Vous êtes actuellement cheffe du département de la recherche et des archives, adjointe au directeur scientifique des collections et responsable du Centre d’études Picasso – musée national Picasso-Paris. Vous allez rejoindre en novembre l’institution américaine en tant que nouvelle Blanchette Hooker Rockefeller Curator of Painting and Sculpture. Quel est votre cursus ?

J’ai une formation universitaire [Cécile Godefroy est docteure en histoire de l’art contemporain de Sorbonne Université (Paris IV)] et j’ai enseigné pendant plus de quinze années dans différentes universités françaises et américaines (les programmes internationaux de Columbia University et New York University), travaillant parallèlement dans le monde des musées. Après différents commissariats d’expositions monographiques (« Sonia Delaunay. Les Couleurs de l’abstraction », avec Anne Montfort, au musée d’Art moderne de la Ville de Paris et à la Tate Modern à Londres (2014-2015) ; « Marcelle Cahn. En quête d’espace » au Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg et au MAMC + de Saint-Étienne, 2022-2023), parmi lesquels plusieurs projets consacrés à l’œuvre de Picasso (par exemple, « Les musiques de Picasso » en 2020 au musée de la Musique – Philharmonie de Paris ou « Picasso ibero » au Centro Botín à Santander en 2021), j’ai rejoint il y a plus de trois ans les équipes du musée Picasso à un moment charnière de son histoire, pour contribuer auprès de Cécile Debray, présidente du Musée national Picasso-Paris, à l’ouverture en mars 2025 de son Centre de recherche et à un certain nombre de projets scientifiques et d’expositions.

La recherche est-elle déterminante dans votre parcours ?

Aborder des sujets de recherche novateurs, sociétaux et parfois sensibles au sein d’un musée est aujourd’hui indispensable. Qu’il s’agisse de développer des projets de recherche innovants en partenariat avec des institutions culturelles (une vingtaine à ce jour ont déjà été initiés par le Centre d’études Picasso), redonner une visibilité à des artistes méconnus ou oubliés, ou répondre aux interrogations légitimes soulevées par des mouvements de réévaluation critique des comportements et figures emblématiques, ces démarches participent d’une relecture nécessaire de l’histoire de l’art. Le travail mené à Strasbourg et à Saint-Étienne autour de l’artiste Marcelle Cahn en est un exemple : bien que saluée dès les années 1920 par ses pairs et le critique Michel Seuphor, son œuvre était tombée dans un quasi-oubli à partir des années 1980, jusqu’à notre exposition. Autre exemple, lorsque les polémiques autour de la figure de Pablo Picasso ont émergé, traversées par des questionnements contemporains tels que la représentation de la violence et de la sexualité en art, ou encore l’engagement politique, le musée a fait le choix d’y répondre plutôt que de les ignorer. Un séminaire a ainsi été organisé en 2022 et 2023, réunissant historiens, critiques d’art, universitaires, directeurs de musées, philosophes, sociologues, écrivains et artistes – notamment Miriam Cahn. Diffusées sur France Culture, ces discussions ont permis d’ouvrir un espace de réflexion autour de la réception de l’art moderne que nous avons restitué à la maison de l’Unesco à Paris à l’occasion d’un symposium public. La transversalité des thématiques abordées et la richesse des échanges ont fait de cette initiative une expérience profondément marquante et structurante.

Quels pourraient être les différents axes de votre mission au MoMA ?

Rappelons ici que le MoMA est, depuis sa création en 1929, à la fois un musée et un centre de recherche pour l’art moderne et contemporain. La recherche se situe au cœur des activités de l’institution, et est garante de son statut d’excellence. Elle irradie l’ensemble de ses missions. Mes missions seront celles inhérentes à tout conservateur de musée : veiller, aux côtés de Ann Temkin, the Marie-Josée and Henry Kravis Chief Curator of Painting and Sculpture, et des équipes curatoriales, à la collection du département, réfléchir à l’accrochage des galeries permanentes, concevoir des expositions, contribuer à la recherche et à la publication, ainsi qu’à la vie des instances telles que les commissions d’acquisitions. Je suis très heureuse d’avoir été choisie pour rejoindre un département dont la collection joue un rôle fondateur dans l’histoire de l’art, en particulier celle qui s’est, pour une large part, construite en Europe, et plus spécifiquement à Paris.