L’Europe est-elle en train de perdre son leadership climatique ? Le blocage persiste entre les 27 sur leur objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2040. Et ils risquent de ne pas trancher avant la conférence de l’ONU sur le climat en novembre au Brésil. Ce vendredi à Bruxelles, une réunion entre diplomates a permis de constater de nouveau ces divisions entre Européens.
À ce stade, il n’y a pas de majorité claire au sein de l’Union européenne pour soutenir l’objectif de réduction de 90 % des émissions de gaz à effet de serre en 2040 par rapport à 1990 que propose la Commission.
Plusieurs pays, dont la France, l’Allemagne, l’Italie et la Pologne, ont demandé de renvoyer la discussion à un sommet entre chefs d’État et de gouvernement au mois d’octobre.
Compromis pas encore atteint
Le Danemark, qui occupe la présidence tournante de l’Union européenne, espérait arracher un compromis dès le 18 septembre lors d’une réunion des ministres de l’environnement. Mais les diplomates danois ont dû reculer, contre leur gré, et visent désormais un accord « avant la fin de l’année ».
La grande conférence de l’ONU sur le climat (COP30) est pourtant prévue du 10 au 21 novembre à Bélem au Brésil. Et la Commission européenne se disait encore convaincue mardi que l’Union aurait d’ici là un « objectif ambitieux » à « porter sur la scène internationale ». Ce calendrier est désormais menacé.
Hongrie, Pologne et République tchèque bloquent
Dans les couloirs de Bruxelles, certains diplomates évoquent la possibilité que l’Union européenne se présente à Bélem avec une fourchette de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais pas un chiffre définitivement arrêté. Au nom de la défense de leur industrie, des États comme la Hongrie, la Pologne et la République tchèque ont répété à plusieurs reprises leur opposition à la baisse de 90 % préconisée par la Commission.
Pourtant, Bruxelles avait fait un geste début juillet en introduisant des « flexibilités » dans le mode de calcul : la possibilité d’acquérir des crédits carbone internationaux, à hauteur de 3 % du total, qui financeraient des projets en dehors de l’Europe. Mais cette concession n’a pas suffi à les convaincre.
La France dans le flou
La France a de son côté entretenu le flou, en critiquant la méthode de la Commission et en demandant des gages sur la défense du nucléaire ou le financement des « industries propres ». Du point de vue de ses obligations internationales, Paris souligne que l’UE doit seulement présenter une trajectoire 2035 — et non 2040 — à la COP30, et plaide pour séparer les deux discussions.
Vendredi dernier, le Haut conseil pour le climat (HCC) avait vivement critiqué la position de la France. « La France ne peut pas être à l’origine d’un blocage institutionnel sur le climat, et servir les objectifs des climatosceptiques », dénonce aussi Neil Makaroff, expert du climat pour le think tank Strategic Perspectives.
Si l’objectif climatique 2040 était soumis à un vote au niveau des chefs d’État et de gouvernement, une unanimité serait nécessaire, et très difficile à atteindre. Un vote au niveau des ministres de l’environnement ne demande quant à lui qu’une majorité qualifiée.
« Fin de l’euphorie »
« On rentre vraiment dans le dur, c’est la fin de l’euphorie du pacte vert européen », considère Célia Agostini, de CleanTech for France, une coalition de start-up de technologies « propres », faisant référence aux grandes ambitions écologiques du précédent mandat.
L’Union européenne est confrontée à la montée de l’extrême droite, qui s’en prend régulièrement à « l’écologie punitive ». Aux Nations unies, on s’inquiète que l’UE perde l’effet d’entraînement qu’elle avait jusqu’ici sur les questions environnementales. « Tout le monde sait parfaitement que nous restons parmi les plus ambitieux en matière d’action climatique », répondait le commissaire européen Wopke Hoekstra mardi à l’AFP.
« Nous ne voulons pas devenir un souvenir » : l’alerte du ministre de Tuvalu
Agir contre le dérèglement climatique est une « responsabilité morale » pour les pays les plus riches et les plus polluants, a estimé ce vendredi auprès de l’AFP le ministre du Climat de Tuvalu. Et ce, alors que cette nation insulaire cherche à obtenir la reconnaissance de l’ONU pour son patrimoine menacé par la montée des eaux.
Situé dans le Pacifique, cet archipel, situé juste au-dessus du niveau de la mer, pourrait devenir inhabitable au cours de ce siècle si les émissions responsables du changement climatique ne sont pas réduites.
« Pour nous, les Tuvaluans, disparaître n’est pas une option. La résilience fait partie intégrante de notre être, elle est inscrite dans notre ADN », a déploré ce vendredi à l’AFP le ministre du Climat, Maina Talia.