Dans la foulée des premières actions du 10 septembre 2025, menées sous la bannière citoyenne « Bloquons Tout », plus d’une centaine de militants se sont mobilisés ce samedi 13 au matin dans les allées de la galerie commerciale d’Auchan. Sous haute surveillance policière, les manifestants ont chanté, dansé et applaudi au baisser provisoire du rideau de fer de l’hypermarché.

Chariot rempli, Corinne et Stéphane, 48 et 56 ans, franchissent l’une des caisses de l’hypermarché de la route d’Espagne, à Perpignan. Il est 11 h ce samedi 13 septembre 2025. « C’est bien fluide, il n’y a même pas grand monde dans les rayons », en profite Stéphane pour régler ses achats sans encombre. Dos aux manifestants, ni lui ni son épouse n’ont remarqué le regroupement d’une centaine d’hommes et de femmes autour de caddies vides. Le couple fait fi de la déambulation revendicative. « Ce n’est pas gênant tant que c’est pacifique », opine Stéphane, désabusé. « J’ai l’impression que ça ne sert à rien. Bien sûr que les gens peuvent ou ont besoin de s’exprimer, mais bon là, ça embête qui ? Personne ! », relève le chef d’entreprise. Qui préfère se prononcer par les urnes. « Voter, il faut aller voter à chaque élection », mobilise-t-il en poursuivant son chemin. Plus loin le petit Gabriel, 14 mois, assiste sans le savoir à sa première révolte « bon enfant ». Sa jeune maman presse le pas. « C’est bientôt l’heure de manger pour le petit », lance-t-elle, ignorant les deux chorales et bandas qui s’époumonent à jouer.

Les manifestants rassemblés avant que l’hypermarché décide momentanément de baisser son rideau de fer.

Les manifestants rassemblés avant que l’hypermarché décide momentanément de baisser son rideau de fer.
Aline Morcillo – Aline Morcillo

Flop au Boulou, bandas et caddies vides à Perpignan

Au mégaphone Geneviève,  » une des porte-parole du parti citoyen », tente d’arranger les badauds, de galvaniser les protestataires. Secrétaire de « La Libre Pensée », elle se réjouit « du succès de l’opération destinée à montrer qu’il est impossible de boucler les fins de mois. » Après Carrefour, les voilà ainsi route d’Espagne. « L’objectif est de tenir jusqu’au 18 septembre et la grève nationale », rappelle-t-elle en entonnant l’Estaca. L’hypermarché baisse son rideau, provisoirement. « On a gagné, Lecornu a perdu », scandent les contestataires joyeux, malgré le flop du rendez-vous matinal fixé au péage de la grande barrière du Boulou, restée déserte.

Deux chorales et deux bandas ont animé le mouvement "Bloquons tout".

Deux chorales et deux bandas ont animé le mouvement « Bloquons tout ».
Aline Morcillo – Aline Morcillo

« On doit débloquer les cerveaux », poursuit Geneviève, saturée d’entendre « Macron destitution ». Je partage cette colère mais n’oublions pas toutes les multinationales, les banquiers, le CAC 40, tous ceux qui nous menacent. » Elle prône une lutte déployée sur « plusieurs fronts. La France vient d’être financièrement dégradée, c’est un nouveau prétexte pour nous appauvrir encore plus en disant : « c’est nous les riches qui avons endetté la France, c’est vous les pauvres qui paierez la dette. Inadmissible », fulmine-t-elle. Convaincue que les Gilets Jaunes s’y étaient mal pris en revendiquant une baisse du prix du carburant. « Nos griefs sont plus vastes et notre esprit festif. Plutôt que de se faire éborgner, on veut être mieux compris, agréger toutes les ires du pays. Sans violence. »

La pauvreté au cœur du courroux

Parmi les intervenants, Stéphane, 56 ans, est artisan. « J’ai 8 employés. Je suis là en leur nom comme pour tous les salariés de France qui en ont marre de voir leur pouvoir d’achat s’écrouler. L’augmenter ferait croître le travail dans nos ateliers, chez les boulangers, les épiciers… Partout. Nous n’en pouvons plus de cette politique qui pioche dans les poches des plus démunis. » Régine, 76 ans, canne à la main, arpente la galerie marchande au bras d’une amie retraitée. Les copines s’écartent de la manif. « J’ai travaillé très jeune, j’ai fait de tout. Du ménage aux poupées Bella », raconte-t-elle. »Mais, je ne me plains pas. J’ai une retraite qui me suffit », valide Régine, contente de son lèche-vitrine. « Mes genoux sont en piteux état, j’ai besoin de marcher, comme il pleut dehors, on fait notre exercice ici, à l’abri. » Légèrement à l’écart, Jérôme Chanson assiste sans un mot à la scène. Directeur de la galerie commerciale, il a donné pour consigne à la soixantaine de boutiques du site de rester ouvertes. Vigilant, il s’assure que la manifestation ne dérape pas. Les policiers en tenue d’intervention y veillent également.