Pendant près de 7 h, jeudi 11 septembre, le tribunal correctionnel s’est penché sur les quelques secondes qui ont coûté la vie à Laura. Le 7 septembre 2022, la jeune normande de 22 ans est décédée sur la rocade de Rennes.

Ce jour-là, à 1 h 15, elle était assise sur le siège passager de la voiture conduite par son compagnon : Ammar Abed, un trafiquant de drogues de Rouen âgé à l’époque de 26 ans. Ce dernier, déjà condamné à dix reprises, était au volant de la 308 des parents de Laura en direction de Quimper pour effectuer une livraison de cocaïne et récupérer de l’argent du trafic.

Sur la bretelle de la rocade amenant à la route de Lorient, la police tente d’arrêter le véhicule. Ammar Abed n’obtempère pas et fonce en direction du barrage. La police ouvre le feu. Laura est touchée en plein cœur par une balle de 9 mm. La blessure ne lui laisse aucune chance. Elle décède en quelques minutes. « Elle n’a absolument rien à voir avec le trafic, assure Ammar Abed à la barre. Elle n’était pas intéressée par ce genre de choses, c’était un ange, une personne en or. »

Dans la salle d’audience ce jeudi, la présidente a retracé le déroulé des faits avant le drame. Ce jour-là, 22 fonctionnaires de l’Ofast et la BRI de Nantes mettent en place un gros dispositif pour interpeller Ammar Abed. Suivi à bonne distance depuis l’aire d’autoroute du Mont Saint-Michel sur l’A84, son véhicule doit être stoppé sur la rocade de Rennes. Pour le faire ralentir, les policiers simulent d’abord un faux accident : voiture sur la bande d’arrêt d’urgence, petit couple derrière la barrière de sécurité, voiture sérigraphiée avec gyrophare et fonctionnaires en tenue avec des gilets jaunes… « A ce moment-là, un policier va même expliquer qu’un « accident de la circulation » vient de se produire », relate Ammar Abed à la barre. « Je pense donc que c’est un accident. »

Le prévenu en larmes à la barre

Quelques mètres plus loin, un second véhicule est stationné en plein milieu de la bretelle. Ammar s’arrête un instant. Armes à la main, brassards police, lampes torches braquées sur lui, deux fonctionnaires lui lancent un « Police ! ». Et là, Ammar Abed redémarre, contourne le véhicule en l’éraflant. « L’erreur de ma vie », sanglote-t-il dans le box des accusés. « C’est moi qui aurais dû mourir, pas Laura. »

J’ai fait l’erreur de ma vie

Quelques mètres encore plus loin, alors qu’il roule environ à 25 km/h, il pense pouvoir passer entre deux autres véhicules qui bloquent le passage. C’est là qu’Hervé, policier de la BRI, qui vient d’être légèrement heurté par la voiture, tire en direction d’Ammar Abed. La balle brise la vitre côté conducteur, traverse le bras droit d’Ammar Abed et vient se loger directement dans le cœur de Laura. « J’ai fait l’erreur de ma vie de ne pas m’arrêter au contrôle, explique le mis en cause. Oui, je reconnais le refus d’obtempérer mais je n’ai pas vu ce policier. Je suis désolée pour l’hématome sur la cuisse mais je ne l’ai pas vu. »

Abandon de l’action judiciaire contre le policier

Initialement mis en examen pour tentative de meurtre sur un fonctionnaire, Ammar Abed est finalement jugé responsable par le tribunal judiciaire d’homicide involontaire, violence sur fonctionnaire et refus d’obtempérer. Il est condamné à six ans de prison. Le procureur avait demandé : 8 ans.

Quant au policier au vu des éléments du dossier, le juge d’instruction a décidé de ne pas le renvoyer devant un tribunal. Un temps mis en examen pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, il a finalement obtenu un non-lieu. Une position que la famille de Laura ne peut supporter. « Ce policier a tué ma sœur », s’écrie le frère de la jeune femme dans la salle d’audience avant de quitter celle-ci en frappant dans les portes. Pour eux, les responsabilités sont « 50/50 » « autant celle d’Abed Ammar que du policier ». Constitué partie civile, la fonctionnaire de la BRI se servira du jugement du tribunal de Rennes pour demander des intérêts à Ammar Abed devant un tribunal civil.