Après une nouvelle audition sur la question ovni le 9 septembre à la Chambre des Représentants, c’est au tour de la France de s’interroger sur le phénomène et ses implications pour la sécurité nationale, a révélé « Le Parisien ».
C’est désormais presque une routine : le mardi 9 septembre s’est déroulée devant la Chambre des Représentants une nouvelle audition consacrée aux PANs (Phénomènes aériens non identifiés), organisée par le groupe de travail sur la déclassification des secrets fédéraux.
Depuis trois ans, les ovnis ont porte ouverte au Congrès où les témoignages de lanceurs d’alerte, anciens militaires et agents du renseignement comme David Grusch ou Luis Elizondo, se succèdent. On a vu déferler un tsunami de révélations, parfois incroyables (observations d’objets défiant les lois de la physique, récupérations de vaisseaux et même de corps extraterrestres), au point que l’opinion publique américaine semble mithridatisée par cette injection régulière de récits stupéfiants. Mais toujours sans autre preuve qu’une poignée de vidéos dont l’authenticité a été confirmée par le Département de la Défense.
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Qui manipule qui ?
Pour compliquer encore la situation, le Wall Street Journal a publié en juin dernier deux articles qui ont fait grand bruit dans le Landerneau ufologique. Au fil de cette enquête en deux volets, le quotidien affirme que le Pentagone a alimenté le phénomène ovni en diffusant des documents trafiqués (photos, mémos…) et faisant courir des rumeurs inventées de toutes pièces. Le but de la manœuvre ? Masquer des programmes d’armes secrètes de l’armée US… Les journalistes du WST se sont appuyés sur des entretiens avec Sean Kirkpatrick (ex-directeur de l’AARO, le bureau d’études des PANs). Il détaille comment l’armée aurait utilisé les OVNI comme « couverture » pour des programmes classifiés, y compris avec des simulations et des pseudo-fuites de témoignages. Par une coïncidence malheureuse, les articles sont parus peu après la divulgation en mai d’une prétendue photo d’ovni par Luis Elizondo, lanceur d’alerte très en vue et ancien responsable de l’Advanced Aerospace Threat Identification Program (AATIP), un programme à l’origine secret dédié aux PANs. Il a suffi de quelques heures pour démontrer que le cliché représentait en réalité un système d’irrigation agricole…
Cette bourde suivie de l’enquête du WSJ ont replacé les PANs au plus bas des montagnes russes médiatiques qui caractérisent le sujet. Toutefois, la thèse du Wall Street Journal n’a guère convaincu et plusieurs sceptiques ont même reconnu que les manipulations du Pentagone ne pouvaient suffire, loin de là, à rendre compte de l’ensemble des observations.
À défaut d’éclaircir le débat, ces épisodes n’ont fait que susciter de nouvelles migraines : les ovnis sont-ils un produit de la désinformation du Pentagone ? Ou au contraire les révélations du WSJ ne sont-elles qu’une tentative d’une manipulation de l’opinion pour discréditer le phénomène ? Luis Elizondo est-il un véritable lanceur d’alerte ou bien un agent de désinformation ? Des questions à tiroir typiques de la paranoïa qui règne aux États-Unis autour des Phénomènes Aériens Non-identifiés, en particulier quand la politique entre en jeu et que le rôle de l’État est interrogé.
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Anna Paulina Luna, directrice de la task force sur la déclassification des secrets fédéraux pendant l’audition sur les PAN.
Aaron Schwartz/Sipa USA/SIPA
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© Aaron Schwartz/Sipa USA/SIPA
Il n’est donc guère étonnant que cette atmosphère délétère ait pesé sur l’audience du 9 septembre à la Chambre des Représentants. Sous l’égide de la représentante républicaine Anna Paulina Luna, directrice de la task force sur la déclassification des secrets fédéraux, l’audition était intitulée « Restoring Public Trust Through UAP Transparency and Whistleblower Protection », en français, « Restaurer la confiance du public grâce à la transparence en matière d’UAP et à la protection des lanceurs d’alerte ».
Quatre témoins, dont des vétérans de l’armée comme Dylan Borland (US Air Force) et Joe Spielberger (U.S. Air Force Veteran), ainsi que des experts en surveillance ont partagé des expériences personnelles de PAN.
L’AARO, l’organisme en charge des PANs depuis 2020, a été la cible de nombreuses critiques : Chris Mellon, ancien secrétaire adjoint à la Défense pour le renseignement a dénoncé son manque de rigueur scientifique et ses rapports « erronés ». Les républicains Luna, Eric Burlison, élu convaincu de l’origine extraterrestre des ovnis, et Tim Burchett, qui assure que « des aliens disposent de bases sous-marines », ont accusé le gouvernement et l’AARO de cacher des informations vitales sous couvert de sécurité nationale, qualifiant les rapports officiels d’« insatisfaisants » et de « biaisés ».
Beaucoup plus sceptique que ses collègues républicains, la Représentante du Texas, Jasmine Crockett, avec d’autres, a minimisé les spéculations exotiques au profit d’explications rationnelles, technologies de pays adverses ou phénomènes naturels.
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Une vidéo sidère l’assistance
Plus largement, les intervenants ont regretté l’absence de protocoles inter-agences clairs et le refus de l’AARO de considérer des preuves a priori crédibles. Les divisions sont apparues marquées entre les partisans d’une divulgation totale et ceux qui prônent la prudence scientifique.
Malgré l’absence de révélation explosive, l’audition a connu un point d’orgue avec la diffusion d’une vidéo dévoilée par le représentant du Missouri, Eric Burlison. Ce dernier est si passionné par les phénomènes aérospatiaux non identifiés qu’il a embauché comme collaborateur le lanceur d’alerte et ancien agent de renseignement américain, David Grusch. La vidéo inédite apportée par Burlison montre un drone MQ-9 américain tirant un missile Hellfire sur un objet sphérique évoluant à haute vitesse au large du Yémen en octobre 2024.
L’engin, bien que touché par le missile, ne semble affecté par l’impact. Ce cas a été présenté comme la preuve d’une menace potentielle non expliquée. Une inquiétude partagée aussi bien par les tenants d’une hypothèse extraterrestre que par ceux qui craignent des technologies avancées aux mains de pays rivaux. Et qui n’est pas cantonnée aux États-Unis ! Dans son édition de samedi, « Le Parisien », sous la plume très informée du journaliste Gaël Lombart, révèle qu’une réunion s’est déroulée début septembre à l’École militaire de Paris, réunissant gradés, experts et politiques. Au menu de cette rencontre organisée par Vision Radar, une association cocréée par un ancien de la Direction générale de l’armement (DGA) : les phénomènes aérospatiaux non identifiés.
Parmi les intervenants de cette table ronde inédite : Ludovic Chaker conseiller du président de la République sur les questions stratégiques de défense et de sécurité jusqu’en 2022 et désormais adjoint au délégué général de l’armement chargé de l’anticipation. « J’ai eu l’occasion d’être entendu par l’Assemblée nationale sur des sujets spécifiques. Si demain on est mobilisé sur celui des PAN, ça va quand même nécessiter une forme de préparation » explique-t-il au « Parisien ». Autre participant à cet évènement, Sylvain Maisonneuve, ancien conseiller ministériel à Bercy et auteur inattendu de l’un des meilleurs livres sur l’irruption des PAN dans la sphère politique et militaire, « Ovnis, l’enquête déclassifiée », (Éd. Albin Michel, 2025). « Le pouvoir législatif pourrait s’en emparer. Ça a failli intervenir à la suite du livre puisque j’ai rencontré plusieurs élus qui ont réfléchi à ouvrir une enquête parlementaire » a-t-il expliqué au cours de cette réunion. Et il confie au quotidien : « Je trouve ça très frustrant qu’on ait été en pointe, en France, sur ces sujets dans les années 1970, et que ce soit le néant total depuis les années 2000 ». Allusion à la création du GEIPAN première structure officielle à enquêter sur les ovnis et, en 1999, au rapport Cométa sur les PAN, signé par des hauts gradés et transmis sans résultat probant au Premier ministre de l’époque, Lionel Jospin.
Un « safe space » pour les pilotes témoins d’un PAN
Une table ronde riche de promesses qui fait écho à une initiative récente au Parlement européen, menée grâce à la détermination d’un eurodéputé, Francisco Guerreiro. Dans « Le printemps des ovnis » (First Éditions), autre excellent livre de Charles-Maxence Layet, lui-même ancien assistant parlementaire de l’eurodéputée Michèle Rivasi, Francisco Guerreiro explique avoir tenté d’alerter ses collègues sur le sujet. Son but : créer un « safe space » pour les professionnels de l’aviation civile témoins d’un PAN afin qu’ils puissent s’exprimer sans craindre le poids de la stigmatisation. « Nous savons que quelque chose existe, confie-t-il à Charles-Maxence Layet, mais sans savoir si c’est humain ou non. Si nous voulons procéder à une analyse scientifique, nous devons disposer d’un système harmonisé et centralisé de surveillance, de signalement et d’analyse de ces informations. Sur le sol européen, nous ne l’avons pas. »
Le 20 mars 2024, il a coordonné la première conférence physique sur les UAP au Parlement européen depuis plus de 30 ans. Avec des experts comme Dr Beatriz Villaroel et des représentants d’organisations ufologiques européennes, l’événement est revenu sur l’histoire des PAN en Europe, de la nécessité d’un monitoring et de la comparaison avec les initiatives américaines.
Quant à sa proposition de résolution législative visant à créer une méthodologie commune de rapportage des PAN, une base de données harmonisée et un mécanisme sans stigmatisation pour les signalements, elle est toujours en attente d’examen par la commission des Transports.
Depuis un an et demi…
À lire
« Ovnis, l’enquête déclassifiée » de Sylvain Maisonneuve, (Éd. Albin Michel, 2025).
© DR
« Le printemps des ovnis » de Charles-Maxence Layet (First Éditions)
© DR