Grand Forum, chef d’orchestre

« Ce sera le premier stand à droite en entrant sous le chapiteau », indique Florent. Responsable du rayon des auteurs et éditeurs régionaux de la librairie Grand Forum c’est lui qui a, cette année, coordonnera le plateau qui leur sera dédié au sein de la 10e édition du salon Livres dans la Boucle de Besançon. Un stand régional qui, traditionnellement, est celui qui réalise le meilleur chiffre d’affaires du plus important rendez-vous littéraire franc-comtois.

« Oui », atteste le libraire, « le public aime retrouver des ouvrages qui parlent de la région, ou écrits et édités par des auteurs et éditeurs implantés en Franche-Comté. »

Une sélection « la plus ouverte, variée et pertinente possible »

Parmi les incontournables cette année ? « Lola Sémonin, Guy-Louis Anguenot, un titre qui devrait bien marcher aussi : Besançon : mémoires du commerce, de Pierre et Jean-Charles Diéterlé, aux éditons Sékoya qui sortira quasiment en même temps que le salon. Les Presses universitaires seront également de la partie avec une thèse sur le festival bisontin Bien Urbain, ainsi que les éditions Cêtre de Besançon, qui fêtent leurs 50 ans, tandis que l’éditeur Le Jaseur Boréal, créé à Bucey-les-Gy est parmi les derniers nés. Nous aurons aussi des premiers romans comme avec Pikutipi , notre petit coup de cœur signé Isabelle Gauthier aux éditions de la Belle étoile, l’histoire d’une jeune amérindienne au nord du Québec. Sans oublier qu’il y aura pas mal de livres pour la jeunesse, un petit peu de fantasy et de fantastique, notamment avec Jérôme Sorre ou les éditions Hurlevent qui présentent deux autrices de dark roman. Plus des beaux livres, de la poésie engagée avec Cathie Jurado ou plus sombre avec Allan Ryan… Bref, une large palette. »





Plus de 30 000 visiteurs sont attendus sur les trois jours.   Photo d’archives Ludovic Laude

Plus de 30 000 visiteurs sont attendus sur les trois jours.   Photo d’archives Ludovic Laude

Quant à la façon dont s’est opérée la sélection, toujours source de polémiques, mécontentements et frustration ? « Cette année, nous avons décidé de procéder un peu différemment. En accord avec l’organisatrice Catherine Bresson, David Finot de l’agence Livre & Lecture et les trois librairies qui se répartissent désormais le stand régional (Les Sandales d’Empédocle, la Maison de la Presse et nous), nous avons demandé aux éditeurs régionaux de nous proposer chacun cinq auteurs qui avaient une nouveauté entre janvier et septembre. À partir de là, nous avons essayé d’effectuer la sélection la plus ouverte, variée et pertinente possible. Avec pour consigne que les auteurs soient présents au moins deux jours. »

« Les relations de qualité entre lecteurs et auteurs sont une des signatures du salon »

Même si ce ne sont pas les régionaux de l’étape qui sont les moins assidus, certaines plumes venues d’ailleurs ayant parfois tendance à éterniser leurs séances de tourisme entre deux dédicaces. Le libraire a-t-il remarqué une particularité chez les auteurs et éditeurs régionaux ? « L’avantage est que nous les côtoyons tout au long de l’année, nous avons donc une relation privilégiée et de confiance. Ils ont d’ailleurs vraiment bien joué le jeu. »

Quant à la façon dont il présenterait Livre dans la Boucle ? « Un salon à taille humaine, où lecteurs et écrivains ont le temps de discuter, avec des relations de qualité. C’est vraiment une signature du salon. » 

Des voix dans la vallée de la Loue

Ivan Torréadrado, originaire de Besançon, vous vivez en Chine depuis 2012, à Pékin, où vous enseignez le français tout en écrivant des nouvelles, romans et scénarios de films pour un producteur parisien. Vous présenterez au salon Livres dans la Boucle votre roman « La Camille », dont l’intrigue se déroule à la fin du XIX e siècle dans la vallée de la Loue. Comment est née cette histoire ?

« J’ai toujours écrit (dont un premier roman à l’âge de 8 ans) et beaucoup lu, mais je n’avais rien publié. Par peur de l’échec, de ne pas trouver d’éditeur. Au départ, j’ai écrit La Camille pour ma fille et je l’ai imprimé à vingt exemplaires. Un ami de passage l’a lu et m’a encouragé à l’envoyer à des éditeurs. Ce que j’ai fait et, parmi plusieurs retours favorables, les éditions Coxigrue, basées à Besançon, m’ont convaincu. »





Après être né et avoir vécu en Franche-Comté, notamment dans la vallée de la Loue, où se déroule l’intrigue de son roman, « La Camille », Ivan Torréadrado est parti vivre en Asie voilà une quinzaine d’années. Photo Dr

Après être né et avoir vécu en Franche-Comté, notamment dans la vallée de la Loue, où se déroule l’intrigue de son roman, « La Camille », Ivan Torréadrado est parti vivre en Asie voilà une quinzaine d’années. Photo Dr

Le roman se déroule entre Montgesoye, Scey-en-Varais et Besançon. On est en pleine III e République et, sans tout dévoiler, peut-on dire qu’il y est question de conversations et de conversion ?

« Oui. J’ai voulu raconter une histoire qui se lise bien et que j’aurais plaisir à lire. Je l’ai construite comme un film. Je souhaitais qu’une adolescente de 13 ans puisse le lire sans se gratter la tête et qu’un quinquagénaire comme moi y trouve aussi du plaisir. Après, le point de départ de ce roman est une malheureuse histoire qui m’est arrivée. Tout est né de la rencontre qui en a résulté et que je décris dans le premier chapitre. C’est seulement ensuite que l’on bascule dans la fiction. Même si, pour bien connaître la vallée de la Loue, j’ai du mal à me dire que j’ai tout inventé. »





" La Camille", de Ivan Torréadrado, éd. Coxigrue, 242 pages, 18 €.

 » La Camille », de Ivan Torréadrado, éd. Coxigrue, 242 pages, 18 €.

Le patronyme de Camille, Goriot, est-il un hommage à Balzac ?

« Un peu, merci de l’avoir noté ! Pour le reste, je me suis immergé par des lectures dans la vie de la région à cette époque. J’ai ainsi découvert des personnages pittoresques qui figurent dans le roman. »

D’autres livres en cours d’écriture ?

« J’en ai deux sur lesquels je suis en train de travailler mais sans rapport avec la Franche-Comté. Sans compter qu’après avoir fini d’écrire La Camille , j’ai commencé à écrire la suite de la vie de ce personnage. Car là, j’ai dû m’arrêter à un moment clé de sa vie. Si le roman plaît, je crois que cela me motivera pour écrire la suite car j’ai déjà imaginé pour elle des aventures extraordinaires. Sachant que j’aimerais aussi traiter du thème de la rédemption. »

La Camille , d’Ivan Torréadrado, éd. Coxigrue 242 pages, 18 €. L’auteur sera vendredi, samedi et dimanche à Livres dans la Boucle.

Matrix, façon Mario Morisi





Mario Morisi fête ses 40 ans d’écriture avec « Kalevalo contre la machine », un roman de "science-fiction et de résistance poétique".  Photo DR

Mario Morisi fête ses 40 ans d’écriture avec « Kalevalo contre la machine », un roman de « science-fiction et de résistance poétique ».  Photo DR

Dans son 26 e livre, Kalevalo contre la machine , avec lequel il célèbre ses 40 ans d’écriture, l’écrivain Mario Morisi, qui partage sa vie entre Marseille et Besançon, part en croisade contre l’intelligence artificielle.

Dans ce nouveau roman, qu’il présente comme « une uchronie de résistance à l’IA », il a imaginé des hommes (dont Eponymus Schwartz) voyageant dans les livres et traqués par La Machine et ses agents à la recherche d’un certain Kalevalo, dépositaire d’un secret capable de dézinguer leur système totalitaire. Reste que, comme l’écrit l’auteur en 4e de couverture, « Eponymus Schwartz a plus d’un tour dans sa besace quantique. Cela suffira-t-il à protéger jusqu’au bout Kalevalo contre la Doxa ? That is the question, isn’t it ? ».

En attendant, tout commence « dans une ville de l’Est dont nos moteurs de recherche ont en vain cherché la trace [où] vivait Eponymus Schwartz, un humain de ceux qui, bourrelés de remords, sursautaient au moindre bruit de pas derrière eux. Logé dans un loft mansardé avec vue sur les quais, il se disait à la boulangerie (une boutique fabriquant du pain) qu’il avait travaillé dans un ministère, un consulat, une administration… »





Mario Morisi fête avec "Kalevalo contre la machine" (éd. Melmac Cat, 152 pages, 15€), un roman de "science fiction et de résistance poétique" ses 40 années d'écriture.

Mario Morisi fête avec « Kalevalo contre la machine » (éd. Melmac Cat, 152 pages, 15€), un roman de « science fiction et de résistance poétique » ses 40 années d’écriture.

La suite propulse le lecteur dans un univers déjanté décrit avec une plume enlevée. Un autre extrait ? « Cela fait combien de temps que nous tenons la baraque, ton Boss le Gai Savoir, et moi Sangre y muerte ? Mais j’ai compris, tu vas me parler de Davos & Bilderburg et de La Machine qui rachète les Marvels et veut imposer son monde tautologique, ses ontologies, ses algorithmes et leur Intelligence artificielle. Qui a l’intention de réécrire l’Histoire. Des conneries ! Je ne crains pas ces Teutons planétaires ! Je suis l’apôtre de la tératogenèse, du chaos et de l’aléatoire ! Qu’ils viennent me chercher au fond du grand 0,0006, ces fils de Bytes, je les mesmériserai illico presto ! »

Mario Morisi dédicacera « Kalevalo contre la machine » (éd. Melmac, 152 pages, 15 €) en avant-première à la librairie A la Page, rue Ronchaux à Besançon le mardi 16 septembre de 15 h 30 à 19 h 30. Il sera ensuite présent samedi et dimanche à Livres dans la Boucle.

« Les humains se robotisent »

Clément Camar-Mercier, voici deux ans, le festival Livres dans la Boucle de Besançon était le 1er auquel vous participiez pour présenter votre 1er livre, « Le Roman de Jeanne et de Nathan ». Quel souvenir gardez-vous de ce rendez-vous et de cette ville ?

« C’était une période incroyable, où j’étais enfin devenu ce que je rêvais d’être. C’est une sensation plaisante. Et rare. Le public ne me connaissait pas, je n’avais pas signé beaucoup d’exemplaires, mais qu’importe. Moi qui ne connaissais personne, c’est là que je me suis fait mes premiers amis dans le milieu littéraire, des écrivains que je revois encore aujourd’hui. »

Vous venez cette fois samedi et dimanche présenter votre deuxième roman, toujours chez Actes Sud, « La Tentation artificielle ». Confirmez-vous qu’il est plus difficile et vertigineux de produire une deuxième œuvre – qui plus est lorsque la première a été un succès, « Le Roman de Jeanne et Nathan » étant sorti en poche ?

« C’est compliqué à dire, car j’avais terminé Le Roman de Jeanne et Nathan deux ans avant sa sortie, le temps qu’il m’a fallu pour trouver un éditeur qui accepte de le publier ! J’avais donc déjà en tête, et même commencé, ce deuxième roman. L’écriture s’est faite exactement de la même manière. Le plus compliqué, c’est la sortie. On est très exposé avec un premier roman, les journalistes en parlent beaucoup plus. Et je ne peux m’empêcher de comparer les deux sorties, et donc de trouver celle-ci bien plus calme… »

Pourrait-on résumer l’origine de votre propos par le constat que plus les robots s’humanisent, plus l’humain se robotise ?

« Je ne pense pas que les robots s’humanisent, loin de là. En revanche, les humains, eux, se robotisent. C’est une évidence. »





Deux ans après y avoir présenté son 1 er ouvrage, aujourd’hui sorti en poche, Clément Camar-Mercier revient à Livres dans la Boucle avec « La Tentation artificielle » un roman où il explore la question de l’IA.  Photo d’archives Alexandre Marchi

Deux ans après y avoir présenté son 1 er ouvrage, aujourd’hui sorti en poche, Clément Camar-Mercier revient à Livres dans la Boucle avec « La Tentation artificielle » un roman où il explore la question de l’IA.  Photo d’archives Alexandre Marchi

« Nous nous autodétruisons volontairement »

La question de Dieu est au centre du roman, avec ce que cela implique de transcendance de duel entre le Bien et le Mal. On y voit que l’IA n’est pas morale ou immorale, mais amorale. La froideur numérique risque-t-elle de supplanter la chaleur humaine ?

« Oui, la froideur nous gagne, les ténèbres approchent, et nous rions encore. Mais si les humains perdent en chaleur, ce n’est en aucun cas à cause des machines. Nous nous autodétruisons volontairement… »

Partagez-vous cette maxime de Chesterton selon laquelle « Les gens qui ne croient pas en Dieu ne croient pas en rien mais en n’importe quoi » ?

« Je ne la connaissais pas, mais je la partage complètement. J’irai plus loin en affirmant que, pire encore, nous avons fait de Dieu n’importe quoi. Ou nous avons fait n’importe quoi de Dieu. Ce qui revient au même. »

À quand votre troisième roman et sur quel sujet ?

« Aucune idée. Ça parlera sûrement de métaphysique contemporaine. Pour changer. »