Mercredi 10 septembre, le mouvement « Bloquons tout » a rassemblé plus de 10 000 personnes dans les rues de Strasbourg, le temps d’une manifestation entre la place Kléber et la place de la République. L’expression d’un grand « ras-le-bol » aux nombreuses racines, où prédomine la colère devant l’accroissement des inégalités sociales.
Une place Kléber noire de monde. Ce mercredi 10 septembre, difficile de compter les manifestant(e)s tant la foule se densifie rapidement autour de la statue du général. À 14h10, plus de 3 000 personnes sont déjà prêtes à prendre le départ de la manifestation déclarée par la CGT, dans le cadre du mouvement « Bloquons tout ».
Certaines brandissent des drapeaux français, palestiniens ou syndicaux. D’autres sont venues avec leurs pancartes, dont beaucoup demandent plus de justice sociale et fiscale.
© Wilfried Rion / Pokaa
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« Toujours plus d’argent pour les riches et moins de salaires pour les pauvres »
Parmi les premiers/ères arrivé(e)s sur la place, Jean-Marc est venu les mains vides, mais le cœur plein de détermination. À 71 ans, cet ancien agent d’entretien a fait le déplacement pour de multiples raisons. D’abord, pour protester contre le gel des retraites. « J’ai travaillé dès 14 ans et je touche aujourd’hui 1 200 euros de retraite par mois. J’arrive à payer mon loyer et mes factures, mais je ne tiens pas jusqu’à la fin du mois. »
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L’ancien militant CGT se mobilise également contre « l’augmentation du coût de la vie » et l’injustice fiscale. « Macron demande des efforts aux retraités mais les gens qui ne savent pas quoi faire de leur argent, on n’y touche pas. Il y a toujours plus d’argent pour les riches et moins de salaires pour les pauvres », regrette-t-il. « Moi, ce que je voudrais, c’est que ça change en mieux. Et le Macron, je demanderais bien qu’il se barre. »
« Il n’y plus rien qui va »
Pancarte à la main, Marylin, 37 ans, a fait le déplacement depuis Brumath ce 10 septembre. « Tous les écarts se creusent entre les riches et les pauvres. Je suis là pour protester contre les inégalités sociales. », pose-t-elle en préambule, avant d’évoquer d’autres préoccupations telles que l’absence d’action politique pour protéger les droits des femmes ou arrêter la guerre à Gaza.
Sur une pancarte il est possible de lire : « Il n’y a plus rien qui va ». Son ami, Ismaël, est venu des environs de Colmar pour défiler à Strasbourg. « C’est un ras-le-bol général, une indignation devant la montée du fascisme», explique cet artisan de 38 ans.
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À 14h30, la place est comble et le défilé s’élance rue des Grandes Arcades. Layal, 32 ans, attend de pouvoir se mettre en marche, elle aussi, avec sa pancarte représentant Luigi Mangione, un jeune Américain accusé d’avoir assassiné le PDG de la plus grande compagnie d’assurance santé des États-Unis qui refuse régulièrement de prendre en charge ses assuré(e)s. « Make the riche afraid again. »
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« Il y en a marre de précariser les précaires »
« Je suis là pour exprimer mon mécontentement concernant la politique du gouvernement », explique la jeune femme travaillant dans le domaine des sciences. « Il y en a marre de précariser les précaires tout en faisant des cadeaux aux riches. »
Celle qui s’est politisée en entendant parler du traitement des Gilets Jaunes avait « un peu arrêtée de manifester » après l’échec du mouvement pour les retraites.
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« Mais aujourd’hui, c’était particulièrement important de venir. J’avais peur que ça s’essouffle avec la chute du gouvernement Bayrou. Le problème, c’est pas Bayrou, mais la politique qu’Emmanuel Macron s’entête à vouloir mener depuis huit ans. »
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Rue des Grandes Arcades, un cortège de jeunes précède celui de la CGT, en ordre de marche derrière une banderole « Résistance ». Chloé, 25 ans, marche en brandissant sa pancarte « J’ai trouvé Charlie mais je cherche démocratie ». Étudiante en master Droit de l’environnement, la jeune femme défile avec toute sa classe.
Sa liste de revendications est longue, et concerne autant l’injustice fiscale que le « déni de démocratie ». « Aujourd’hui, on veut que le résultat exprimé lors des dernières élections législatives soit respecté. On veut que la majorité de gauche puisse gouverner. »
« J’ai l’impression que la guerre est proche »
À 15h, le cortège arrive au milieu du quai des Bateliers tandis que l’arrière de la manifestation défile toujours rue des Grandes Arcades. « Macron veut faire la guerre, mettre la jeunesse au pas. Mais on veut pas de la guerre… » Les jeunes scandent des slogans antimilitaristes, également présents sur nombre de pancartes. « Y a de l’argent pour les armes mais pas pour les hôpitaux », « Plus pour la culture et la santé, rien pour les flics et l’armée ».
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William, 25 ans, défile près du char de la CGT. Étudiant et pion dans un collège, le jeune homme n’a pas l’habitude de manifester. « Je suis là aujourd’hui pour beaucoup de raisons, beaucoup de revendications politiques. Une politique générale écœurante dans laquelle je ne me retrouve plus et une actualité qui dégoute. »
Notamment, la guerre à Gaza. Le Strasbourgeois s’inquiète également de la possibilité d’une guerre impliquant la France, avec les annonces faites par Emmanuel Macron au sujet de la Russie. « Il y a quelque chose qui monte : je sens que la guerre est proche », regrette-t-il.
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Mais comme pour beaucoup, c’est surtout l’accroissement des inégalités sociales qui l’a poussé à manifester aujourd’hui. « Les écarts de richesse que l’on observe aujourd’hui sont révoltants. Il y a une petite classe qui s’accapare de plus en plus de richesses, pourtant, il y a toujours de plus en plus de pauvres. »
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« Plus il y a de raisons de se mobiliser, plus on doit être nombreux »
À 16h, la tête de cortège arrive place de la République dans le calme. Margaux défile tranquillement avenue de la Liberté avec un sapin désodorisant géant. Travailleuse dans le domaine du service à la personne, la jeune femme est au chômage depuis une semaine.
C’est la troisième fois de sa vie qu’elle manifeste. Elle aussi est là « pour de nombreuses raisons ». Notamment, « des réformes en tous genres qui nous mettent dans la précarité de plus en plus », « l’augmentation du cout de la vie », « la proposition de supprimer deux jours fériés ».
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Lorsqu’on lui demande quelle est celle qui prédomine, Margaux cite « l’inégalité entre le pouvoir et le peuple ». « C’est par exemple l’indécence de Bayrou qui refait son bureau à neuf pour 40 000 euros alors que le peuple se serre la ceinture. »
Mais la jeune femme ne veut pas réduire la contestation à un seul motif. « Quand on regarde les commentaires en dessous de certains articles au sujet de cette manifestation, il y a beaucoup de personnes qui critiquent le fait qu’il y a trop de revendications mises en avant. Elles disent que cela nuit au message que l’on veut faire passer. Mais non, justement. Plus il y a de raisons de se mobiliser et plus on doit être nombreux dans la rue pour manifester. »
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À la fin de la manifestation, les prises de parole s’enchainent devant le Palais du Rhin. Un appel est lancé à se rendre devant le commissariat central pour venir soutenir quatre lycéens interpellés le matin même lors du blocage de certains établissements.
Environ 1000 personnes défilent à nouveau le long des quais avant de s’engager dans la Krutenau en direction d’Étoile-Bourse.
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La foule, arrêtée par la présence de gendarmes sur le pont de la rue de la 1ʳᵉ Armée, s’assied par terre pendant une heure et demie. À 19h, les forces de l’ordre chargent pour disperser la foule et font usage de gaz lacrymogène. Mais plusieurs rendez-vous sont donnés ce jeudi, pour organiser la suite de la mobilisation sans attendre la manifestation intersyndicale du 18 septembre.
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