Poursuivi à travers Marseille par cette Mercedes aux appels de phares agressifs, Youssef* a tenté une manœuvre qui aurait fonctionné dans un film d’action. Il a fait rentrer sa Clio dans une impasse baignée dans l’obscurité, a coupé les phares et le contact pour se dissimuler. Las ! La berline allemande s’est engouffrée à sa suite.
Le conducteur en est descendu, a fracassé le rétroviseur de la Clio d’un coup de pied. L’un de ses passagers, couteau à la main, a frappé à travers la fenêtre ouverte l’occupant arrière de la Clio qui, se protégeant de ses bras, a été blessé aux doigts. Paniqué, Youssef a tenté de manœuvrer, percutant la Mercedes derrière lui avant de filer à l’hôpital de La Timone. Il était environ 2h du matin.
1 200 € à trouver en échange de sa liberté
La scène, violente, aurait pu s’arrêter là. Mais cette nuit du 7 au 8 juin 2024, tandis que le blessé était pris en charge par les secours, les occupants de la Mercedes ont retrouvé Youssef sur le parking de l’hôpital. Ils l’ont contraint à les rejoindre sur une station-service du boulevard Sakakini. Sa Clio enserrée entre deux berlines l’empêchant de partir, il s’est vu intimer l’ordre de trouver 1 200 € (le coût estimé des réparations de la Mercedes) auprès de ses proches et amis. Faute de quoi, ses « amis ne le reverraient pas ».
Prévenus d’une bagarre à l’arme blanche par le personnel hospitalier puis par le blessé lui-même, les policiers ont retrouvé Youssef peu après 7h du matin dans la fameuse station-service, visiblement terrifié. « La nuit a été très longue… », a remarqué la présidente Cécile Pendaries en instruisant l’affaire.
Jusqu’à 6 ans de prison ferme
Pour cette scène rocambolesque de violence et d’extorsion partie de quelques insultes échangées sur la route, quatre prévenus ont en effet été jugés et condamnés ce jeudi 11 septembre par le tribunal correctionnel de Marseille : Mohamed K., conducteur de la Mercedes de location et acteur principal de la séquestration, son ami Abderrahmane H., auteur du coup de couteau, ainsi que deux comparses aux rôles plus mineurs. Le quatuor a écopé de peines allant d’un an ferme sous bracelet électronique à 5 et 6 ans ferme derrière les barreaux (respectivement pour Mohamed K. et Abderrahmane H.). Tous les quatre, casiers judiciaires relativement chargés, ont globalement reconnu les faits.
« Pourquoi en est-on arrivé là ? », s’est interrogée la procureure Lila Lizée au moment de requérir des peines – de 5 ans ferme pour les deux principaux protagonistes, 3 ans ferme et 2 ans dont un an ferme sous bracelet électronique pour les deux autres prévenus. « Il s’agissait de violences gratuites, inexplicables. Il y a une impulsivité, mais aussi un acharnement », a-t-elle observé, dans ce que, quelques minutes plus tôt, l’un des avocats de la partie civile, Me Loïc Roccaro, avait qualifié de « prédation routière ».
« L’irrationalité de la scène »
En défense, quatre avocats se sont succédé, pour plaider « l’irrationalité de la scène », et tenter de démontrer que malgré leurs casiers chargés, aucun de ces quatre jeunes garçons âgés de 21 à 28 ans n’avait le profil d’un délinquant ultraviolent. La séquestration de Youssef, d’ailleurs, résultait d’une contrainte morale, mais le jeune homme n’avait pas subi de violences physiques.
« L’adrénaline conduit des êtres – et c’est éminemment regrettable – à commettre des actes qui ne ressemblent pas à ce qu’ils sont », a résumé dans sa plaidoirie Me Jérôme Pouillaude, conseil d’Abderrahmane H. Une adrénaline, qui chez Youssef et ses amis, s’est transformée en peur de la route depuis cette trop longue nuit.
* Le prénom a été modifié.