Une équipe internationale de scientifiques menée par Nicolas Mathevon et Florence Levréro, de l’Université Jean Monnet Saint-Étienne, vient de faire une découverte étonnante en matière de communication animale. Cette recherche a été publiée dans la prestigieuse revue scientifique Current Biology, et implique l’Enes Bioacoustics Research Lab du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (UJM Saint-Étienne, CNRS, Inserm), ainsi que le laboratoire Hubert Curien (Université Jean Monnet, CNRS, IOGS), l’université du Witwatersrand (Afrique du Sud) et l’université de Strasbourg (IPHC, CNRS).

Les souris vocalisent

Traditionnellement, les signaux ultrasoniques des rongeurs sont pensés comme des chuchotements, qui n’ont une portée que de quelques mètres. Or, les souris rayées africaines (Rhabdomys pumilio) ont mis au point une stratégie pour contourner cette limitation. « Nous pensions que ces ultrasons étaient confinés aux interactions proches au sein d’un même groupe familial, explique Léo Perrier, ancien doctorant à l’Université Jean Monnet Saint-Étienne et premier auteur de l’étude. Mais nos observations sur le terrain ont montré que ces souris vocalisaient non seulement dans leurs nids, mais aussi dans des buissons éloignés au cœur de leur territoire et aux frontières avec les groupes voisins ». L’équipe a installé des enregistreurs à travers les territoires de plusieurs groupes de souris. Ils ont mis en lumière une utilisation localisée de différents types d’appels. Ainsi, aux frontières territoriales, là où les rencontres avec des étrangers sont les plus probables, un type d’appel spécifique, le « down call », est le plus utilisé.

Par ailleurs, les scientifiques ont découvert que les ultrasons ont une signature propre à chaque famille de souris. Elles peuvent donc reconnaître les membres de leur famille, leurs voisins, ou les individus totalement étrangers. Ces résultats prouvent que, malgré leur courte portée (les ultrasons émis par les souris ne sont plus audibles au-delà de deux mètres), les ultrasons ont un rôle primordial dans la reconnaissance des groupes et la défense territoriale. « C’est un paradoxe résolu, précise Nicolas Mathevon, professeur à l’Université Jean Monnet Saint-Étienne. Les souris ne peuvent pas envoyer des messages sur de longues distances en une seule fois, mais en vocalisant stratégiquement à des endroits clés de leur territoire, elles étendent la portée fonctionnelle de leurs signaux, créant un réseau de communication à l’échelle du paysage ». L’étude ouvre ainsi de nombreuses perspectives en matière de communication animale.