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Rédaction Rennes

Publié le

13 sept. 2025 à 14h57

Il y a trois ans presque jour pour jour, la bretelle de sortie de la rocade au niveau de la porte de Lorient à Rennes était le théâtre d’un drame. Ce jour-là, un homme, activement recherché, car soupçonné de s’adonner à un trafic de stupéfiants, refuse d’obtempérer lorsque les forces de l’ordre tentent de l’interpeller au cours d’une opération longuement préparée. Un policier de la BRI (Brigade de recherches et d’intervention) tire alors sur le véhicule. Il touche la passagère et compagne du conducteur : Laura Lefebvre, âgée de 22 ans. Elle décède quelques heures plus tard. Jeudi 11 septembre 2025, l’heure du procès au tribunal correctionnel de Rennes pour le conducteur était venu.

Un dispositif policier pour l’arrêter

Cette nuit-là, alors qu’il était suivi depuis 70 km par des policiers en civil, Ammar transportait 100 g de cocaïne jusqu’à Quimper (Finistère), où il devait « récupérer de l’argent » avec sa passagère, totalement étrangère à ses activités illicites. Le jeune homme, à l’époque âgé de 26 ans, était quant à lui visé par une enquête préliminaire diligentée par l’Office anti-stupéfiants (OFAST).

Le dispositif policier devait donc conduire à son arrestation au niveau de la sortie de la rocade, route de Lorient, à Rennes, où des véhicules banalisés avaient été positionnés de façon à simuler un accident, de sorte à faire ralentir le conducteur parti de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime).

Une course folle pour échapper aux policiers

Mais, si Ammar avait dans un premier temps ralenti, il ne s’était pas arrêté : il avait par la suite « accéléré » pensant pouvoir s’engouffrer dans le « trou » laissé entre les deux véhicules censés lui bloquer le passage.

Dans sa course folle, le jeune homme avait même « percuté » la cuisse du policier qui a ouvert le feu avec son arme de service. La voiture conduite par le Normand avait fini sa course dans les deux véhicules de police, et le couple avait été interpellé.

La balle du policier avait traversé le bras du conducteur pour venir se loger dans la poitrine de sa passagère, mais dans un premier temps, les forces de l’ordre n’avaient pas réalisé qu’elle était touchée : ils avaient même eu le temps de lui « notifier ses droits et son placement en garde à vue »…

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Décédée dans la nuit

Laura Lefebvre avait par la suite indiqué qu’elle avait « envie de vomir » et tenait « des propos incohérents », alors que son conjoint avait « les yeux bandés » et qu’il était « roué de coups », s’est-il souvenu, décrivant « l’effroi » de la situation aux derniers instants de vie de sa compagne, dans la « nuit noire » rennaise.

En dépit des « premiers secours » apportés par un policier et de « l’arrivée rapide » des pompiers, la jeune femme était ainsi décédée à 2h10, la balle ayant perforé le ventricule gauche de son cœur.

Une information judiciaire ouverte

Dans ces conditions, une information judiciaire avait été ouverte pour faire la lumière sur les conditions dans lesquelles le policier avait tiré. Le jour même, Philippe Astruc, le procureur de la République de Rennes de l’époque, avait toutefois décidé du « classement sans suite » de la procédure visant le fonctionnaire : l’infraction était « insuffisamment caractérisée », a retracé la présidente du tribunal correctionnel de Rennes. Sans même ordonner la moindre expertise balistique.

Les parents de la jeune femme et son petit frère, présents à l’audience et pour qui c’est « du 50-50 » entre le policier et le petit ami de leur fille, avaient dans la foulée porté plainte avec constitution de parties civiles à l’encontre du policier et du petit ami, obligeant l’action publique à se mettre en branle contre le policier, en dépit de la décision du parquet de Rennes.

« Il a tué ma sœur et on ne va rien dire »

Le policier a cependant bénéficié d’un non-lieu, confirmé par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes : à cette audience, il était ainsi présent seulement en sa qualité de partie civile – de victime donc – une situation insupportable pour les proches de Laura Lefebvre.

Aux premières minutes de la plaidoirie de l’avocat du policier, Me Adrien Rebelo, le frère de la jeune femme, a d’ailleurs quitté la salle d’audience. « Il a tué ma sœur et on ne va rien dire », s’est-il écrié, très ému, sous les yeux impassibles du policier.

« Les faits sont trop graves, j’ai perdu ma compagne »

« Bien sûr que j’ai mal réagi, j’étais sous stress », a pour sa part concédé Ammar lors de son procès, jeudi 11 septembre 2025. Il était en effet jugé pour « homicide involontaire » sur sa compagne, pour « violences volontaires » sur le policier, et donc, pour « refus d’obtempérer ». Mais il ne reconnaissait formellement que ce dernier délit.

S’il a admis qu’il était « possible » qu’il ait percuté le policier de la BRI, il a en revanche nié « toute intention » de commettre des violences à son encontre et ne s’en était d’ailleurs à aucun moment « rendu compte ».

« Les faits sont trop graves, j’ai perdu ma compagne », n’a-t-il cessé de répéter au tribunal, déterminé à dire « toute la vérité ». Le policier, lui, a redit qu’un « échange de regards » avait eu lieu avec Ammar avant qu’il ne le percute.

« Une première vérité judiciaire imposée »

L’avocate du prévenu, Me Herveline Demerville, avait sollicité des relaxes pour ces deux premiers délits : dans sa plaidoirie, l’avocate rouennaise avait déploré qu’aucun « gel » de la scène n’ait été opéré par les policiers.

L’un des véhicules impliqués avait même servi à « emmener le policier à l’hôpital » et une « mise en situation » décidée par Philippe Astruc « au petit matin » avait été organisée, alors que son client n’était « pas présent »… « Une première vérité judiciaire a été imposée sans la présence du premier concerné », a donc résumé l’avocate d’Ammar, grinçante.

Huit ans de prison venaient alors d’être requis contre son client, ce qui équivalait pour elle à « une mort sociale ».

Six ans de prison

« Je ne suis plus le même qu’avant et je ne le serai plus jamais », avait pour sa part conclu le principal intéressé, qui a toutefois « aimé » les condoléances formées par l’avocat du policier aux parents de Laura. Lui-même a tenu à les reformuler devant la famille de sa compagne, tout en sachant qu’ils ne « pardonneront pas ».

Finalement, l’homme au casier lourdement chargé a été reconnu coupable de l’ensemble des faits reprochés et condamné à six ans de prison. Il a désormais dix jours pour faire appel.

CB et GF (PressPepper)

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