REPORTAGE – À l’Opéra national de Bordeaux, les danseurs entament la rentrée avec une nouveauté : un cours de préparation physique organisé par l’ancien staff du Football club des Girondins de Bordeaux.
Des baskets qui chuintent sur le sol sans respecter la cadence, des plots et des cerceaux au sol… En cette matinée pluvieuse de septembre, seuls les miroirs et les barres poussées contre les murs prouvent aux observateurs qu’ils se trouvent dans l’un des studios de danse de l’Opéra national de Bordeaux (ONB). Car ce jour-là, c’est Éric Bedouet, ancien préparateur physique et entraîneur par intérim du Football club des Girondins de Bordeaux, qui donne la classe en survêtement. Face à lui se tiennent trois danseuses vêtues du même accoutrement, prêtent à suivre une préparation atypique, destinée à prévenir les risques de blessures chez les athlètes de haut niveau.
«Ce travail de préparation physique doit être quotidien. Les danseurs ont des qualités sportives extraordinaires, mais cela ne suffit pas. À la différence d’un footballeur, leurs gestes doivent être élégants et on doit avoir l’impression que c’est simple», explique Éric Bedouet, qui intervient une fois par semaine à l’ONB. Autrement dit : pour briller sur scène dans la variation du cygne noir ou réaliser les 32 fouettés légendaires d’Odile dans Le lac des cygnes, il faut avoir le cardio et le souffle nécessaire pour tenir la cadence. «Les danseurs sont très ouverts à la kiné ou à l’homéopathie, mais courir entre les plots les intéresse moins. La préparation physique a un côté barbare et pourtant, cela pourrait nous permettre de réduire les temps de répétition et d’éviter des blessures», précise le directeur de la danse, Éric Quilleré. Ricardo Zuddas, l’un des danseurs du corps de ballet, abonde : «La présence d’un préparateur physique qui nous suit toute l’année est précieuse. Nous en avions besoin car nous sommes seulement 35 danseurs (contre 154 danseurs à l’Opéra national de Paris, NDLR) donc nous sommes presque tous sollicités à chaque spectacle.»
Éric Bedouet, l’ancien entraîneur et préparateur physique des Girondins de Bordeaux, intervient une fois par semaine auprès des danseurs de l’Opéra national de Bordeaux.
Marie-Hélène Hérouart / Le Figaro Bordeaux
Privilège de l’élégance
Mais la préparation physique d’une compagnie de danseurs est plus subtile qu’il n’y paraît. Elle exige de privilégier l’élégance. «Il faut veiller à ne pas modifier l’esthétique physique des danseurs, qui ne peuvent pas se permettre de voir gonfler leurs muscles», indique l’ex-médecin du FCGB Serge Dubeau, qui supervise les entraînements. «Ce ne serait pas très joli dans un collant», confirme Ricardo Zuddas. Il n’empêche, cette préparation physique est indispensable, surtout en début de saison. «Il est important que le monde de la danse commence à mettre en place ces préparations physiques nécessaires pour progresser», réagit Clara Spitz, une danseuse du corps de ballet. D’autant plus, que la plupart de ces athlètes dansent malgré leurs blessures – telles des fissures de la hanche ou des tendinites – quand elles adviennent.
Éric Bedouet en a conscience et veille à adapter ses séances sportives à cette spécificité de la discipline, même si ce n’est pas toujours facile. «Durant les tests, quand nous faisons des exercices difficiles, je ne vois pas la souffrance sur leurs visages. Les danseurs apprennent à souffrir sans le montrer», détaille-t-il. Avant de conclure, admiratif : «Les danseurs de l’ONB ont beaucoup de mérite.»