Par

Nicolas Zaugra

Publié le

15 sept. 2025 à 19h03

Élu en 2020 pour un premier mandat à Villeurbanne à la tête d’une majorité de gauche (PS, écologistes, LFI, PCF), Cédric Van Styvendael s’apprête à se lancer dans une nouvelle campagne des municipales. Mais avant d’officialiser sa probable candidature, il défend son bilan. Dans une interview exclusive que nous publions ce lundi, l’élu qui a aussi des ambitions métropolitaines, évoque le mouvement « Bloquons tout », la flambée de l’antisémitisme, la sécurité, la propreté, les mobilités, le projet de l’Astroballe, les élections municipales de 2026…
Le maire demande aussi à l’État plus de policiers nationaux et à la Métropole plus de propreté dans sa ville.

« Bloquons tout » : « Il faut entendre cette colère »

Actu : La semaine a été marquée par le mouvement « Bloquons tout » et des manifestations contre Emmanuel Macron. Quelle est votre position ?

Cédric Van Styvendael : Je pense qu’il faut entendre et comprendre cette colère. Par contre, et on l’a tous fait, condamner l’ensemble de ces violences. Le Parti socialiste a dit qu’il accompagnerait cette démarche, mais par contre, on condamne sans aucun état d’âme tous les débordements.

Certains dans la rue ou les réseaux sociaux appellent à des actions violentes, par exemple à guillotiner ou à attaquer Emmanuel Macron…

CVS : Ces messages ne sont pas les nôtres et par ailleurs il ne vous aura pas échappé que ce que les partis politiques disent, c’est qu’on accompagne ça, qu’on entend et qu’on comprend cette colère. La participation des partis politiques sera plutôt autour du 18 septembre avec les syndicats. Et donc bien sûr que je condamne tous les messages violents.

« La France insoumise a eu des flous coupables » sur le conflit Israël/ Palestine

Plusieurs actes antisémites ont touché des habitants de confession juive cette année. Il y a eu des agressions, des tags, des menaces, etc. Que se passe-t-il à Villeurbanne ?

CVS : Il y a une tension manifeste entre les communautés juives et musulmanes. Je considère que le rôle de maire, c’est de prévenir, de condamner, et de continuer à faire en sorte que ces communautés se parlent, et que surtout, on ne rompt pas le dialogue.

Et c’est pour ça qu’à la suite de l’intrusion dans une mosquée de Villeurbanne d’un homme qui a brûlé un Coran – c’était une agression anti-musulmans cette fois-ci – j’étais rassuré de voir que la communauté juive, la communauté musulmane et les citoyens ont participé à une grande marche.

Qui a intérêt à faire monter l’antisémitisme ?

CVS : Il y en a à gauche et à droite. J’ai déjà dit que la France insoumise avait eu des flous coupables sur son positionnement sur le conflit Israël-Palestine. Mais je dis aussi qu’il y a une partie de la droite, notamment l’extrême droite, qui a un intérêt à alimenter tout ça. Je veux être celui qui rassemble et qui sécurise. Dès le 7 octobre, j’ai qualifié les événements d’attentat terroriste. Et ensuite, quand il y a eu une riposte disproportionnée du gouvernement Netanyahou – et pas des Juifs ou de l’État d’Israël – j’ai tout de suite condamné.

La police a découvert trois corps dans un appartement de Villeurbanne, ce dimanche 31 août 2025.
Fin août, une femme et ses deux enfants ont été tués dans leur appartement de Villeurbanne. (©Pascal Piérart)

Un homme tué dans les marches du métro à Charpennes, une femme et ses deux enfants tués dans votre commune cet été, un homme qui brûle un Coran dans une mosquée, des fusillades ou des agressions dans la rue… Villeurbanne est-elle touchée par une flambée de violences ?

CVS : Oui, nous sommes dans un moment où dans la ville, il y a une place dans l’espace public et dans la vie quotidienne de la violence qui est extrêmement préoccupante. Oui, la société est hyper violente mais aujourd’hui, on est aussi capable à Villeurbanne de faire une fête de la musique organisée avec des gamins entre 15 et 25 ans avec plusieurs milliers de spectateurs sur une journée complète où il ne se passe aucun événement et sans qu’on ait besoin d’avoir des CRS en permanence.

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« Deux points de deal actifs au Tonkin » au lieu de huit en 2023

A propos de sécurité, pour le quartier du Tonkin touché par le trafic de drogue et les violences, vous avez obtenu des moyens policiers avec une brigade dédiée. Où en est-on aujourd’hui ?

CVS : Sans être dans un bilan d’auto-satisfaction, nous avons avancé. Mais le problème est loin d’être réglé. Nous avons des résultats et montré qu’il n’y a pas d’impuissance. Au moment le plus critique, c’est-à-dire les tirs en octobre 2023, il y avait 8 points de deal hyper actifs sur le Tonkin.

Aujourd’hui, il en reste deux actifs, un troisième en pointillés. Les habitants reconnaissent qu’il y a eu une vraie évolution dans la qualité de vie du quartier, les points de deal devant les écoles sont supprimés.

Nous avons augmenté le nombre de policiers municipaux, de caméras, on a obtenu une brigade de sécurité après deux ans de combat.

Vous traitez le cas du Tonkin, mais il y a aussi des faits de délinquance et du trafic dans le quartier de Maison-Neuve, Les Buers, Saint-Jean, Grand Clément… Comment agissez-vous dans le reste de la ville ?

CVS : La cartographie des points de deal à Villeurbanne n’a pas évolué depuis 15 ans. On a aujourd’hui des points de deal qui génèrent de l’insécurité et du risque pour les habitants, ce sont ceux que l’on cible en priorité : Grand Clément, Cusset/ Flachet, Les Buers…

Aux Buers par exemple, c’est la deuxième caméra que l’on installe et le poteau est scié en pleine rue.

Il ne faut pas se raconter d’histoire, Villeurbanne a besoin d’effectifs de police nationale en plus. On a fait la preuve qu’en mettant 13 policiers nationaux au Tonkin, on a amélioré significativement la situation.

Des tours du Tonkin, à Villeurbanne, à la nuit tombée ce lundi 18 novembre 2024.
Des tours du Tonkin, à Villeurbanne, avec la police déployée dans le quartier. (©Julien Damboise / actu Lyon)« Je demande plus d’effectifs de police à l’État »

Que demandez-vous concrètement à l’État pour les autres quartiers de Villeurbanne ?

CVS : Je demande au ministre de l’Intérieur de se pencher sur la question de Villeurbanne en matière d’effectifs de police. Je suis inquiet que le principal syndicat de police, Alliance, fasse état de pertes colossales d’effectifs de policiers nationaux dans la métropole de Lyon.

Au-delà du trafic de stupéfiants, il y a aussi le sujet des incivilités ou de la propreté qui revient souvent chez les habitants, avec le phénomène des dépôts sauvages. Villeurbanne n’y échappe pas. Est-ce que vous comptez, par exemple, déployer la vidéoverbalisation pour ce type de problématiques ?

CVS : Nous sommes en train de la tester sur des points très spécifiques et on s’apprête à annoncer la poursuite de l’expérimentation à partir de la date d’entrée en service de l’enlèvement des encombrants que va lancer la Métropole de Lyon. Nous avons un certain nombre de points identifiés. Il y a aussi un travail de la qualité de la voirie dans la ville que doit engager la Métropole.

Et puis il y a un travail à faire sur une meilleure coordination entre les services municipaux de propreté et ceux de la Métropole. Les équipes doivent mieux travailler ensemble pour améliorer la propreté de Villeurbanne.

La vidéoverbalisation pour lutter contre les déchets en tout cas est très efficace.

« Je ne suis pas satisfait de l’état de propreté de Villeurbanne »

Je ne suis pas satisfait de l’état de propreté aujourd’hui de Villeurbanne et de la qualité d’intervention de la puissance publique, je demande que l’on fasse mieux.

Cédric Van Styvendael

Vous demandez à la Métropole de Lyon de faire mieux, comment ?

CVS : Je dis, faisons mieux. Oui, faisons mieux. Il faut mieux articuler les équipes de la Ville et de la Métropole. Je demande une co-production de la politique de la propreté avec la Métropole. Je crois qu’on est d’accord sur le diagnostic (avec Bruno Bernard, le président du Grand Lyon).

Le tramway T6 mis en service le 14 février 2026

Votre mandat est marqué par l’apaisement de la ville : arrivée du tramway T6, futur T9, BHNS, nouvelles pistes cyclables, 30 km/h… Quelles sont les prochaines étapes ?

CVS : Il est trop tôt pour faire des annonces mais nous allons faire en un mandat ce qui peut en prendre deux ou trois. Je sens une impatience des habitants qui voient la transformation. Il faut déjà finir ce qui est en cours. Le T6 entre en service le 14 février 2026, le T9 fin 2026-début 2027…

Il reste encore des choses à faire comme le futur tramway T8 qui passera par Les Brosses et La Soie.

Il nous reste encore à aménager certaines rues pour faire face à la vitesse.

Le chantier du tramway T6 avance, ce samedi 13 septembre 2025 à Villeurbanne.
Le chantier du tramway T6 avance, ce samedi 13 septembre 2025 à Villeurbanne. (©Nicolas Zaugra/ actu Lyon)Un scénario pour une passerelle au-dessus du périphérique

Un autre projet est lancé : la rénovation de l’Astroballe qui sera exploité par un groupe privé tout en restant piloté par la Ville. Deux acteurs importants sont cités : GL Events et Holnest, qui possède déjà la LDLC Arena, vous confirmez ?

CVS : Ces deux pistes sont sérieuses. Juste pour préciser, ce n’est pas eux qui vont gérer mais une société d’économie mixte à opération unique (Semop). La Ville reste propriétaire. Un appel d’offres est en cours.

Je préfère travailler avec ces acteurs plutôt qu’ils ne s’imposent partout. Les collectivités doivent être puissantes pour résister aux grands groupes internationaux.

Où en est votre volonté de couvrir le périphérique pour relier le quartier de Cusset et de Laurent Bonnevay qui coupe Villeurbanne en deux ? La Métropole avait lancé une étude…

CVS : À cet endroit-là, les liaisons ne sont pas possibles, en tout cas extrêmement difficiles. J’ai demandé à la Métropole de faire des études, de trouver une solution technique qui nous agrège les deux quartiers. Il ne sera pas possible de couvrir le périphérique dans son ensemble (une enveloppe de 500M d’euros évoquée). Je suis extrêmement satisfait des études mais moins du calendrier.

Le calendrier va bien trop loin, bien après 2030. Je pense qu’il faut une réalisation significative lors du prochain mandat. Sur le budget évoqué de ce qui est faisable, on est très loin des 500 millions.

Pas encore candidat aux municipales 2026

Etes-vous candidat aux municipales 2026 pour solliciter un deuxième mandat ?

CVS : Je ne répondrai pas à cette question. Je me suis positionné comme premier socialiste à la Métropole, ce ne serait pas honnête de dire que je ne suis pas candidat pour être élu à la Métropole. Je suis candidat à être élu métropolitain, je suis en soutien de Bruno Bernard. L’équipe que j’ai mené a envie de repartir. Qui mènera la liste ? C’est trop tôt pour le dire. Il y a une prochaine échéance, celle du PS qui va dire qui doit mener la campagne : c’est le 6 novembre. Je respecte les instances du parti.

Et à la Métropole, vous pouvez viser sa présidence ?

CVS : J’ai signé une tribune pour dire que je soutiens l’union de la gauche. En fonction de ce que dira Bruno Bernard, je serai en mesure de préciser ma position dans le cadre de ce que dit cette tribune appelant à une union. Je pense que je peux être utile à la Métropole et je ferai tout pour qu’elle reste à gauche.

Bruno Bernard, président de la Métropole et Cédric Van Styvandel, maire de Villeurbanne.
Bruno Bernard, président de la Métropole et Cédric Van Styvendael, maire de Villeurbanne. (©Nicolas Zaugra/ actu Lyon)« Rien ne peut nous conduire à exclure les membres LFI de ma majorité »

Entre LFI et le PS, les tensions sont de plus en plus fortes. Vous aussi, vous dites qu’il y a eu des dérapages sur le sujet de l’antisémitisme…

CVS : Les personnes dans mon équipe ont toujours été très claires sur ce sujet. Il n’y a rien qui peut nous conduire à exclure les membres LFI de ma majorité. Il faut entendre les électeurs de la France insoumise, ceux que je croise à Villeurbanne n’ont aucun flou sur la question antisémite. Oui, il y en a qui disent des conneries mais à chaque fois, je le dis. C’est aussi une facilité de condamner tous les élus et électeurs de LFI à chaque fois.

Que pensez-vous de la candidature de Jean-Michel Aulas à la mairie de Lyon ?

CVS : Je suis surpris du décalage entre l’estime que je porte à son parcours professionnel et le fait qu’il sombre dans ce qu’il se fait de pire en se lançant en politique. Son début de campagne est entaché d’erreurs, de fake news sur le positionnement des écologistes. Ce n’est pas à la hauteur de son parcours. Son premier geste politique est de s’allier à Laurent Wauquiez, ce n’est pas un signal très porteur. C’est le candidat de la droite, bonne chance !

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