucléaire Orechnik, développés par la Russie et devant être déployés au Bélarus.
L’organisation au même moment d’exercices militaires rivaux par la Russie et des pays membres de l’Otan est appelée à perdurer. « Comme cela était le cas du temps de la Guerre froide », note pour l’AFP Vassili Kachine, analyste au Conseil russe des affaires internationales, lié au Kremlin. La Pologne et ses alliés ont d’ailleurs annoncé la tenue courant septembre de leurs propres exercices.